Quinet Edgar
Jean Louis Edgar Quinet, né à Bourg-en-Bresse (Ain) le 17 février 1803 et mort à Versailles le 27 mars 1875 en son domicile au 67 boulevard de la Reine, est un écrivain et historien français.
Marié deux fois, la première fois le 21 décembre 1834 à Boehl près de Grundstadt non loin d'Heidelberg avec une allemande Minna Moré, veuf depuis mars 1851, il se marie en secondes noces à Bruxelles en la chapelle évangélique le 21 juillet 1852 avec Hermione Ghikère Asaky (1821-1900), son auditrice au Collège de France et divorcée depuis 1849 du prince Mourousi, petit-fils du prince régnant de Valachie et de Moldavie. Elle était la fille du poète moldave Georges Assaki (1788-1869).
Il est natif de Bourg-en-Bresse, dans le département de l'Ain. Son père, Jérôme Quinet, avait été commissaire de l'armée et républicain. L'épopée napoléonienne l'avait profondément écœuré. Il démissionna et se dévoua à l'avancement des sciences et des mathématiques. Sa mère, Eugénie Rozat Lagis, exerça une grande influence sur lui. Bien que calviniste, elle le laissa baptiser dans le catholicisme. Il fut envoyé à l'école à Bourg puis à Lyon. Son père voulait qu'il quitte rapidement l'école pour aller dans l'armée, voire dans les affaires. Cependant, le jeune Quinet était attiré par la littérature, et finit par avoir gain de cause.
Sa première publication, les Tablettes du juif errant, parut en 1823. Frappé par la Philosophie der Geschichte de Herder, il entreprit de la traduire et commença par apprendre l'allemand. Il publia sa traduction en 1827, et obtint une reconnaissance rapide. Parallèlement, il fut présenté à Victor Cousin et à Jules Michelet. Il avait visité l'Allemagne et l'Angleterre avant la publication de son œuvre. Cousin lui obtint un poste pour participer en 1829 à la mission d'exploration scientifique en Grèce, qui accompagnait l’expédition de Morée, durant laquelle il se lia avec Jean-Baptiste Vietty. À son retour, il publia La Grèce moderne.
Ses espoirs de poste permanent après la révolution de 1830 furent balayés par sa réputation de républicain. Il était aussi franc-maçon, membre du Grand Orient de France. Mais il rejoignit la Revue des Deux Mondes à laquelle il contribua notamment Les Épopées françaises du XIIe siècle et Chansons de geste. Son premier ouvrage important, un poème en prose intitulé Ahasverus, fut publié en 1833. Il a été le titulaire de la chaire de Langues et littératures de l’Europe méridionale au Collège de France (1841-1852 : révoqué ; rétabli en 1870-1875).
Edgar Quinet, républicain convaincu, s'inscrit dans le processus démocratique dès 1848. En février 1848, il participe à la campagne des banquets au côté d'autres universitaires de renom, comme Michelet. Avec l'avènement de la IIe République, il se fait élire député de l'Ain à la Constituante de 1848, puis réélire en 1849. Bien qu'hostile aux insurrections des Journées de Juin 1848, qu'il estime dangereuses pour la démocratie, il reste néanmoins opposé aux monarchistes et aux bonapartistes qui réclament l'ordre.
Le coup d'État du 2 décembre 1851 de Louis Napoléon Bonaparte est un véritable deuil privé pour Edgar Quinet. Il pense alors pouvoir lutter, mais lorsque son collègue Baudin, lui aussi député de l'Ain est tué sur les barricades le 3 décembre 1851, il comprend alors que toute lutte est vaine. Cette déconvenue le détache durablement de ses élans romantiques. Avec d'autres écrivains engagés, comme Victor Hugo, il doit s'exiler. Malgré l'amnistie accordée par Napoléon III en 1859, il refuse de rentrer en France. Sa vie est bouleversée. "Au moment où je posais le pied de l'autre côté de la frontière et où je dis à la patrie un adieu peut-être éternel, je me retournai et la terre manqua sous mes pas. Depuis cette heure, mon esprit se sentit déraciné comme la feuille que le vent a détaché de l'arbre... Je n'étais plus l'hôte de personne. Sitôt que j'avais trouvé un foyer quelque part, la menace arrivait ; il fallait songer à partir". En effet, la Belgique, sa terre d'accueil se méfie de lui et le surveille : elle a peur des « rouges ». Néanmoins, Genève lui offre une chaire de philosophie morale, en 1868. La ville suisse le reconnait alors en tant que champion de la liberté.
Grâce à ses publications, en particulier La Révolution, dont l'édition française est écoulée en six jours en 1865, il devient alors "la conscience du parti républicain", en influençant toute une génération de jeunes républicains des années 1860. Il lutte pour faire sortir les républicains de la mystification, de la mythologie de la révolution. Il est lu passionnément par Jean Jaurès ou encore Jules Ferry, malgré la censure. Il publie ainsi dès 1850 L'enseignement du Peuple, qui, plus tard, influence fortement la politique d'éducation de Ferry. Il entretient aussi des relations avec les républicains. En 1857, alors que Napoléon III impose des candidatures officielles, et que ses préfets font pression sur les candidats, certains républicains arrachent quelques mandats. Il les exhorte alors de ne pas prêter serment, ce serait blanchir de la "masse des crimes de décembre".
De retour d'exil en 1870, il vit une véritable ferveur patriotique et démocratique. Il se présente aux élections du 10 septembre 1870 dans le département de l'Ain, mais il n'est pas élu. En revanche, il termine cinquième à Paris derrière Louis Blanc, Victor Hugo, Giuseppe Garibaldi (qui n'était même pas candidat) et Léon Gambetta. À l'Assemblée de Bordeaux, il s'oppose régulièrement, par des discours et des écrits, à la politique d'Adolphe Thiers, et en particulier à la restitution de l'Alsace et de la Lorraine. Vivant douloureusement la défaite face aux Prussiens et le retour des forces conservatrices menées par Thiers, Quinet s'isole. Il rejette violemment ce qu'il appelle « la République sans républicains ». Il meurt en 1875, juste avant que le régime ne s'ancre durablement dans la république grâce aux lois constitutionnelles de 1875.
Edgar Quinet est connu de nombreux écoliers pour une dictée, celle de son texte Aucune machine ne vous exemptera d'être homme (La révolution religieuse au XIXe siècle) où il met en garde contre la croyance naïve en un progrès des transports mécaniques et des communications que nous n'aurions plus qu'à attendre pour voir arriver le paradis sur Terre. Il avertit que « plus ce progrès se développe, et avec eux les pouvoirs, plus les hommes devront être vigilants à ce que ces pouvoirs ne soient pas tournés contre eux par des personnes inciviques ou malveillantes ». Il cite l'exemple de Caligula et des magnifiques voies romaines qui couvraient tout l'Empire et ne servaient plus qu'à « acheminer à ses quatre coins les ordres d'un dément ». Les idées qu'il exprime à travers son œuvre en font un précurseur dans bien des domaines :
- il a entrevu les dangers de l'hégémonie prussienne (Le système politique de l'Allemagne - 1831)
- il jette les bases de "l'enseignement national, obligatoire et laïque" et préconise l'Enseignement primaire supérieur pour les jeunes filles (L'enseignement du peuple - 1850)
- il exprime ses idées sur la démocratie dans La République (1872) et L'Esprit nouveau (1874).