Le débarquement en Provence, au nom de code opération Anvil Dragoon, est une opération militaire menée pendant la Seconde Guerre mondiale à partir du 15 août 1944 par les troupes alliées dans le Sud-Est de la France (entre Toulon et Cannes). À l'origine appelée Anvil (enclume en anglais), le nom a été changé en Dragoon par Winston Churchill car il était contre ce débarquement (il déclara y avoir été « contraint », dragooned en anglais), préférant une percée des troupes déployées sur le front d'Italie vers les Balkans afin de prendre en tenaille l'armée allemande en Europe centrale et d'arriver à Berlin avant les Soviétiques. Il s'oppose notamment à de Gaulle, qui menace de retirer les divisions françaises du front italien.
Les objectifs étaient de libérer Toulon, Marseille puis de remonter le Rhône jusqu'à effectuer la jonction avec les forces de l'opération Overlord débarquées en Normandie. L'opération Dragoon incluait un atterrissage de planeurs (opération Dove) et un faux débarquement dans le Nord de l'Italie (opération Span). La défense allemande composée de la XIXe armée (essentiellement des troupes étrangères) est dégarnie, notamment de la 9e Panzerdivision, à la suite de l’envoi de renforts vers le front de Normandie. À la suite de ce débarquement et de sa rapide progression, Hitler opère un repli pour éviter l'encerclement mais ordonne la destruction des ports de Toulon et Marseille et de garder ces deux villes.
À partir du 15 août 1944, ce sont environ 260 000 combattants de la 1ere Armée Française dirigée par le général Jean de Lattre de Tassigny, qui sont arrivés dans le Sud de la France. Ils débarqueront dans les mois qui suivent, dont 5 000 auxiliaires féminines ; 10 % étaient originaires de la métropole (les « Français libres » du général de Gaulle) ou d'Afrique subsaharienne (près de 10 000), 90 % venaient d'Afrique du Nord dont une écrasante majorité d'anciens soldats de l'armée d'armistice (devenue Vichyste) des départements d'Algérie ; parmi ces derniers, 52 % étaient d'origine nord-africaine (près de 100 000) et 48 % étaient d'origine européenne (les futurs Pieds-noirs). Dans les grandes unités, le pourcentage de soldats nord-africains variait de 27 % à la 1re DB à 56 % à la 2e DIM. Par type d'arme, ce pourcentage était d'environ 70 % dans les régiments de tirailleurs, 40 % dans le génie et 30 % dans l'artillerie.
La veille, Radio Londres diffuse 12 messages pour la Résistance, des régions R1-R2, R3-R4 et R6, et dont les plus connus sont : « Le chasseur est affamé (Bibendum) ou Nancy a le torticolis (guérilla) » ainsi que « Le premier accroc coûte 200 francs » qui deviendra le titre d'un recueil de nouvelles d'Elsa Triolet, écrivaine résistante, qui obtint pour cette œuvre le prix Goncourt 1945, au titre de l'année 1944. Comme lors de l'opération Overlord, le plan de bataille prévoit une division des troupes en différentes « forces » ayant chacune un but précis.
L'assaut naval a lieu sur les côtes varoises entre Toulon et Cannes et mobilise 880 navires anglo-américains, 34 français et 1 370 navires pour le débarquement. Durant la nuit du 14 au 15 août 1944, des commandos français sont débarqués sur les flancs du futur débarquement :
Sitka Force, constituée de la Special Service Force et commandée par le colonel Edwin Walker, s'est chargé la même nuit de détruire les batteries des îles côtières de Port-Cros et du Levant situées devant Hyères.
Kodak Force, composée des trois divisions de la VIIe armée américaine du général Lucian Truscott ( les 3eme, 36eme et 45eme divisions) et de la 1re Division Blindée française (1ère DB) du général Touzet du Vigier est répartie en trois secteurs :
L'objectif était de débarquer et de constituer une ligne de front de vingt-cinq kilomètres de profondeur (appelée Blue Line), puis d’avancer vers la vallée du Rhône et de prendre contact avec le 2e corps d'armée français. Le 17 août, les Alliés mènent une attaque de diversion à La Ciotat pour attirer les forces allemandes à l'écart des principales zones de débarquement. Pendant l'opération, deux navires de guerre allemands attaquent la flottille alliée, mais ils sont tous deux coulés. Au nord de La Ciotat, l'aviation américaine largue 300 parachutistes factices pour renforcer la tentative de diversion.
L'assaut aérien comportait un parachutage d'hommes et de matériel entre Le Muy et La Motte avec 9 000 parachutistes de la 2e brigade indépendante parachutiste britannique et de plusieurs régiments aéroportés américains largués par plus de 400 avions et des planeurs américains pour les véhicules. Ils étaient acheminés depuis l'Italie. L'objectif était de s’emparer du Muy et des hauteurs de Grimaud afin d’empêcher l’afflux de renforts ennemis depuis l’ouest. C'est Force Rugby, la 1st Airborne Task Force du général Robert T. Frederick, qui la charge. Cette force se composait, entre autres, des unités suivantes :
À l'aube du 15 août 1944, les Alliés déploient la Task Force 88 au large de la Provence. Cette force tactique a pour mission d'assurer la couverture aérienne du débarquement dans un premier temps, puis d'aider les troupes débarquées dans leur progression dans un deuxième temps.
Le 16 août, à J + 1, débarque Force Garbo commandée par le général américain Alexander Patch, et composée de la VIIe armée américaine commandée par lui-même et de la 1ere armée française commandée par le général de Lattre de Tassigny, elle-même composée des unités suivantes :
Les trois quarts de Force Garbo étaient sous commandement français avec pour moitié des troupes des colonies (moitié de soldats d'origine européenne et moitié de soldats africains et nord-africains). L'objectif était de faire une poussée vers Toulon.
Dans les jours suivants, l'armée B est complétée par les unités suivantes :
L'armée B est par la suite organisée en deux corps d'armée :
Si un objectif du débarquement en Provence était de créer un nouveau front en France, ce plan incluait aussi de détruire la XIXe armée allemande, qui avait pour charge la défense du Sud-Est de la France. Les 3e et 45e divisions américaines avaient pour objectif de pousser vers la vallée du Rhône, alors que l'armée française de la Libération avait la charge de libérer les ports de Toulon et Marseille. Pour réaliser le second objectif — la destruction des forces allemandes — une force blindée est mise sur pied lors des préparatifs du débarquement, la Task Force Butler, dont la mission est de progresser vers le nord, depuis Draguignan, via Riez, puis Digne et Sisteron, et d'obliquer vers le Rhône à Aspres-sur-Buëch, et ainsi de couper la retraite des forces allemandes, lors de la bataille de Montélimar. La nouvelle du succès rapide de cette attaque, avec une avancée profonde en vingt-quatre heures, a déclenché une insurrection populaire dans Paris.
En deux semaines la Provence aura été libérée. Digne et Sisteron sont atteintes le 19 août, Gap le 20 août. Grenoble est prise le 22 août (soit 83 jours avant la date prévue[réf. nécessaire]), Toulon le 23 août, Montélimar le 28 août, Marseille le 29 août et Lyon le 3 septembre . Les forces alliées, remontant la vallée du Rhône, rejoindront le 12 septembre, à Nod-sur-Seine vers Montbard, au cœur de la Bourgogne, celles du front de l'ouest. Dans les Alpes-Maritimes, Nice est libérée le 28 août 1944, mais Saorge n'est reprise que le 4 avril 1945. La progression principale se fait vers le nord, laissant sur son flanc un front au niveau des cols alpins, qui ne constituent pas un objectif immédiat pour les états-majors alliés. Des unités allemandes venues d'Italie et chassées de Provence s'y réfugient, notamment dans les différents ouvrages et forts qui constituaient la ligne Maginot alpine. Mais les FFI contrôlaient les Alpes.
Les derniers combats pour libérer la région ont lieu fin avril 1945. Les forts de la vallée de l'Ubaye, les ouvrages Maginot de Saint-Ours et Roche-la-Croix, ne sont repris aux Allemands qu'entre les 23 et 24 avril par les forces françaises aidées de l'armée américaine, soit huit mois après le débarquement sur les côtes du Var, alors que les derniers combats ont lieu en Allemagne. Dès les premiers jours, un camp de transit est projeté et sa construction mise en œuvre au nord de Marseille, le camp de Calas, pour organiser la redirection des troupes vers les Vosges et l'Alsace, l'Asie ou le retour vers les États-Unis pour les troupes relevées totalisant plus de 80 points sur leur "carte de crédit". La première inspection du lieu se fait le 25 août et les premiers travaux commencent immédiatement. On estime que plus de 2 millions de GI ont transité par le camp, avec 5 000 mouvements par jour jusqu'au 4 janvier, date de sa fermeture, avec une population de l'ordre de 100 000 occupants. Ce camp accueille aussi dans sa partie sud les prisonniers au fur et à mesure de leur arrivée. Les GI morts au combat sont regroupés à la nécropole nationale de Luynes, non loin de ce camp, d'où ils seront redirigés vers celui de Colleville-sur-Mer en Normandie ou réclamés par leurs familles aux États-Unis (60 %).
Au total, plus de 94 000 soldats et 11 000 véhicules ont été débarqués le premier jour. Du 15 au 29 août (prise de Marseille), les pertes de cette Armée B s’élèvent à 933 tués, 19 disparus et 3 732 blessés, les jours les plus terribles étant les 23 et 24 août. Environ 35 000 Allemands ont été capturés. Les soldats alliés tombés au cours de la campagne de Provence sont enterrés dans différents cimetières :
Les corps des soldats allemands tués durant l'opération Anvil/Dragoon ainsi que durant les années d'Occupation du Sud de la France sont regroupés au cimetière militaire allemand de Dagneux dans l'Ain.