Utah Beach

Publié le par Mémoires de Guerre

Utah Beach est l'appellation d'une des cinq plages du débarquement de Normandie le 6 juin 1944. Plage la plus à l'ouest des zones du débarquement allié et la seule située sur la côte nord-est du Cotentin, à l'ouest de l'estuaire de la Vire (les quatre autres se trouvent sur la côte du Calvados), Utah Beach s'étendait de Sainte-Marie-du-Mont jusqu’à Quinéville sur environ 5 km de long, avec une zone d'assaut principal à hauteur de Varreville.

Utah Beach
Historique

Elle fut ajoutée aux plans initiaux du débarquement, du fait d'un plus grand nombre de chalands de débarquement finalement disponibles et permettait ainsi d'avoir une tête de pont plus proche du port de Cherbourg. La 2e DB, commandée par le général Leclerc, y débarqua 30 juillet 19441. Le débarquement à Utah Beach fut certainement le moins coûteux en vies humaines et celui avec les résultats, à la fin de la première journée, les plus proches des objectifs initiaux des Alliés. La 4e division d'infanterie américaine n'y rencontra qu'une relativement faible résistance ennemie, en contraste avec Omaha Beach l'autre plage du secteur américain. Les fortifications allemandes y étaient moindres du fait d'une configuration des lieux jugée peu propice par les Allemands pour un débarquement. En effet, la plage se trouve sur un cordon littoral adossé à des zones marécageuses. Le débarquement américain sur Utah sera donc précédé d'une opération aéroportée de nuit, elle coûteuse en vies humaines, sur Sainte-Mère-Église et Chef-du-Pont afin de contrôler les quelques routes au travers des marais permettant les sorties de plage.

La partie est du Cotentin, à la limite des départements de la Manche et du Calvados est une zone de terres basses et humides, sujette à des inondations régulières en hiver. Sur le littoral, s'étendent de larges plages de sable bordées d'un cordon dunaire les séparant des marais que l'on franchit en empruntant des chemins surélevés. Les Allemands avaient volontairement maintenu plusieurs zones inondées pour rendre plus difficile un débarquement. Cette plage, particulièrement propice à un assaut amphibie, verra ses défenses renforcées après que le maréchal Rommel détectera de nombreuses faiblesses dans le dispositif défensif allemand lors de ses multiples visites d'inspection. Ainsi, les dunes entre la baie des Veys et Saint-Vaast-la-Hougue seront truffées de nids de mitrailleuses et sur les hauteurs de l'arrière-pays seront aménagées quelques batteries lourdes, notamment à Azeville, Crisbecq, Morsalines, La Pernelle. Néanmoins cette zone restera moins fortifiée que d'autres zones de la côte normande du fait que les Allemands estimaient que les marais et les zones inondées rendaient difficile un accès à l'intérieur des terres.

Initialement, les Alliés n'avaient pas prévu de débarquer sur les côtes du Cotentin. La proximité du port de Cherbourg et la nécessité de disposer d'une solution de repli au cas où la situation tournerait mal sur les plages du Calvados, décidèrent les responsables du haut commandement allié (le général Eisenhower et le maréchal Montgomery) à ajouter une cinquième plage. Un plus grand nombre de chalands de débarquement disponibles permit cette plage supplémentaire. L'endroit retenu reçut le nom de code d’Utah Beach. Il s'étend de Sainte-Marie-du-Mont jusqu’à Quinéville, avec une zone d'assaut d'environ deux kilomètres à hauteur de Varreville. Afin de permettre une sortie de plage des troupes fraîchement débarquées et qu'elles ne se trouvent pas bloquées entre la plage et les marais, les Alliés décidèrent d'engager deux divisions parachutistes, la 82e et la 101e divisions aéroportées américaines qui devront pour cela établir un point de fixation sur la zone de Sainte-Mère-Église et Chef-du-Pont et contrôler les quelques routes d'accès aux plages. Ils doivent également prendre le contrôle de la N 13, route nationale reliant Paris à Cherbourg via Caen et d'importance stratégique, cela afin d'éviter tout mouvement de troupes ou contre-attaque ennemis par cette voie et aussi de couper la liaison avec la forteresse de Cherbourg. 

Dans ce même but, ils doivent également contrôler la ligne de chemin de fer reliant Caen à Cherbourg, les ponts de la Douve et le contrôle du canal de Carentan à la mer. L'assaut aéroporté porte les noms d'opérations Albany et Boston. C'est la 4e division d'infanterie américaine du major général Barton, appartenant au VIIe corps américain commandé par le général J. Lawton Collins, qui fut chargée de prendre d'assaut Utah Beach. La première vague d'assaut est menée par le brigadier général Theodore Roosevelt Junior, cousin germain de l'épouse du président américain en exercice, Franklin Delano Roosevelt (dont il est également un lointain cousin), fils de l'ancien président Theodore Roosevelt et seul général, ce jour du 6 juin, à accompagner une vague d'assaut. Ce débarquement bénéficie de l'appui feu du groupe de bombardement de l'amiral ML Deyo et d'un écran de fumée lancé par le squadron 342, groupe Lorraine des ex-forces aériennes françaises libres. En tout ce sont plus de 865 navires, la « Force U », de convoyage, de protection ou d'appui aux troupes à terre qui seront impliquées dans le débarquement sur Utah Beach.

C'est à 6 h 30 le 6 juin, après une intense préparation d'artillerie et d'un bombardement aérien efficace des principales positions allemandes, que la 4e division d'infanterie US est engagée. Deux escadrons de chars DD amphibies sont mis à l'eau à 3 kilomètres du rivage. Ils rejoignent la plage par leurs propres moyens grâce à deux hélices et une jupe de caoutchouc. Ils s'approchent en deux vagues d'assaut, 12 chars pour l'une, 16 pour l'autre, de la plage où ils commencent à tirer sur les positions des Allemands alors que ceux-ci peinent à réorganiser leur défense après le terrible et efficace bombardement allié qui vient juste de cesser. En raison d’une erreur de navigation, les premières vagues d’assaut prirent pied à environ 2 kilomètres au sud de l'endroit prévu. Heureuse erreur pour les Alliés puisque les défenses allemandes étaient ici nettement moins redoutables. Pendant le début du débarquement de la division d'infanterie américaine, les tirs allemands sont nourris mais peu précis et peu à peu, les positions de mitrailleuses allemandes sont rapidement neutralisées. Il subsistera tout au long de la journée des tirs aléatoires mais meurtriers des canons et mortiers de la 709e division d'infanterie allemande située dans les terres mais que l'avancée des troupes à terre et les tirs guidés des navires alliés réduiront progressivement.

La plage est aux mains des Alliés assez rapidement. La marée se retirant, découvre les défenses des plages que les unités du génie commencèrent à éliminer moins d'une heure après le début du débarquement, afin d'ouvrir des passages aux chalands de débarquement de matériels et véhicules lourds. Deux heures après le débarquement, le mur antichar fut dynamité en plusieurs endroits et les chars purent commencer leur progression à l'intérieur des terres. La jonction des troupes débarquées et des parachutistes se fit en début d'après midi du côté de Pouppeville. Les pertes de la 4e division (tués, blessés et disparus) ne dépassèrent pas les 200 hommes pour la journée du 6 juin. Comparativement à Omaha Beach, Utah Beach fut un succès, et ce dû à plusieurs facteurs : Moins de fortifications allemandes comparé à d'autres plages. La défense est largement fondée sur l'isolement du cordon littoral de l'intérieur du pays par les zones inondées.

Un bombardement avant l'assaut efficace : beaucoup des grands bunkers identifiés, comme la batterie côtière près de Saint-Martin-de-Varreville, furent détruits par les B-26 Marauder, bombardiers moyens de la 9e US Air Force, volant à moins de 5 000 pieds (1 600 m) et fournissant aussi un appui aérien rapproché aux forces d'assaut. Les tanks DD: 28 des 32 tanks amphibies ont atteint le rivage car ils ont été mis à l'eau 2 fois plus près de la plage qu'à Omaha et furent aussi capables de se diriger dans le courant de manière plus efficace pour éviter la houle. L'erreur sur la zone de débarquement avec un débarquement vers une zone plus au sud que prévue se révélant une des zones de sortie de plage la moins fortifiée. Les troupes parachutistes : la différence la plus significative fut les 13 000 hommes de la 101e et de la 82e division aéroportée qui combattaient déjà dans l'intérieur des terres lors du début du débarquement. Cinq heures avant la première vague d'assaut, les troupes parachutées ou arrivées par planeurs combattaient au-delà des plages, éliminant l'ennemi des positions le long des sorties de plages et créant la confusion parmi les Allemands, prévenant ainsi toute contre-attaque organisée de la part de l'ennemi vers les zones de débarquement.

Mais ce succès doit être relativisé par les lourdes pertes subies par les troupes aéroportées. La 101e perdit 40 % de ses effectifs le jour J, dus à une dispersion au largage (plusieurs tombèrent dans les marais) et à de durs combats au sol. Dans les 12 premières heures, ce sont 23 250 hommes, 1 700 véhicules de combats et 1 695 tonnes d'approvisionnement qui seront débarqués sur cette plage. Par la suite, une véritable logistique d'approvisionnement va être mise en place à Utah Beach par la brigade spéciale de génie américain, forte de 19 500 hommes, brigade qui sera portée dans les semaines qui suivent à près de 70 000 hommes. Cette unité, commandée par le major général Eugene Meode Caffey, permettra de juin à novembre 1944 le débarquement sur la plage et l'acheminement jusqu'au front de 836 000 hommes, 220 000 véhicules de la jeep à la locomotive, 775 000 tonnes d'approvisionnements. 

En effet, privé rapidement de leur port artificiel de Saint-Laurent-sur-Mer détruit par la tempête du 19 juin, les Américains durent imaginer des solutions de rechange, la plage sera donc utilisée par des chalands mais aussi par des échouages volontaires de bateaux de plus fort tonnage, repris ensuite par la marée montante. Le quartier général de cette unité de génie sera durant les premières semaines établi dans le premier blockhaus pris aux Allemands à Utah Beach. Sur celui-ci s'élève aujourd'hui le monument à la mémoires des hommes de la 1re brigade de génie.

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