Léger Lucien
Lucien Léger, né à Paris le 30 mars 1937 et mort à Laon en juillet 2008, est un criminel français, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre d'un enfant en 1964. Il fut le plus ancien détenu de France avant d'être libéré le 3 octobre 2005 après 41 ans d'emprisonnement, ce qui constitue une des détentions les plus longues en Europe (il n'égale cependant pas celui du tueur en série John Straffen, détenu pendant 55 ans au Royaume-Uni). On l'a surnommé l'étrangleur à cause de la signature « L'étrangleur no 1 » apposée au bas des lettres anonymes envoyées à la police.
Lucien Léger naît le 30 mars 1937 en banlieue parisienne, dans une famille modeste de sept enfants. Son père était tourneur sur métaux chez Renault. Il effectue son service militaire en Algérie. Il épouse Solange, sœur d'un ami avec qui il avait fait son service militaire. Léger travaille d'abord comme magasinier aux Éditions Denoël. Son épouse, souffrant de neurasthénie, est internée à plusieurs reprises en raison de sa psychologie fragile. Peut-être pour mieux comprendre la maladie de sa femme ou simplement par opportunité professionnelle, Léger devient élève infirmier à l'hôpital psychiatrique de Villejuif.
Le 26 mai 1964, en fin d'après-midi, Luc Taron, né le 9 mai 19535, disparaît après avoir été grondé par sa mère pour lui avoir volé 15 francs. Ses parents croient tout d'abord à une fugue et ne préviennent pas immédiatement la police. Le 27 mai 1964, vers 5 heures du matin, le corps de l'enfant est découvert, mutilé et étranglé, dans les bois de Verrières-le-Buisson, dans l'Essonne. Le soir même de la découverte, le ravisseur se signale à Radio Luxembourg et indique où trouver une voiture volée dans laquelle se trouve du sang humain sur la banquette et un billet signé de sa main, et décrivant le crime. Le billet, qui annonce d'autres rapts si une rançon par anticipation ne lui est pas versée, est signé L’étrangleur no 1.
La presse ne rapporte que le sobriquet d'« étrangleur », omettant le no 1 et vexant apparemment l'assassin : dans le mois qui suit, cinquante-six lettres anonymes sont envoyées à la presse, à la police, au père de la victime et au ministre de l’Intérieur, revendiquant être l'auteur du crime et en annonçant d’autres, et réclamant « 50 millions » de francs. Lucien Léger se présente personnellement à la rédaction de France Soir comme le propriétaire de la Citroën 2CV volée dans laquelle a été retrouvée le billet signé par L'étrangleur no 1. La presse ne mentionnant pas l'histoire de la voiture volée, il écrit alors à la police pour relater son histoire. Son écriture le confond et il est arrêté le 5 juillet 1964, puis incarcéré. On retrouve chez lui un projet de roman intitulé Journal d'un assassin. Lucien Léger se rétractera par la suite, lors d'une reconstitution en juin 1965.
Le procès de Lucien Léger se déroule du 3 au 7 mai 1966 à la cour d'assises de la Seine-et-Oise, qui siège à Versailles, dans une atmosphère de grande tension. L'accusé est molesté par la foule et échappe de peu à un lynchage. Les parents de l'enfant réclament la peine de mort. Défendu par Me Albert Naud, Lucien Léger, qui avait initialement reconnu le crime durant l'instruction, clame à présent son innocence : selon lui, le véritable meurtrier, un certain « Monsieur Henri », lui aurait expliqué les circonstances du meurtre ; ce serait un ennemi du père de l'enfant. Les jurés ont finalement pitié de la « folie » de Léger (comme il souffre d'un ostéome au niveau du front, son avocat invoque la folie de son client) et le condamnent non pas à la peine de mort mais à la réclusion criminelle à perpétuité, avec une durée d'épreuve de quinze ans (la période de sûreté n’existant pas encore à l’époque). Lucien Léger est alors âgé de 29 ans. Son avocat, Jean-Jacques de Felice, déclarera plus tard que Lucien Léger serait sorti bien plus tôt de prison s'il avait avoué le meurtre.
L'administration qualifie Lucien Léger de « détenu modèle ». Il refuse tout examen psychologique en vue d'une libération conditionnelle, sous prétexte de son innocence. Il aide de nombreux prisonniers à reprendre courage et à tenir. Il continue par ailleurs de clamer régulièrement son innocence. En prison, il étudia le droit puis se mit à la philosophie. La durée de son emprisonnement avait suscité la création de comités de soutien. Il a été incarcéré dans une quinzaine d'établissements pénitentiaires pour finir par la prison de Bapaume, dans le Pas-de-Calais. Solange, sa femme, meurt en 1970. Lucien Léger n'obtient pas le droit d'assister à son enterrement.
Lucien Léger est libérable à partir de juillet 1979 : ses treize demandes de libération conditionnelle, et trois demandes de grâces présidentielles sont toutes rejetées. Yves Taron, père de la victime et fondateur de la Ligue nationale contre le crime et pour l'application de la peine de mort, avait affirmé en 1980 : « Je le tuerai. Pas tout de suite, juste le temps de lui faire éprouver l'angoisse que ma femme et moi avons connue. » La libération de Lucien Léger est d'ailleurs intervenue après la mort d'Yves Taron. La mère du petit Luc Taron, devenue veuve, fait simplement la demande que Lucien Léger ne publie jamais de livre sur l'affaire. En 2004, Lucien Léger déclare à un journaliste : « Si je sors, je sors intact. » Narcissique, mythomane et manipulateur, d'après les psychiatres, il parle régulièrement de lui à la troisième personne et se targue d'une jurisprudence le concernant.
Lucien Léger est libéré le 3 octobre 2005, à l'âge de 68 ans. Il élit domicile à Landas dans le Nord chez un ami, boulanger en retraite. Il travaille à la Croix-Rouge de Douai pour distribuer des vêtements et de la nourriture aux plus démunis. En 2006, il saisit la Cour européenne des droits de l'homme contre l’État français en invoquant la violation des articles 5 § 1 a) et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le 11 avril 2006, une chambre de la Cour a conclu par cinq voix contre deux à la non-violation de ces deux articles. L'affaire a ensuite été renvoyée en appel devant la Grande chambre.
Lucien Léger meurt à son domicile de Laon début juillet 2008, son corps n'ayant été découvert que le 18 juillet. À la suite de son décès, la poursuite de la procédure n'étant pas demandée par une personne justifiant de sa qualité d'héritier ou de parent proche, ou de l'existence d'un intérêt légitime, et compte tenu de l'évolution de la législation française ainsi que du fait que la CEDH avait résolu des questions similaires dans d'autres affaires, la Grande chambre radie l'affaire Léger c./France. En 2012, les journalistes Jean-Louis Ivani et Stéphane Troplain publient un livre qui met en doute sa culpabilité, l'enfant n'ayant pas été étranglé contrairement aux aveux de Lucien Léger qui se serait accusé dans un désir pathologique de reconnaissance.