Pelletan Camille
Charles Camille Pelletan, né le 28 juin 1846 à Paris où il est mort le 4 juin 1915, fils d'Eugène Pelletan (1813-1884) et frère d'André Pelletan (1848-1909), est un journaliste et homme politique français.
Ancien élève de l'École nationale des chartes, diplômé en droit, ami des poètes du Parnasse contemporain (Léon Valade, Émile Blémont, Charles Cros, Paul Verlaine...), il devient à vingt ans un journaliste très impliqué dans la critique du régime de l'empereur Napoléon III, notamment à La Tribune et au sein de la rédaction du journal hugolien Le Rappel. Reçu maçon le 11 avril 1870 à la loge La Mutualité 190, il sera un « frère » respecté mais peu assidu. Après la guerre franco-prussienne de 1870, il est l'un des principaux meneurs des radicaux « intransigeants » et s'oppose avec Clemenceau aux républicains « opportunistes » qui suivent Léon Gambetta. À partir de 1879, il travaille avec succès à l'amnistie des communards. Ayant quitté la rédaction du Rappel, il devient le rédacteur en chef du journal de Clemenceau, La Justice. En juillet 1885, il s'oppose à Jules Ferry en se déclarant adversaire de toute expansion coloniale. Il mène ensuite le combat contre le boulangisme. Il est député des Bouches-du-Rhône de 1881 à 1912, puis sénateur des Bouches-du-Rhône de 1912 à 1915. Il devient membre du Parti radical-socialiste dès sa création en 1901 (il rédige et lit le rapport de fondation) et en incarne l'aile la plus avancée, dénonçant la « nouvelle féodalité industrielle » et refusant tout ennemi à gauche, bien que se distinguant nettement du collectivisme.
Le 23 juin 1901, il déclare ainsi : « Ce qui nous sépare des socialistes collectivistes, c'est notre attachement passionné au principe de la propriété individuelle, dont nous ne voulons ni commencer, ni même préparer la suppression. Nous n'entendons le céder à personne quand il s'agira d'assurer (...) les retraites de la vieillesse (...). Notre système d'impôts reste léger aux riches, lourd aux pauvres, pesant surtout sur la masse des cultivateurs qui forment la majorité et la force du pays. Nous voulons, avant tout, l'établissement de cet impôt progressif sur le revenu qui décharge tous les travailleurs et qui sera particulièrement le grand dégrèvement des villages. Nous voulons, d'une façon générale, la réforme de ce système vieilli, notamment la réforme de la contribution foncière et des taxes qui immobilisent la propriété rurale. Ajoutez une véritable égalité devant le service militaire réduit à deux ans. Voilà les grandes lignes du programme. Pour sa réalisation, nous attendons tout du suffrage universel en possession de lui-même. »
Après l'affaire Dreyfus, il est ministre de la Marine de juin 1902 à janvier 1905 dans le cabinet Émile Combes, dont il est une des personnalités majeures. Très influencé par les théories de la Jeune École de l'amiral Aube, il freine la construction des cuirassés et multiplie le nombre des torpilleurs et des sous-marins. Par l'important décret du 7 octobre 1902, il crée le corps des administrateurs des Affaires maritimes. Il favorise les carrières des jeunes officiers issus de famille modestes, des officiers sortis du rang et des officiers mécaniciens, jusqu'alors tenus en mépris ceux issus de l'École navale. Il introduit la journée de huit heures dans les arsenaux. Durant les grandes grèves de Marseille en 1904, il montre une sympathie prononcée pour les revendications et les méthodes socialistes des grévistes. Sa politique est très critiquée, y compris par les radicaux entrés en dissidence contre le gouvernement Combes, à savoir ses prédécesseurs Jean Marie de Lanessan et Édouard Lockroy et le futur président de la République Paul Doumer.
Une controverse violente s'ensuit, et il devient une cible privilégiée pour les caricaturistes, qui moquent sa pilosité broussailleuse et son manque d'élégance. Ses adversaires s'inquiètent du risque d'affaiblissement de la Marine et de destruction de la discipline. Camille Pelletan doit accepter la nomination d'une commission d'enquête extra-parlementaire. Sa carrière ministérielle prend fin avec la démission du cabinet Combes. Très anticlérical, il vote le 3 juillet 1905 la séparation de l'Église et de l'État. Il incarne la résistance à la dérive opportuniste du radicalisme, et se montre un défenseur ardent de la stratégie du bloc des gauches (« pas d'ennemi à gauche »). Président du parti radical en 1906-1907, il est à nouveau candidat en 1913 mais est battu par Joseph Caillaux, qui incarne une nouvelle génération.
Camille Pelletan vit une trentaine d'année en concubinage avec une femme excentrique, grande amie des poètes et hommes de lettres, Juliette Philippe. Après son décès, il se marie tardivement, en 1903, alors qu'il est ministre, avec une jeune institutrice de 24 ans sa cadette, Joséphine Denise. La presse de gauche salue ce « mariage démocratique ». Le couple est resté sans enfant. Par le biais des mariages du frère et des sœurs de Camille Pelletan, l'arbre généalogique familial ne compte pas moins onze parlementaires, parmi lesquels Georges Bonnet et Michel Debré. Camille Pelletan a donné son nom au Parti radical-socialiste Camille Pelletan, scission « de gauche » du Parti républicain, radical et radical-socialiste effectuée en 1934 par Gabriel Cudenet en réaction à la participation de plusieurs radicaux au cabinet Doumergue.