Société des Nations (SDN)
La Société des Nations (SDN ou SdN) est une organisation internationale introduite par le traité de Versailles en 1919, et dissoute en 1946. Ce même traité est élaboré au cours de la conférence de paix de Paris, pendant laquelle est signé le Covenant ou le Pacte qui établit la SDN, afin de préserver la paix en Europe après la fin de la Première Guerre mondiale. Basée à Genève, dans le palais Wilson puis le palais des Nations, elle est remplacée en 1945 par l’Organisation des Nations unies, qui reprend un certain nombre de ses agences Le principal promoteur de la SDN est le président des États-Unis Woodrow Wilson. Le dernier des dits Quatorze points de Wilson de janvier 1918 qui préconise une association des nations constitue la base politique officielle. Toutefois, le Sénat américain, en s’opposant à la ratification du Traité de Versailles, vote contre l’adhésion à la Société des Nations et les États-Unis n’en font pas partie. En plus d'être un traité de libre-échange affirmé dans les trois premiers des Quatorze points de Wilson, les objectifs de la SDN comportent le désarmement, la prévention des guerres au travers du principe de sécurité collective, la résolution des conflits par la négociation, et l’amélioration globale de la qualité de vie.
L'approche diplomatique qui préside à la création de la Société représente un changement fondamental par rapport à la pensée des siècles précédents, en prônant la négociation collective à l'encontre de la diplomatie secrète honnie par le président américain. Cependant, la Société n’a pas de force armée « en propre » et, de ce fait, dépend des grandes puissances pour l’application de ses résolutions, que ce soit les sanctions économiques ou la mise à disposition de troupes en cas de besoin. Les pays concernés sont peu disposés à intervenir. Benito Mussolini déclare ainsi : « la Société des Nations est très efficace quand les moineaux crient, mais plus du tout quand les aigles attaquent ». Dans l’entre-deux-guerres, trois pays (l’Allemagne nazie, ainsi que le Japon en 1933, et l'Italie en 1937) quittent la SDN. Après de nombreux succès notables et quelques échecs particuliers dans les années 1920, la Société des Nations est totalement incapable de prévenir les agressions des pays de l’Axe dans les années 1930.
Malgré le règlement pacifique de tensions et conflits mineurs (dans les îles Åland, en Albanie, en Autriche et Hongrie, en Haute-Silésie, à Memel, en Grèce face à la Bulgarie, en Sarre, à Mossoul, dans le sandjak d’Alexandrette, au Liberia, entre la Colombie et le Pérou), la SDN est considérée comme un échec car elle ne parvient à enrayer ni la guerre civile espagnole, ni l’agression italienne contre l’Éthiopie, ni l'impérialisme japonais, ni l'annexion de l'Autriche par Hitler, ni la crise des Sudètes, ni enfin les menaces allemandes contre la Pologne, c'est-à-dire l'ensemble des crises internationales qui préludent au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. De plus, sa gestion de certaines colonies par des puissances européennes sous le format de mandat posera des problèmes dont les effets seront effectifs jusqu'à nos jours (Rwanda, Proche-Orient).
La Société des Nations est la première tentative pour faire fonctionner une organisation universelle des États, principalement créée pour régler les problèmes de sécurité collective. Il s'agissait en quelque sorte de prolonger le gouvernement de fait des Alliés durant la Première Guerre mondiale dans une organisation permanente. À l'origine de la SDN, il y a les conditions de la paix telles qu'exposées par le président Woodrow Wilson le 8 janvier 1918 dans son discours des « Quatorze Points ». Le quatorzième point précisait qu'une « association générale des nations devra être formée sur la base de pactes spécifiques afin d'assurer les garanties mutuelles d'indépendance politique et d'intégrité territoriale, aussi bien aux petits États qu'aux grands ».
Le 25 janvier 1919, la session plénière de la conférence de la paix réunissant à Paris l’ensemble des puissances victorieuses adopte une résolution prévoyant que le « pacte de la SDN » ferait partie intégrante des traités de paix. Ce pacte est inclus dans le texte du traité de Versailles, le 28 juin 1919, ainsi que dans ceux de Saint-Germain, de Trianon et de Neuilly ; il en forme en fait les 26 premiers articles. La SDN entre en application le 10 janvier 1920 après la ratification du traité de Versailles par l'Allemagne et trois des principaux associés. C'est à Paris qu'a lieu, le 16 janvier 1920, sur convocation du président Wilson, la première réunion du Conseil de la Société des Nations.
Les principes de base de la SDN sont l'interdiction de la guerre, la justice, le respect du droit international. Les membres s'engagent à respecter et à maintenir l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de tous les États membres contre toute agression extérieure. Il ne s'agit donc pas d'un simple pacte de non-agression, mais bien d'un engagement sur une action positive de secours au profit du pays agressé. L'article 16 précise même qu'un gouvernement ayant eu recours à la guerre, en contradiction des principes de la charte, est considéré comme ayant commis un acte de guerre contre tous les membres de la SDN. Certaines sanctions non militaires sont alors automatiques et des sanctions militaires peuvent être recommandées par le Conseil. Dès le début, on observe néanmoins une vive répugnance des différents pays à utiliser les mécanismes des sanctions.
Les membres de la SDN sont d'abord les États vainqueurs de la Première Guerre mondiale et les États neutres. Ses organes sont l'Assemblée, réunissant tous les États membres qui disposent chacun d’une voix, le Conseil, véritable exécutif, formé de 5 membres permanents (France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, puis Chine à la place des États-Unis) et de 4 membres non permanents élus (chiffre porté ensuite à 6, 9 et 11), le secrétariat permanent, divers bureaux ou comités spécialisés, en particulier le Bureau international du travail (BIT) et la Cour de justice internationale (en fait, la Cour de La Haye, créée en 1899, est intégrée dans la SDN). À l'Assemblée comme au Conseil, pour les questions de fond, le vote se fait à l'unanimité. Ne font partie de la SDN ni l'Allemagne vaincue (admise finalement en 1926 avec un siège permanent au Conseil) ni la Russie, en pleine révolution, ni les États-Unis, dont le Sénat a refusé de ratifier le traité de Versailles (20 novembre 1919).
Le Conseil
Le Conseil de la Société des Nations avait autorité pour traiter de toute question affectant la paix du monde. Sa composition fut d’abord de quatre membres permanents (le Royaume-Uni, la France, l’Italie et le Japon) et quatre membres non permanents, élus par l’Assemblée générale pour une période de trois ans. Les quatre premiers membres non permanents étaient la Belgique, le Brésil, la Grèce et l’Espagne. Les États-Unis, étaient censés être le cinquième membre permanent, mais le sénat des États-Unis, dominé par les Républicains après les élections de 1918, vota contre la ratification du traité de Versailles, empêchant de ce fait la participation du pays à la SDN, et traduisant la tentation isolationniste des Américains.
La composition initiale du Conseil fut ensuite modifiée à de nombreuses reprises. Le nombre de membres non permanents fut d’abord porté à six (le 22 septembre 1922), puis à neuf (le 8 septembre 1926). La République de Weimar rejoignit également la Société et devint le cinquième membre permanent du Conseil, portant le nombre total de membres à quinze. Plus tard, quand l’Allemagne et le Japon quittèrent la Société, le nombre de membres non permanents fut finalement augmenté de neuf à onze. En moyenne, le Conseil se réunissait cinq fois par an, sans compter les sessions extraordinaires. Cent sept sessions publiques eurent lieu entre 1920 et 1939.
Autres organes
La SDN supervisait la Cour permanente internationale de justice et diverses autres agences et commissions créées pour traiter des problèmes internationaux prégnants. On y trouvait la Commission de contrôle des armes à feu, l’Organisation de la santé, l’Organisation internationale du travail, la Commission des Mandats, le bureau central permanent de l’opium, la Commission pour les réfugiés, et la Commission pour l’esclavage. Alors que la Société elle-même est souvent stigmatisée pour ses échecs, plusieurs de ses agences et commissions ont eu des succès notables dans l’exercice de leurs mandats respectifs.
Commission de désarmement
La Commission obtint l’accord initial de la France, l’Italie (l'économiste V. Pareto en est le représentant), le Japon et la Grande-Bretagne afin de limiter la taille de leurs marines de guerre respectives. Néanmoins, le Royaume-Uni refusa de signer le traité de désarmement de 1923, et le pacte Briand-Kellogg, facilité par la commission en 1928, échoua dans son objectif de bannir la guerre. Enfin, la Commission n’a pas réussi à stopper le réarmement de l’Allemagne (qui obtient, en décembre 1932, le principe d'égalité des droits en matière d'armement, et rétablit en 1935 le service militaire obligatoire), de l’Italie et du Japon durant les années 1930. Le Japon quitte la SDN en 1933, deux ans après avoir envahi la Mandchourie.
Comité sanitaire (Organisation de la santé)
Cet organe visait à éradiquer la lèpre, la malaria et la fièvre jaune, les deux derniers en lançant une campagne internationale d’extermination des moustiques. L’Organisation de la santé réussit également à éviter qu’une épidémie de typhus se développât en Europe grâce à une intervention précoce en Union soviétique.
Commission des Mandats
La Commission supervisa les territoires Mandats de la SDN. Elle organisa aussi des référendums dans les territoires contestés afin que leurs résidents puissent décider du pays qu’ils voulaient rejoindre ; le plus célèbre fut celui de la Sarre en 1935.
Organisation internationale de travail
Cet organe fut dirigé par le Français Albert Thomas. Il réussit à faire interdire l’ajout de plomb dans la peinture, et convainquit un certain nombre de pays d’adopter une loi des 8 heures de travail quotidien et de quarante-huit heures hebdomadaires. Il travailla également à l’abolition du travail des enfants, à améliorer le droit des femmes au travail, et à rendre les armateurs responsables pour les accidents impliquant des marins. Commission consultative du trafic de l'opium (1921-1924) puis Commission consultative du trafic de l'opium et autres drogues nuisibles (1924-1940)
Créée en 1920 lors de la première assemblée générale de Société des nations, la Commission consultative du trafic de l'opium était chargée de poursuivre la politique internationale des drogues telle qu'elle avait été initiée par la Convention internationale de l'opium signée à La Haye en 1912. Sa première réunion eut lieu en 1921 et elle siégea sans discontinuer jusqu'en 1940. C'est en son sein que furent discutées et élaborées les conventions internationales sur les drogues adoptées durant l'entre-deux-guerres. Elle contribua ainsi grandement à l'édification du contrôle international des drogues tel qu'il existe toujours au début du XXIe siècle, en créant un marché légal des drogues destinées aux seules fins médicales et scientifiques.
Commission des réfugiés
Dirigée par Fridtjof Nansen, la Commission surveilla le rapatriement et, si nécessaire le relogement, de 400 000 réfugiés et ex-prisonniers de guerre, dont la plupart avaient échoué en Russie à la fin de la Première Guerre mondiale. Elle établit des camps en Turquie en 1922 pour traiter un afflux de réfugiés dans le pays et ainsi participer à la prévention des maladies et de la famine. Elle établit également le passeport Nansen comme moyen d’identification des personnes apatrides.
Commission de l’esclavage
La Commission chercha à éradiquer l’esclavage et la traite des esclaves dans le monde, combattit la prostitution forcée et le trafic de stupéfiants particulièrement celui de l’opium. Elle réussit à faire émanciper 200 000 esclaves en Sierra Leone et organisa des raids contre les trafiquants d’esclaves afin de stopper la pratique du travail forcé en Afrique. Elle réussit également à ramener le taux de mortalité des ouvriers construisant le chemin de fer du Tanganyika de 55 % à 4 %. Dans d’autres régions du monde, la Commission recueillit des témoignages sur le trafic d’esclaves, la prostitution et le trafic de drogue dans une tentative de surveillance de ces questions.
Commission internationale de coopération intellectuelle (CICI)
L’instance de la CICI, fondée en 1921, a pour fonction de promouvoir les conditions favorables à la paix internationale. Il s’agit de développer l’esprit critique des individus grâce à l’éducation afin que cela puisse leur permettre d’agir de manière saine et responsable. La CICI, qui rassemble en son sein plusieurs intellectuels du monde entier, a comme premier président le philosophe Henri Bergson. Cette instance de concertation disparaît lors de la Seconde Guerre mondiale et réapparaît en 1946 sous une forme nouvelle, celle de l’UNESCO. Plusieurs de ces institutions furent transférées aux Nations unies après la Seconde Guerre mondiale. En plus de l’Organisation Internationale du Travail, la Cour internationale de justice permanente devint la Cour internationale de justice (CIJ), et l’Organisation de la santé fut réorganisée en Organisation mondiale de la santé (OMS).
Une fois la paix revenue, les tendances isolationnistes ont en effet repris le dessus aux États-Unis et nombreux sont ceux qui craignent que les engagements contenus dans le pacte n'entraînent le gouvernement américain dans des litiges liés au statu quo territorial en Europe. De plus, certains jugent que les « prérogatives » des États-Unis en Occident (conformément à la doctrine Monroe) ne sont pas entièrement sauvegardées par le pacte de la SDN, trop égalitaire à leurs yeux. Le retrait des Américains va jouer un rôle capital dans l'histoire de la SDN, la crédibilité du mécanisme des sanctions s'en trouvant en effet, d'entrée de jeu, très affaiblie.
La question des territoires sous mandat est, dès l'origine, un ferment de discorde. La SDN part du principe que certains peuples ne sont pas capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions de l'époque, et elle attribue ainsi des territoires aux principales puissances : Togo, Cameroun oriental, Syrie et Liban pour la France ; Cameroun occidental, Sud-Ouest et Sud-Est africains – anciennes colonies allemandes –, Iraq et Palestine pour la Grande-Bretagne ; Rwanda et Urundi pour la Belgique ; ex-possessions allemandes du Pacifique pour le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Pourtant, jusqu'en 1931, le bilan ne s'avère pas complètement négatif. La SDN joue notamment un rôle dans les affaires des îles Åland (→ Ahvenanmaa), que se disputent la Finlande et la Suède, de la haute Silésie, qui oppose l'Allemagne à la Pologne, de Corfou à propos de la délimitation de la frontière albanaise, de Mossoul, province contestée entre les Irakiens et les Turcs. Elle permet en outre de résoudre une grave crise gréco-bulgare en 1925. En revanche, le règlement du conflit gréco-turc lui échappe, et elle est impuissante, du fait du veto français, lors de la réoccupation de la Ruhr par les Alliés.
Le déclin de la SDN s’amorce avec le début des années 1930. La conférence mondiale du désarmement à Genève (1932-1934) échoue. En 1933, le Japon, qui avait impunément envahi la Mandchourie (1931), puis l'Allemagne, devenue nazie, quittent la SDN. L'admission de l'URSS (1934) ne compense pas ces départs. En avril 1935, la conférence de Stresa constitue la dernière tentative internationale de faire reconnaître le traité de Versailles, mais si les démocraties ont un temps l'impression d'avoir ramené dans leur camp l'Italie de Mussolini, elles savent désormais que l'Allemagne de Hitler ne tient plus aucun compte de la SDN ; de plus, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie affirment qu'elles s'opposeront par tous les moyens au danger représenté, selon elles, par l'Union soviétique, ce qui constitue un revirement diplomatique incohérent de la France et de la Grande-Bretagne. Enfin, la France laisse entendre à l'Italie qu'elle n'interviendra pas contre elle en Éthiopie.
Ainsi, la conférence de Stresa non seulement échoue à freiner les ambitions du Duce en Éthiopie mais l'encourage plutôt à l'action. À cet égard, la guerre italo-éthiopienne (1935-1936), opposant deux États membres, marque la faillite de la sécurité collective : contre l'agression italienne, la SDN prend des sanctions inefficaces, et l'Italie se retire à son tour. Pire, elle se rapproche de l'Allemagne, qui seule l’a soutenue dans son entreprise coloniale. Dès lors, la SDN assiste sans réagir aux crises qui se multiplient jusqu'au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre civile d’Espagne à l’invasion de la Pologne par l’Allemagne. Sa dernière initiative est d'expulser l'URSS après son invasion de la Finlande, le 30 novembre 1939. En avril 1946, la SDN disparaît officiellement au profit de l'Organisation des Nations unies (ONU). La Cour permanente de justice internationale, créée dans le cadre de la SDN, a survécu jusqu'à nos jours, sous le nom de Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye.
- France, Léon Bourgeois, 1920
- Belgique, Paul Hymans, 1920-1921
- Pays-Bas, Herman Adriaan van Karnebeek, 1921-1922
- Chili, Agustin Edwards, 1922-1923
- Cuba, Cosme de la Torriente y Peraza, 1923-1924
- Suisse, Giuseppe Motta, 1924-1925
- Canada, Raoul Dandurand, 1925-1926
- Portugal, Augusto de Vasconcelos 1926-1926
- Yougoslavie, Momčilo Ninčić, 1926-1927
- Uruguay, Alberto Guani, 1927-1928
- Danemark, Herluf Zahle, 1928-1929
- Salvador, José Gustavo Guerrero, 1929-1930
- Roumanie, Nicolae Titulescu, 1930-1932
- Belgique, Paul Hymans, (2e fois) 1932-1933
- Afrique du Sud, Charles Theodore Te Water, 1933-1934
- Suède, Rickard Sandler, 1934
- Mexique, Francisco Castillo Nájera, 1934-1935
- Tchécoslovaquie, Edvard Beneš, 1935-1936
- Argentine, Carlos Saavedra Lamas, 1936-1937
- Turquie, Tevfik Rüştü Aras, 1937-1937
- Empire Britannique, Aga Khan III 1937-1938
- Irlande, Éamon de Valera, 1938-1939
- Norvège, Joachim Hambro, 1939-1946