Italie : « Don Raffaele », figure de la mafia napolitaine, est mort
Avec la disparition du boss de la sanglante Nuova Camorra Organizzata se tourne l’une « des pages les plus sombres de l’histoire » de la péninsule.
« O Professore » n'est plus. Raffaele Cutolo, 79 ans, figure historique de la mafia napolitaine, s'est éteint hier soir dans le centre médical de la prison de Parme, des suites d'une longue maladie. Derrière lui, l'homme laisse un CV carcéral à faire pâlir : condamné quatre fois à la perpétuité, Cutolo passera près d'un demi-siècle en cellule, dont plus de deux décennies en 41-bis, le régime d'isolement total, réservé aux mafieux de haut rang.
Fils d'un métayer et d'une blanchisseuse d'Ottaviano, petite commune au pied du Vésuve, Cutolo n'a que 22 ans quand il fait couler le sang pour la première fois. La victime : Mario Viscito, tué pour avoir fait la cour à sa sour, Rosetta. Les morts se compteront ensuite par centaines au début des années 1980 quand la Nuova Camorra Organizzata (NCO), la puissante faction napolitaine fondée par « Don Raffaele », se livre à une guerre sans merci avec les clans rivaux de la Nuova Famiglia alliés aux mafieux siciliens. Des luttes de pouvoir qui coûteront même au « Professeur » la vie de l'un de ses enfants, Roberto (28 ans), tué en décembre 1990 par un commando envoyé par un boss rival.
Même derrière les barreaux, l'influence du chef mafieux n'en reste pas moins vivace. « C'était un point de référence, qui commandait depuis les murs de sa cellule. Il a marqué l'histoire de la criminalité napolitaine et au-delà », rappelle l'ancien juge d'instruction Carlo Alemi, cité par la Rai. Le boss camorriste ira même jusqu'à participer activement (contre une réduction de sa peine) aux négociations secrètes permettant la libération de Ciro Cirillo, élu de la Démocratie chrétienne de Campanie, enlevé par les Brigades rouges en 1981.
Raffaele Cutolo construira également sa légende sur ses terres d'Ottaviano, où le chef mafieux saura se montrer plus que généreux. C'est l'homme qui peut en « un seul mot vous trouver un emploi », raconte ainsi Nico Falco, spécialiste de la mafia pour le site napolitain Fanpage. L'incarnation « du welfare à la sauce camorriste » qui a nourri « la popularité et le consensus » autour du « Professore », explique le journaliste.
Avec sa mort se « tourne l'une des pages les plus sombres de l'histoire de notre pays », estime aujourd'hui Gianpiero Zinzi, président de la Commission anti-Camorra de Campanie. Mais Cutolo « emporte avec lui dans sa tombe les secrets et les histoires des victimes de la criminalité dont les familles auraient pu trouver la paix s'il avait décidé de collaborer avec la justice », déplore l'élu. En un demi-siècle d'emprisonnement, « Don Raffaele » ne sera jamais passé du côté des repentis et ne cessera donc de représenter, aux yeux des juges, une menace pour la société. Ainsi, l'an passé, en pleine période Covid, la demande de placement du boss napolitain – très affaibli par la maladie – en résidence surveillée sera rejetée par un tribunal de Bologne. Hors des murs de la prison, la présence de cette figure mafieuse « pourrait renforcer les groupes criminels qui se réfèrent toujours à Nuova Camorra Organizzata, groupes pour lesquels Cutolo représente encore une figure charismatique », justifient ainsi les juges. C'est donc loin de Naples et des pentes du Vésuve que le « Don Raffaé », comme le chantait Fabrizio De André, est mort.