Alice Ernestine Prin dit Kiki de Montparnasse

Publié le par Mémoires de Guerre

Kiki de Montparnasse ou Kiki, pseudonyme d’Alice Ernestine Prin, née le 2 octobre 1901 à Châtillon-sur-Seine (Côte-d'Or) et morte le 23 mars 1953 (à 51 ans) à Paris, surnommée « la Reine de Montparnasse », fut un modèle, une muse et parfois l'amante d’artistes célèbres, mais également chanteuse, danseuse, gérante de cabaret, artiste peintre et actrice de cinéma, et anima le quartier du Montparnasse durant l’entre-deux-guerres (1921-1939). 

Alice Ernestine Prin dit Kiki de Montparnasse

Enfance

Enfant illégitime, la jeune Alice est élevée par sa grand-mère dans une grande pauvreté. En 1913, elle quitte Châtillon-sur-Seine pour rejoindre sa mère, Marie Prin, linotypiste à Paris. En 1916, Marie Prin rencontre Noël Delecœuillerie, un jeune homme revenu blessé du front, qu’elle épouse deux ans après.

Modèle

En 1914 Marie Prin retire Alice de l'école pour la faire travailler comme apprentie. Ainsi Alice est successivement brocheuse, fleuriste, laveuse de bouteilles chez Félix Potin et visseuse d’ailes d’avion. En 1917, elle est bonne à tout faire chez une boulangère, place Saint-Georges (Paris 9e). Se révoltant contre les mauvais traitements qu’elle subit, elle est renvoyée. Pour gagner de quoi vivre, elle devient modèle, posant nue chez un sculpteur, ce qui cause une violente dispute avec sa mère qui l’expulse de chez elle malgré l’hiver. Elle est recueillie par le peintre Chaïm Soutine. Elle fréquente la brasserie La Rotonde mais au bar seulement. Pour avoir le droit de s’asseoir dans la salle, une femme doit porter un chapeau. En 1918, elle se met en ménage avec Maurice Mendjizki (1890-1951), un peintre juif polonais.

Elle pose pour les peintres Amedeo Modigliani et Tsugouharu Foujita dont le Nu couché à la toile de Jouy sera l'événement du Salon d'automne de 1922. Moïse Kisling l'a également peinte à de nombreuses reprises. Elle adopte la coupe au carré, les yeux abondamment soulignés de khôl, les lèvres peintes de rouge vif et le pseudonyme Kiki. En 1921, elle devient la compagne et le modèle préféré de Man Ray qui trouve son physique « de la tête aux pieds, irréprochable ». Il la photographie notamment à côté d'un masque baoulé, ainsi que de dos, nue, pour un célèbre cliché auquel il ajoute deux ouïes de violon et qu'il intitule Le Violon d'Ingres, en 1924. Dorénavant elle devient la reine de La Rotonde : "C'est Kiki, la seule, l'unique qui traverse majestueusement les salles, flanquée du fidèle Man Ray" qui lui fait rencontrer les dadas Tristan Tzara, Francis Picabia et les surréalistes Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard, Max Ernst et Philippe Soupault. Elle vit un temps avec Vaslav Nijinski. 

Peintre

Elle commence également à dessiner des portraits pour les soldats britanniques et américains qui fréquentent La Rotonde. Par la suite, elle expose régulièrement ses peintures dans des galeries parisiennes, notamment en 1927 dans la galerie Au Sacre du printemps, en 1930, dans la prestigieuse galerie Georges Bernheim, en 1931, galerie Jean Charpentier, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Pablo Gargallo fait son portrait en bronze doré en 1928. En 1929 Kiki devient la maîtresse du journaliste Henri Broca. Ce dernier fonde le magazine Paris-Montparnasse où paraissent les premiers chapitres du livre de souvenirs que Kiki écrit, et qu'il publie ensuite : Les souvenirs de Kiki. Malgré l’engagement du journaliste américain Edward William Titus, époux d’Helena Rubinstein, les autorités douanières refusent l’introduction du livre aux États-Unis pour cause de propos jugés « scabreux ». 

Chanteuse

Kiki est élue « Reine de Montparnasse ». Cependant sa mère, puis Henri Broca sombrent dans la folie. Pour parer aux frais médicaux, elle fait le tour des boîtes de nuits où elle chante (notamment au Jokey rue Campagne-Première) et danse. Le 14 novembre 1930, elle débute au Concert Mayol dans la revue Le Nu sonore de Léo Lelièvre, Henri Varna et Marc-Cab. Elle conduit la revue avec Tonton de Montmartre. En janvier 1931, elle chante à La Jungle, en 1932 à L'Escale, cette année-là, elle a un engagement à Berlin. En 1936 elle chante Nini peau d'chien au Noël 1900 présenté au moulin de la Galette. Elle chante aussi dans le célèbre cabaret de la rue de Penthièvre, Le Bœuf sur le toit, lieu où Man Ray expose ses photographies. Elle se rend aux studios de la Paramount Pictures (Kaufman Astoria Studios) de New York, mais sans résultat.

Buvant trop et se nourrissant mal, Kiki pèse 80 kg en 1934. La presse semble d'ailleurs s'en amuser puisqu'en 1936, elle relate qu'à la suite d'un régime, Kiki passe de 80 kg à 57 kg. Ce qui ne l’empêche pas de poser pour le peintre Per Krohg qui, trouvant sa « croupe très belle », pense « à un trois-mâts toutes voiles dehors ». Broca meurt en 1935. De janvier 1935 à janvier 1937, elle chante régulièrement au Cabaret des fleurs au 47 rue du Montparnasse. En 1937, elle ouvre son propre établissement, Babel chez Kiki, rue Vavin. André Laroque, pianiste et accordéoniste de ce cabaret, agent des contributions indirectes le jour, devient son nouvel amant. Il aide Kiki à se défaire de la drogue et tape à la machine son second livre de souvenirs : Souvenirs retrouvés, qui ne seront publiés qu'en 2005. En 1939, elle chante au cabaret Le Gipsy's au 20, rue Cujas. Le 19 décembre 1942, elle fait sa rentrée au Jockey, 127 boulevard Montmartre. Elle s'y produit jusqu'au mois de juillet 1943. 

Fin de vie

En 1952, Frédéric Kohner, un américain, professeur dans une université de Californie, qui fut déniaisé par elle à l'âge de 19 ans, la revoit : « La porte du bar s'ouvrit... Je la vis entrer. Elle portait un manteau de phoque très usé et un chapeau d'une taille ridicule, avec une voilette qui cachait ses yeux... J'eus un choc... J'avais l'impression qu'une terrible explosion s'était produite, ne laissant rien que d'horribles ruines. Je scrutais son visage tandis qu'elle titubait vers le bar... Son visage était ravagé par l'âge au point de la rendre méconnaissable. C'était un visage où l'on sentait la mort toute proche, où l'on devinait déjà le cadavre. Un maquillage outrancier ne faisait qu'accentuer l'impression de décomposition qu'il donnait. » En 1953, âgée de 51 ans Kiki décède à l'hôpital Laennec de Paris, inhumée au cimetière parisien de Thiais, sa tombe est reprise en 1974. Seul Léonard Foujita aurait assisté à son enterrement. Ernest Hemingway lui rend un brillant hommage. 

Galerie

Modèle d'œuvres plastiques

  • Alexander Calder, Kiki de Montparnasse ou Masque, 1930, fil de fer, 30,5 × 26,5 × 34,5 cm, Paris, musée national d'art moderne.
  • Léonard Foujita, Nu à la toile de Jouy, 1922, gouache et encre sur papier, 54,5 × 65,5 cm, Paris, musée national d'art moderne.
  • Pablo Gargallo, Kiki de Montparnasse, 1928, masque en bronze doré, 20,5 × 17 × 11,5 cm, Paris, galerie Marwan Hoss.
  • Moïse Kisling :
    • Kiki au pull rouge, huile sur toile, Genève, musée du Petit Palais ;
    • Kiki de Montparnasse, 1924, huile sur toile, Taïnan, Chimei Museum.
  • Man Ray :
    • Le Violon d'Ingres, 1924, photographie, épreuve aux sels d'argent rehaussée à la mine de plomb et à l'encre de Chine et contrecollée sur papier, Paris, musée national d'art moderne ;
    • Noire et Blanche, 1926, photographie.

Filmographie

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