Lindbergh Charles
Charles Augustus Lindbergh (4 février 1902 à Détroit, Michigan - 26 août 1974 à Kipahulu, île de Maui, Hawaii) est un pionnier
américain de l'aviation. « L'aigle solitaire », comme on le surnommait, entre dans la légende en devenant le premier pilote sans escale et en solitaire à relier New York à Paris entre le 20 et 21
mai 1927 en 33 heures et 30 minutes, à bord de son avion Spirit of Saint Louis. Dans les années 1920 et au début des années 1930, Lindbergh utilise sa célébrité pour aider à promouvoir le
développement rapide de l'aviation commerciale américaine. En mars 1932, cependant, son jeune fils, Charles Jr., est enlevé et assassiné dans ce qui est bientôt surnommé le « Crime du Siècle ».
Cet événement conduit finalement la famille Lindbergh à fuir les États-Unis en décembre 1935 pour vivre en Europe.
Avant l'entrée en guerre des États-Unis le 8 décembre 1941, Lindbergh est un ardent défenseur du maintien des États-Unis hors du conflit mondial – comme l'était au Congrès son propre père,
Charles Lindbergh, pendant la Première Guerre mondiale – et devient un leader du mouvement anti-guerre America First. Néanmoins, après Pearl Harbor, il soutient l'effort de guerre et participe
comme consultant civil à des missions de combat dans le théâtre du Pacifique. Fils d'immigrants suédois, Lindbergh a grandi dans le Minnesota. Son père, Charles August Lindbergh, était avocat et
membre du Congrès des États-Unis, opposé à l'entrée en guerre des États-Unis en 1917 ; sa mère enseignait la chimie. Passionné d'aviation, il abandonne en 1922 ses études de construction
mécanique, passe le brevet de pilote et achète son premier avion, un Curtiss JN-4 « Jenny », qu'il répare pour proposer des baptêmes de l'air. Franc-maçon, il est initié à Saint-Louis (Missouri)
à la Loge Keystone (No. 243).
Après avoir suivi un entraînement avec des pilotes militaires américains, Lindbergh travaille comme pilote de l'aéronavale dans les années 1920. Il gagne une renommée internationale en devenant
le premier pilote à relier New York à Paris, au cours d'un vol les 20 et 21 mai 1927, en trente-trois heures et trente minutes, à bord de son avion, le Spirit of Saint Louis, spécialement conçu
pour l'occasion en à peine deux mois. L'enjeu de cette traversée de l'océan Atlantique nord reliant Paris à New York en avion était le Prix Orteig et le prix aigle royal à tête blanche d'Amérique
d'un montant de 25 000 dollars.
Cependant, contrairement à une idée répandue, Lindbergh n'est pas le premier à avoir traversé l'océan Atlantique en avion, mais simplement le premier à l'avoir fait en solitaire. Dès 1919, deux
autres tentatives, moins célèbres, avaient été couronnées de succès. Entre le 8 et le 31 mai 1919, un équipage de la marine américaine avait fait la traversée entre Jamaica Bay, près de New York,
et Plymouth en hydravion, en plusieurs étapes (dont une étape centrale entre le Labrador et les Açores). Leur hydravion était un NC-4 Navy-Curtiss. Du 14 au 15 juin 1919, un équipage britannique
avait ensuite fait la première traversée en un seul vol. Le capitaine John Alcock et le lieutenant Arthur Brown étaient partis de Saint John's à Terre-Neuve (actuellement au Canada) pour se poser
à Clifden en Irlande, au terme d'un vol de 3 630 km, effectué en 16 heures et 12 minutes. Leur avion était un bombardier Vickers Vimy de la Première Guerre mondiale.
L'atmosphère de l'époque et le fait que ces traversées ne reliaient pas deux villes emblématiques comme Paris et New York expliquent sans doute qu'elles n'aient pas suscité le même formidable
écho médiatique que la tentative de Lindbergh. Ainsi, si la traversée de Lindbergh est certes un véritable exploit, son image de pionnier est en partie usurpée. Le succès de Lindbergh a lieu
douze jours après la disparition des pilotes français Charles Nungesser et François Coli qui avaient tenté la traversée d'est en ouest en partant du Bourget à bord de l'Oiseau blanc, et deux
semaines avant la deuxième traversée sans escale de l'Atlantique, entre New York et Berlin, effectuée par Clarence Chamberlain (en) et Charles Lévine. L'« aigle solitaire » est immédiatement
adulé par les foules et ce, dès son arrivée à l'aéroport du Bourget à Paris. Il fait forte impression lorsqu'il demande au président français de l'époque, Gaston Doumergue, de rencontrer la mère
de Nungesser, le jeune pilote disparu, à qui il souhaite présenter ses condoléances. Ainsi, les foules européennes tombent sous le charme du jeune homme. À chacune de ses escales, durant son
séjour en Europe, il est attendu par une foule d'admirateurs qui espèrent l'approcher. Il n'est d'ailleurs pas rare que son avion doive subir de menues réparations et révisions après ses bains de
foule, tant les fans sont pleins de fougue.
Son séjour est bref ; il se contente de se rendre à Bruxelles et à Londres avant de repartir aux États-Unis à bord de l'USS Memphis, un croiseur américain sur lequel le Spirit of Saint-Louis est
embarqué en pièces détachées. Dans le journal L’Humanité, Paul Vaillant-Couturier écrit : « Des millions et des millions d'hommes aujourd'hui des deux côtés de l'océan vont se sentir plus voisins
les uns des autres, plus fraternels… Et cela, c'est une victoire révolutionnaire. » Le statut de Lindbergh est tel, après sa traversée, qu'il devient un interlocuteur important pour toutes les
questions aéronavales, et il le reste jusqu'à sa mort. Il siège dans de nombreux comités nationaux et internationaux, dont le comité central du National Advisory Committee for Aeronautics aux
États-Unis. Le 21 mars 1929, il est décoré de la Medal of Honor. Lindbergh raconte dans ses mémoires qu'il dut lutter contre le sommeil. À plusieurs reprises, il se réveilla alors que le train
d'atterrissage touchait les vagues. L'avion avait été délibérément conçu sur un profil aérodynamique instable, de façon à ce que ses mouvements réveillent le pilote s'il s'endormait.
Il avait embarqué, en tout et pour tout, 2 000 litres d'essence, quatre sandwichs dont il mangea le premier en arrivant au-dessus de l'Irlande, et deux barres de chocolat. Son avion était équipé
d'un énorme réservoir de 1 440 litres, situé entre le moteur et le cockpit pour des raisons de sécurité. De ce fait Lindbergh ne disposait pas de pare-brise, mais était équipé d'un périscope pour
voir vers l'avant si nécessaire. À la foule qui l'accueillit lors de son atterrissage à l'aéroport du Bourget, il se contenta de répondre : « Well, I did it! » (« Eh bien, je l'ai fait ! »).
Pendant ce temps, les collectionneurs de souvenirs déchiraient des morceaux de toile de l'avion… À l'issue de sa traversée, Lindbergh écrivit une lettre au patron de Longines, lui décrivant en
détail un modèle de montre-bracelet pour pilote, qui aiderait à la navigation. La montre fut effectivement réalisée, et des répliques sont encore produites à ce jour. Lors de son séjour à
Londres, quelques jours après sa traversée de l'Atlantique, Lindbergh rencontre le roi George V qui lui demande comment il a pu satisfaire ses besoins naturels pendant les 33 heures de vol.
L'aviateur répond qu'il a utilisé un thermos qu'il a ensuite jeté à la mer. Mais cela ne serait pas conforme à la vérité. Sa combinaison de vol, irrécupérable, a en effet dû être jetée.
Le 24 avril 1928, il fait un bref passage à Québec. Il rencontre le Premier ministre Taschereau, passe une nuit au château Frontenac puis repart le lendemain. Cette escale avait pour but de
sauver l'un de ses amis, Floyd Bennet, tombé malade en tentant d'aider des Allemands en détresse dans le nord. Lindbergh va chercher le médicament à New York, puis se pose sur les plaines
d'Abraham afin de rejoindre son camarade hospitalisé au Jeffrey Hale. Malheureusement, M. Bennett meurt des suites de sa pneumonie. Ce vol de Lindbergh de New York à Québec sera très critiqué par
les autorités canadiennes, le considérant comme un vol publicitaire, le Canada disposant de tous les médicaments utiles. Il se marie en 1929 avec Anne Morrow Lindbergh, une riche héritière qui
devient également une pionnière américaine de l'aviation. Elle lui donne six enfants. L'aîné, Charles Junior, est kidnappé le 1er mars 1932 et retrouvé mort le 12 mai malgré le paiement d'une
rançon.
Bruno Hauptmann est arrêté en 1934 et condamné pour l'enlèvement et le meurtre du fils Lindbergh à la suite d'un procès très médiatisé qualifié de « procès du siècle », il sera exécuté sur la
chaise électrique le 3 avril 1936. Il a toujours clamé son innocence et sa culpabilité fait toujours l'objet de controverses. Étrangement, plus de deux cents personnes ont revendiqué l'enlèvement
du bébé Lindbergh, sans doute poussées par la renommée de l'aviateur. De l'avis même de son entourage, Lindbergh, désespérant de l'humanité, ne fut plus le même homme à dater du meurtre.
L'enlèvement du fils Lindbergh a provoqué l'indignation internationale et est resté connu comme « le Crime du Siècle » aux États-Unis qui, à la suite de ce fait divers dramatique, a fait du rapt
d'enfant un crime fédéral passible de la peine de mort. Salvador Dalí n'arrange guère les choses en se produisant dans une soirée costumée avec Gala dans un linge ensanglanté qui était censé le
travestir en « Bébé Lindbergh assassiné ». L'assistance est scandalisée et Dali doit bredouiller quelques excuses confuses.
Lassés d’être sous les projecteurs alors qu'ils sont toujours en deuil, les Lindbergh s'exilent en Europe en décembre 1935, et s'installent près de Londres. Envoyé en Allemagne à la demande de
l'ambassade américaine pour effectuer un rapport sur la Luftwaffe, Charles rencontre Willy Messerschmitt et se serait laissé leurrer. Il surestime l'aviation allemande qu'il dit « invincible ».
Il est décoré le 28 juillet 1936 de l'ordre de l'Aigle allemand par Hermann Göring, qui lui montre en avant-première de nouveaux avions. À cette occasion, Lindbergh qualifie Hitler de « grand
homme ». Il le juge alors moins dangereux que Staline. De retour aux États-Unis, il collabore avec l'armée de l'air. En même temps, il s'intéresse aux travaux d'Alexis Carrel sur le cœur
artificiel, et travaille avec lui à la création de la circulation extra-corporelle (ouvrant ainsi la voie à la chirurgie thoracique et à celle de l'aorte). Partisan de la neutralité américaine au
début de la guerre, il devient, de 1940 à 1941, l’un des principaux porte-parole du mouvement isolationniste America First, engagement qui lui vaut d'être soupçonné d'antisémitisme. En mai 1941,
Roosevelt lui demande de renvoyer la « médaille de la honte » reçue des mains d'Hermann Göring, ce qu'il refuse de faire, préférant démissionner de son poste de colonel au département de la
Guerre.
En octobre 1940, Lindbergh préconise que l’Amérique « reconnaisse les nouvelles puissances en Europe ». Le 11 septembre 1941, à Des Moines, lors du meeting America First, il pose la célèbre
question dans un discours radiodiffusé : « Qui sont les agitateurs bellicistes ? », à quoi il répond : « Les Britanniques, les Juifs et l'administration Roosevelt. » Cette intervention suscite
une ovation d'une partie du public et la stupéfaction, voire l'indignation, d'une autre partie. Les déclarations maladroites de Lindbergh font peu à peu passer l'aviateur et ses fidèles du rôle
de pacifistes proaméricains à celui d'antisémites sympathisants du Führer. Il change cependant d’avis après l'attaque de Pearl Harbor, en décembre 1941, et assure une cinquantaine de missions
aériennes dans le Pacifique comme civil. Dans son livre, intitulé The War Time Journal of Charles A. Lindbergh, Charles Lindbergh raconte sa visite, le 11 juin 1945, du camp de concentration de
Dora et des installations souterraines destinées à la production des fusées V1 et V2. Des centaines de V2 sont sur les chaînes d'assemblage. Charles Lindbergh est choqué des traitements infligés
aux prisonniers. Il lui semble impossible que des hommes civilisés puissent s'abaisser ainsi.
Après la Seconde Guerre mondiale, devenu consultant pour la compagnie aérienne Pan Am, il narre sa célèbre traversée dans un livre, The Spirit of St. Louis, qui lui vaut le prix Pulitzer 1954
(Autobiographie). Réhabilité, réintégré dans l'armée américaine au grade de général de brigade, il consacre son temps à la défense de la nature, condamnant notamment les transports supersoniques.
Outre les six enfants nés de son union avec Anne Morrow Lindbergh (1906-2001), célèbre aviatrice et écrivain américaine, Charles en a sept autres après la guerre, à la suite de trois liaisons
secrètes en Allemagne et en Suisse. De 1957 jusqu'à sa mort en 1974, il eut une relation avec une chapelière allemande nommée Brigitte Hesshaimer, de 24 ans sa cadette. Ils eurent ensemble trois
enfants : Dyrk (né en 1958), Astrid (née en 1960) et David (né en 1967). Les deux amants maintinrent leur relation dans une totale confidentialité ; même les enfants ignorèrent la véritable
identité de leur père, qu'ils rencontrèrent sporadiquement lors de ses visites. Astrid lut plus tard un article de magazine sur Lindbergh et trouva des clichés ainsi que plus d'une centaine de
lettres de sa main adressées à sa mère. Elle rendit l'affaire publique en 2003, deux ans après les décès de Brigitte Hesshaimer et Anne Morrow.
Lindbergh a également deux fils, Vago (né en 1962) et Christophe (né en 1966), avec la sœur de Brigitte, Marietta Hesshaimer, et un fils (né en 1959) et une fille (née en 1961) avec son ancienne
secrétaire particulière prénommée Valeska, issue d'une vieille famille de la noblesse militaire prussienne. Soit au total treize enfants. Marqué par les années de guerre, il se demande si
l'aviation était un progrès pour l'humanité. Sur la fin de sa vie, il se consacra à la protection de la nature et à la défense des tribus isolées des Philippines. Il était lié d'amitié avec
l'artiste Joseph Savina, qui entretint la résidence de l'île Illiec qu'il possédait depuis 1938 à Port-Blanc (commune de Penvenan) dans le Tregor, en Bretagne. Lindbergh passa ses dernières
années à Kipahulu, localité de la côte sud-est de l'île hawaïenne de Maui, où il mourut d'un cancer de la moelle épinière le 26 août 1974. Héros national, puis figure controversée en raison de
ses prises de position, Lindbergh a inspiré de nombreuses œuvres de fiction. En 1929, Kurt Weill et Bertolt Brecht s'inspirent de son livre pour créer une pièce radiophonique, Le Vol de
Lindbergh.
Un de ses camarades d'université, Stanley G. Weinbaum, maintenant reconnu comme l'un des auteurs majeurs de l'âge d'or de la science-fiction américaine, a rédigé une Esquisse autobiographique de
Stanley G. Weinbaum (Autobiographical Sketch of Stanley G. Weinbaum) dans laquelle il précise qu'il a connu Lindbergh à l'université du Wisconsin, que ni l'un ni l'autre n'y a obtenu son diplôme,
mais qu'après son exploit, Lindbergh a été « rappelé » par l'université pour s'y voir attribuer un diplôme honoris causa, ce qui ne fut pas le cas pour Weinbaum. En 1934, Weinbaum a écrit une
nouvelle, L'Aube de la flamme (Dawn of Flame) qui fut plus tard enrichie d'une autre nouvelle et publiée sous le titre La Flamme noire. Cette histoire décrit la société post-apocalyptique, deux
cents ans après les guerres totales de la fin du XXe siècle, et l'auteur y fait malicieusement référence à Lindbergh : un vieil homme se demande si les Anciens (ceux d'avant l'apocalypse)
savaient voler, et finit par démontrer que Lindbergh (ou « Lindbird ») n'a sans doute jamais existé.
Lindbergh est l'un des principaux personnages du roman d'uchronie de Philip Roth, Le Complot contre l'Amérique (2004). Dans ce récit, Roth imagine Lindbergh remportant l'élection présidentielle
contre Roosevelt en 1940, au terme d'une campagne teintée d'antisémitisme et axée principalement sur le refus de voir l'Amérique prendre part au conflit qui ravage l'Europe. À peine arrivé au
pouvoir, Lindbergh s'empresse de signer un traité d'amitié avec l'Allemagne nazie, reçoit von Ribbentrop à la Maison-Blanche et lance un programme d'assimilation des Juifs américains. Un autre
roman uchronique, Fatherland de Robert Harris, publié en 1992, montre Lindbergh en ambassadeur des États-Unis dans l'Allemagne nazie de 1964. Dans l'uchronie K de Daniel Easterman, Charles
Lindbergh est élu président contre Roosevelt en 1932 et laisse ses lieutenants transformer l'Amérique en État fascisant et de plus en plus pro-allemand. Le dixième tome de la série Jour J met en
scène une Amérique ou les français ont gagnés la guerre de Sept ans. En 1947, pendant la prohibition, Lindbergh dirige des gangs de motard pro-fascistes, qui attaquent les distilleries
clandestines. À la fin de l'album, il a été élu président des Etats-Unis, avec comme programme le maintient de la prohibition, la non-intervention de l’Amérique dans la guerre, et des loi
raciales inspirées du Reich, ainsi que la construction de camps d'extermination. L'intrigue du roman d'Agatha Christie Le Crime de l'Orient-Express, également porté à l'écran, est basée sur
l'enlèvement du bébé des Lindbergh.