Hallier Jean-Edern

Publié le par Mémoires de Guerre

Jean-Edern Hallier, né le 1er mars 1936 à Saint-Germain-en-Laye et mort le 12 janvier 1997 à Deauville, est un écrivain, polémiste, pamphlétaire, journaliste, critique littéraire et animateur de télévision français. Il est le créateur du prix anti-Goncourt et du journal L'Idiot international. 

Hallier Jean-Edern
Hallier Jean-Edern

Origines et jeunesse

Jean-Edern Hallier est le fils d'André Hallier (1892-1988), saint-cyrien de la promotion de Montmirail (1912-14), général de l'Armée française, fils de militaire, héros de la Première Guerre mondiale, puis attaché militaire en Hongrie, qui possédait un manoir familial à Edern dans le Finistère, et de Marguerite Leleu (1903-1984), fille de l'industriel Auguste Leleu (1868-1940) qui vivait dans un hôtel particulier à Saint-Germain-en-Laye. L'arrière-grand-père paternel, Adolphe Hallier, servit l'empereur du Brésil, Pedro II, comme directeur de son arsenal et de la Monnaie. Le couple a deux enfants, Jean-Edern et Laurent. Durant l'accouchement, Marguerite subit les forceps et son premier nouveau-né est éborgné. Jean-Edern portera donc un œil de verre, mais bâtira une légende autour de son infirmité, écrivant qu'il avait été blessé durant son séjour en Hongrie avec ses parents.

Jean-Edern se veut très tôt écrivain : il rencontre Jean Cocteau à l'âge de 15 ans, puis Jean Paulhan, qui lui ouvre sa bibliothèque de la rue des Arènes. Son meilleur ami s'appelle Jean-René Huguenin. Tous deux écrivent pour des revues comme Arts et La Table ronde. En 1958, ils envisagent avec Philippe Sollers de fonder une revue. Il fréquente aussi Pierre-André Boutang qu'il a rencontré autour des amis de Roland Laudenbach au siège des éditions de la Table ronde. Il rencontre cette année-là Bernadette Szapiro, fille de l'écrivain belge Béatrix Beck : le couple a une fille, Béatrice Szapiro, que Jean-Edern ne reconnaîtra qu'en 1984 alors qu'elle est âgée de 26 ans. Se situant à ses débuts dans la mouvance du nouveau roman, il est cofondateur et directeur de la revue Tel Quel en mars 1960, mais est exclu de la rédaction en février 1963, à la suite d'une virée rocambolesque de Philippe Sollers, dans sa famille, en Suisse. Cette année-là, il publie son premier roman, Les Aventures d'une jeune fille, salué par Pierre Klossowski et par Michel Foucault. 

L'Idiot international

Il crée, avec François Coupry et François de Negroni, les Éditions Hallier, qui publient une trentaine de livres. Reprises en 1978 par Albin Michel, elles deviennent les Éditions Libres Hallier. Homme de média, Hallier a hébergé en 1977 la première radio pirate déclarée — « Radio Verte », de tendance écologiste — qui fera beaucoup parler d'elle en tant qu'écho d'un phénomène nouveau. Durant cette même époque, dans la lignée des événements de Mai 68 (auxquels il avait pris part), il a également créé, l'année suivante (octobre 1969), le journal satirique L'Idiot international — patronné à ses débuts par Simone de Beauvoir qui, par la suite, prendra ses distances avec le journal —, ce qui vaudra plus tard à Hallier d'être accusé d'entretenir un réseau « rouge-brun ». Aux yeux de certains journalistes, le polémiste était d'autant plus suspect qu'il avait, depuis quelques années, entamé un dialogue avec Alain de Benoist, publiant notamment un de ses essais aux éditions Libres-Hallier (filiale des Éditions Albin Michel) : Les Idées à l'endroit (1979).

En février 1973, lors de la parution de La Cause des Peuples, il arrive finalement à être interviewé par Pierre de Boisdeffre et conclut en disant : « Croyez bien que ce livre est un livre d'humour ». En décembre 1973, il part pour le Chili (Santiago) du temps de Pinochet avec des fonds rassemblés par Régis Debray (3 000 dollars) pour la résistance chilienne et reviendra sans l'argent (il en aurait seulement remis le tiers). L'année suivante, il publie Chagrin d'amour (1974), dont il fait la promotion dans Ouvrez les guillemets de Bernard Pivot, qui déclare : « Cet écrivain sera un jour à l'Académie française. » En 1979, il publie un pamphlet anti-giscardien, Lettre ouverte au colin froid, dénonçant notamment son libéralisme économique inspiré des États-Unis, ses louanges de la social-démocratie, le marketing politique ou encore l'anglicisation à outrance du français. Il est régulièrement la cible de railleries de la part de l'humoriste Pierre Desproges dans l'émission du tribunal des flagrants délires.

Procès

De juillet à octobre 1989, Jean-Edern Hallier et son journal sont condamnés à verser 250 000 F à Jack Lang et à son épouse pour « diffamation et injures publiques »35, puis 100 000 F à Christian Bourgois pour « propos injurieux et atteinte à la vie privée », 300 000 F à Georges Kiejman pour « injures, diffamation et atteinte à la vie privée », et enfin 400 000 F à Bernard Tapie pour des « atteintes d'une gravité exceptionnelle que ni l'humour ni les principes régissant la liberté de la presse ne sauraient justifier », selon les termes du tribunal correctionnel de Paris. En juillet 1991, Jean-Edern Hallier est condamné à cinquante mille francs d'amende et quatre-vingt mille francs de dommages-intérêts à plusieurs associations antiracistes, pour « provocation à la haine raciale », par la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, à la suite des « qualificatifs outrageants ou abjects s'appliquant à désigner les juifs comme la lie de l'humanité » dans un éditorial de L'Idiot international publié pendant la guerre du Golfe. En septembre de la même année, l'écrivain est condamné à payer 800 000 F de dommages-intérêts à Bernard Tapie pour publication, dans L'Idiot international, de propos « diffamatoires, injurieux, et attentatoires à sa vie privée ».

À la suite de ses multiples condamnations judiciaires, L'Idiot international cesse de paraître, le journal ne pouvant plus faire face à ses dettes à cause de trop nombreux procès intentés contre lui. En 2005, l'ancien directeur-adjoint du cabinet de Mitterrand, Gilles Ménage, et le chef de la « cellule Élysée », Christian Prouteau, ont été condamnés dans le dossier Hallier de l'affaire des écoutes de l'Élysée. L'ancien directeur de cabinet de Pierre Mauroy, Michel Delebarre, et l'ancien directeur de cabinet de Laurent Fabius, Louis Schweitzer, ont également été condamnés par le tribunal correctionnel de Paris. La justice a ensuite condamné en 2008 l'État à indemniser le fils, la fille et le frère de Jean-Edern Hallier. En 1982, l'écrivain est soupçonné d'avoir simulé son propre enlèvement (le 25 avril), revendiqué par de mystérieuses « Brigades révolutionnaires françaises », et par la suite commandité un attentat contre l'appartement de Régis Debray, détruit par une explosion le 21 juillet. Les sources de ces faits rapportés sont nombreuses : récemment l'auteur de sa biographie François Bousquet a confirmé le fait, ainsi que Gilles Ménage. En 1975, il aurait déjà commandité un mini-attentat chez Françoise Mallet-Joris, juré Goncourt, afin de protester contre les magouilles des prix littéraires : la seule conséquence de ce geste fut un feu de paillasson. En juin 1991, National Hebdo affirme que Jean-Edern Hallier va rallier le Front national. Dans un entretien accordé au Monde, l'écrivain dément, mais ajoute : « Le Pen représente beaucoup de Français de la France profonde. Il faut réconcilier Doriot et Thorez », tout en se déclarant « de gauche ».

Critique littéraire, il est également animateur d'émissions littéraires (émission de télévision littéraire en France) sur Paris Première avec le Jean-Edern's Club, où il jetait fréquemment les livres par-dessus son épaule ou dans une poubelle, et sur M6, avec À l'ouest d'Edern. Durant les dernières années de sa vie, Jean-Edern Hallier s'est adonné à la peinture. Il est l'auteur de nombreux portraits. Il s'est aussi attaqué à l'homme d'affaires Bernard Tapie dans L'Idiot international en 1989 et en 1991, puis en publiant son casier judiciaire en 1993. D'autres nombreuses personnalités ont aussi été violemment attaquées à cette époque, cela jusqu'à son décès en 1997. Écrivain pamphlétaire et habitué des coups d'éclat médiatiques, Jean-Edern Hallier s'est montré particulièrement féroce envers le pouvoir socialiste et François Mitterrand — dont il fut un temps proche — en menaçant de révéler l'existence de sa fille cachée, Mazarine Pingeot, son passé lié au maréchal Pétain et son cancer, dans un pamphlet, L'Honneur perdu de François Mitterrand, qu'il ne parviendra à publier qu'en 1996. Selon Hallier, le président de la République serait parvenu, grâce au système des écoutes, à faire détruire le brûlot avant sa publication en 1984. Cette hostilité aurait eu pour origine des promesses non tenues (présidence d'une chaîne de télévision ou ambassade).

En séjour au Normandy Barrière, il meurt le matin du 12 janvier 1997 (9 h selon son acte de décès), alors qu'il circule à vélo, sans que personne ait été témoin de l'accident (ou trop tard). Peu de temps après la découverte du corps, il aurait été constaté que le coffre-fort de sa chambre d'hôtel — qui contenait des photocopies de documents concernant François Mitterrand et Roland Dumas — avait été vidé. Son meuble de l'appartement parisien avenue de la Grande-Armée aurait également fait l'objet d'une visite semblable. Il devait déjeuner quelques heures plus tard avec le journaliste Karl Zéro, qui fut d'ailleurs appelé pour l'identification du cadavre. L'hypothèse de son assassinat a été plusieurs fois avancée, notamment par son frère, Laurent Hallier, dans une entrevue accordée à Christian Lançon pour le magazine Généreux en novembre 1998, ou par le même Christian Lançon et Dominique Lacout dans La Mise à mort de Jean-Edern Hallier. Cependant, les plaintes déposées contre X n'ont pas été jugées recevables. L'écrivain a été enterré cinq jours après sa mort au cimetière d'Edern (Finistère) où plusieurs messes ont eu lieu depuis en sa mémoire. Jean-Edern Hallier est le père de trois enfants : Béatrice Szapiro (née en 1958 de sa liaison avec Bernadette Szapiro, fille de l'écrivain belge Béatrix Beck) ; Ariane Hallier (née en 1967, de son mariage avec Anna Devoto-Falck, héritière du Gruppo Falck) ; Frédéric-Charles Hallier (né en 1981, d'une troisième union, avec Marie-Christine Cappelle). 

Publications

  • Les Aventures d'une jeune fille (1963)
  • Rapt de l'imaginaire (1964)
  • Le Grand écrivain (1967)
  • La Cause des peuples (1972)
  • Chagrin d'amour (1974)
  • Le premier qui dort réveille l'autre (1977) Prix Bretagne
  • Chaque matin qui se lève est une leçon de courage (1978)
  • Romans. Œuvres complètes (1978, 1982, 1994, 1997)
  • Lettre ouverte au colin froid (1979)
  • Fin de siècle (1980)
  • Un barbare en Asie du Sud-Est (1980)
  • Bréviaire pour une jeunesse déracinée (1982)
  • L'Enlèvement (1983)
  • Le Mauvais esprit, avec Jean Dutourd (1985)
  • L'Évangile du fou (1986)
  • Carnets impudiques (1988)
  • Conversation au clair de lune (avec Fidel Castro), Éditions Messidor (1990)
  • Le Dandy de grand chemin, conversations avec Jean-Louis Remilleux (1991)
  • La Force d'âme (1992)
  • Je rends heureux (1992)
  • Les Français, dessins, éditions Ramsay (1993)
  • Le Refus ou la leçon des ténèbres (1994)
  • L'Honneur perdu de François Mitterrand (1996)
  • Les Puissances du mal (1996)
  • Fulgurances, textes et dessins (1996)
  • Journal d'outre-tombe (1998)
  • Fax d'outre-tombe (2007)
Textes
  • Interview de Jean-Paul Sartre, Du rôle de l'intellectuel dans le mouvement révolutionnaire (1971)
  • Préface à Mille pattes sans tête de François Coupry (1976)
  • Préface à Je rêve petit-bourgeois de Michel Cejtlin (1979)
  • Préface à Le Soldat Grisaille d'André Grall éditions Le Signor 1979.
  • Préface au Droit de parler de Louis Pauwels (1981)
  • Préface au Icônes de l'instant de Patrick Bachellerie (1987)
  • Préface à Je défends Barbie de Jacques Vergès (1988)
  • Préface aux Poèmes de sans avoir de Jean-Claude Balland (1990)
  • Préface à Petites blagues entre amis de Paul Wermus (1996)

Presse

  • Atelier Jean-Edern Hallier (1998)
  • L'Idiot International. Une anthologie, collectif (2005)

Théâtre

  • Le Genre humain, texte de Jean-Edern Hallier, mise en scène Henri Ronse, Espace Pierre Cardin, 1976

Publié dans Ecrivains, Journalistes

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