Schmittlein Raymond

Publié le par Roger Cousin

Né dans le nord de la France, Raymond Schmittlein est issu d'une famille d'Alsaciens ayant émigré en 1871. 

Schmittlein RaymondSchmittlein Raymond

Orphelin à l'âge de dix ans, il peut cependant mener, grâce à un prêt d'honneur, de brillantes études supérieures à la Sorbonne jusqu'à l'agrégation de lettres. Il enseigne au lycée Lakanal (1930-1932) et au lycée de Chartres (1932-1934), puis part en Lituanie où il est chargé de cours à l'Université de Kaunas, entre 1934 et 1938, avant de devenir directeur de l'Institut français de Riga (1938-1939). C'est à cette époque qu'il commence une série de publications historiques ou littéraires dont plusieurs ouvrages consacrés à l'histoire ou à la toponymie de la Lituanie. Mobilisé quand la guerre éclate, il participe à la campagne de Norvège en tant que capitaine d'infanterie, puis s'engage dans les Forces françaises libres (FFL) et participe aux opérations de Libye et de Syrie en 1941. L'année suivante, devenu commandant, attaché au cabinet du général Catroux, il est chargé d'une mission diplomatique en URSS au moment où s'établissent les liens entre Soviétiques et Alliés.

Il reçoit à Moscou la reconnaissance de la France libre par le Kremlin, la libération des prisonniers alsaciens et lorrains enrôlés dans la Wehrmacht et la reconnaissance officielle en 1943 du Comité de Libération nationale d'Alger. Attaché au cabinet du général de Gaulle à Alger (1943-1944), promu lieutenant-colonel, il participe aux campagnes d'Italie, de France et d'Allemagne ainsi qu'à la libération de Belfort. Son brillant parcours pendant la guerre lui vaut la Légion d'honneur, la croix de guerre avec cinq citations, la croix des théâtres d’opération extérieurs (TOE), la médaille de la Résistance et la croix de guerre polonaise. A la Libération, il est nommé inspecteur général de l'éducation nationale pour l'enseignement du français à l'étranger et devient directeur général des affaires culturelles du Haut-commissariat français en Allemagne occupée (1945-1951).

Raymond Schmittlein adhère avec ferveur au Rassemblement du peuple français (RPF) dès sa création et siège au Conseil national du mouvement gaulliste dès 1949. Mais c'est en 1951 que commence sa carrière politique. Il conduit alors la liste du Rassemblement du peuple français (RPF) dans le Territoire de Belfort, avec pour profession, celle de « fonctionnaire des territoires occupés ». Sa liste attire 11 674 voix sur 40 269 suffrages exprimés (29%) ; il est élu député sans n’avoir jamais exercé d'autre mandat. L'implantation belfortaine est consolidée en 1953, puis 1955, quand Raymond Schmittlein se fait élire respectivement conseiller municipal, puis conseiller général de Belfort. Mais elle ne dure pas, car aux victoires succèdent les défaites : Raymond Schmittlein est battu aux élections législatives de 1956, lors desquelles il n’obtient que 20,5% des voix, puis aux élections municipales de 1959 et aux cantonales de 1961.

A l'Assemblée nationale, Raymond Schmittlein, bientôt vice-président du groupe parlementaire RPF, siège dans trois commissions : celle des moyens de communication et du tourisme (1953-1954), de la défense nationale (1954-1955) et surtout, celle de l'éducation nationale (1951-1955) qu'il préside en 1955. Le 19 mars 1954, il est nommé membre de la sous-commission chargée de suivre et d’apprécier la gestion des entreprises nationalisées et des sociétés d’économie mixte. Il dépose trois propositions de loi, une proposition de résolution, trois avis et trois rapports sur des textes d’origine parlementaire. Comme député, il intervient à trente-quatre reprises en séance publique, en défendant dix-huit amendements, deux amendements indicatifs et une motion préjudicielle. Il dépose quatre demandes d’interpellation, deux articles additionnels et fait un rappel au règlement. A cinq reprises au cours de la législature, il est rapporteur pour avis. La majorité des interventions et propositions du député de Belfort touche l'enseignement : c'est d'ailleurs souvent au nom de la commission de l'éducation nationale qu'il prend la parole. Mais cela n'exclut pas d'autres centres d’intérêts.

Ainsi, en 1952, il préconise une politique pour protéger l'industrie cotonnière - forte dans l'Est - de la concurrence étrangère ; en 1954 et 1955, il intervient à plusieurs reprises sur les affaires algérienne et tunisienne, pour une approbation mitigée de la politique mendésiste, mettant en garde contre la « conjuration étrangère » à l'oeuvre en Afrique du Nord depuis 1945, appelant à prendre en compte l'inquiétude des Français, tout en soulignant le respect de la liberté du peuple tunisien. Il se montre un vigoureux adversaire de la Communauté européenne de défense (CED). Parmi les autres engagements de Raymond Schmittlein figure son action en faveur d'un resserrement des liens entre la France et Israël, action menée notamment en présidant le groupe d'amitié France-Israël à l'Assemblée. Au Palais-Bourbon, Raymond Schmittlein approuve la loi Barangé (10 septembre 1951), vote contre la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier (CECA, 11 décembre 1951), s'abstient lors du vote d'investiture d’Antoine Pinay (6 mars 1952), vote l'investiture du gouvernement de Pierre Mendès France (17 juin 1954), contre la Communauté européenne de Défense (30 août 1954). Il donne sa confiance au gouvernement Mendès France, le 5 février 1955.

Durant son mandat de député, Raymond Schmittlein effectue deux brefs passages au gouvernement. Nommé secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil, il est chargé des relations avec les Etats associés, dans le cabinet Laniel, du 31 mai 1954 au 1er juin 1954. Désavoué par son groupe, le 1er juin 1954, il démissionne le lendemain. Appelé par Mendès France au ministère de la marine marchande le 20 janvier 1955, il n'a pas le temps d'agir, puisque le cabinet chute moins de trois semaines plus tard. Raymond Schmittlein n’est ministre que jusqu’au 23 février 1955. Ses deux courtes expériences ministérielles ne lui permettent pas de prendre la parole au Palais-Bourbon, ès qualités. Il fait partie de ces gaullistes qui poursuivent leur action politique au sein du nouveau parti créé, le Centre national des Républicains sociaux, après la mise en sommeil du Rassemblement du peuple français (RPF). Le député du Territoire-de-Belfort siège au comité directeur de ce nouveau mouvement. En mars 1955, il préside le groupe des Républicains sociaux au Palais-Bourbon. Durant les années 1956-1958, il est le responsable et l'animateur des républicains sociaux du Territoire-de-Belfort.

La Cinquième République, dans le contexte de la vague gaulliste de 1958, lui permet de retrouver son siège de député qu'il conserve en 1962, avant de le perdre à nouveau en 1967, battu par Maurice Dreyfus-Schmidt. Le député de Belfort est élu membre du comité central du nouveau mouvement gaulliste, l'Union pour la Nouvelle République (UNR), en novembre 1959. De 1960 à 1962, il préside le groupe UNR à l'Assemblée. Durant la deuxième législature de la Cinquième République, entre le 6 décembre 1962 et le 1er avril 1965, Schmittlein est vice-président de l'Assemblée nationale. Devenu membre du Conseil économique et social après sa défaite électorale de 1967, mais déjà atteint par la maladie, il ne se représente pas en 1968. L'accession de Georges Pompidou à l'Elysée amène Raymond Schmittlein, proche du gaullisme de gauche - il avait siégé dans les instances dirigeantes du Mouvement pour la communauté en 1961-, à prendre ses distances avec l'UDR. La mort du général de Gaulle affecte celui qui fait figure de « bastion du gaullisme » en Territoire-de-Belfort. Raymond Schmittlein, pour marquer la fin d'une époque, arrête la publication du Courrier de Belfort qu'il a fondé et dirigé depuis 1951. En juin 1969, il participe, avec Raymond Capitant, au conseil national du Front du Progrès. Puis il quitte complètement la famille gaulliste pour adhérer en janvier 1973 au Mouvement réformateur. C'est sous cette étiquette qu'il se lance dans son dernier - et vain - combat électoral en se présentant aux élections législatives de 1973, loin de Belfort, dans la deuxième circonscription des Alpes-de-Haute-Provence.

Victime d'une hémorragie cérébrale, Raymond Schmittlein est décédé à l'hôpital de Colmar le 24 septembre 1974 et inhumé dans la commune de Felon (Territoire-de-Belfort). Il laisse une œuvre historique et littéraire conséquente dont Napoléon et la Lituanie (1937), L’Armée lituanienne au temps de Napoléon (1938), Etude sur la nationalité des Aestii (1948), Lokis, la dernière nouvelle de Prosper Mérimée (1949), Circonstances et cause de la mort du Christ (1950), Nationales 83 (1951), Le Siège de Mayence (3 volumes, 1951-1961), L’Aspect politique du différent Bossuet-Fénelon (1953), La Première campagne de César contre les Germains (1956), Facteurs politiques et sociaux de l’évangélisation de la Lituanie (1959), L’Anthroponymie germanique dans la toponymie française (1962), Les noms d’eau de la Lituanie (1963), Mythe et religion des Baltes (1964), Belfort, capitale de l’Etat de Vichy (1965), Avec César en Gaule (1971).

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