Ghetto de Varsovie

Publié le par Mémoires de Guerre

Le ghetto de Varsovie était le plus important ghetto juif au sein des territoires d'Europe occupés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Situé au centre de Varsovie, il fut créé en 1940 et pratiquement détruit en mai 1943 après l'insurrection de ses occupants contre les nazis. Il rassembla jusqu'à 380 000 personnes. 

Ghetto de Varsovie
Ghetto de Varsovie

Contexte historique et création du ghetto

En septembre 1939, l'armée allemande attaque puis occupe la Pologne. Les Allemands entrent dans Varsovie le 29 septembre. Adam Czerniaków, qui vient d'être nommé le 23 septembre à la tête de la communauté juive de la ville, est chargé par les Allemands de constituer un conseil juif (Judenrat). Ce conseil est chargé de gérer le futur ghetto. Dès l'hiver 1939 – 1940, les nazis commencent à persécuter les Juifs : obligation de porter un brassard blanc avec l'étoile de David bleue, identification des magasins juifs sur leurs vitrines, confiscation des radios, interdiction de voyager en train (novembre 1939). L'ordre de transplantation de Juifs est donné le 2 octobre 1940. 

Puis, le 12 octobre 1940 (jour de la fête juive de Yom Kippour), les Allemands annoncent aux Juifs qu'ils n'ont que jusqu'à la fin du mois pour déménager dans le quartier juif. Le 7 novembre 1940, une « zone d'épidémie » est définie par le gouverneur du district de Varsovie. Interdite aux soldats allemands, elle correspond aux « rues juives ». Deux mois plus tard, le quartier juif devient officiellement une « zone de contagion ». 80 000 non-juifs quittent le secteur, et 138 000 Juifs s'y installent dans la précipitation et la peur. Le ghetto est fermé le 16 novembre 1940 et un mur d'enceinte est construit. 40 % de la population de la ville s'entasse dans des conditions insalubres dans 8 % de sa superficie. 

Localisation géographique

Le ghetto se situe au centre de la ville de Varsovie. Il est initialement composé de deux parties, le grand ghetto et le petit ghetto, reliées par un pont en bois. Le tout est entouré de 18 kilomètres de murs hauts de plusieurs mètres et de fil de fer barbelé. Dans cette enceinte d’une superficie d’environ 300 hectares, on compte 128 000 habitants au km² contre 14 000 environ dans la Varsovie non juive. La population du ghetto, 381 000 personnes enregistrées en janvier 1941, atteint 439 000 en juin 1941 pour retomber à 400 000 en mai 1942. Ces différences peuvent s'expliquer par l'arrivée de nombreux réfugiés et la surmortalité qui prévaut dans le ghetto. Seul lien avec l’extérieur, un tramway réservé aux Polonais non-juifs traverse le lieu. À peu près 80 000 personnes meurent entre novembre 1940 et juillet 1942 sans déportation ni fusillade. 

Organisation

La gestion du ghetto est déléguée au conseil juif (Judenrat) par les Allemands. Ce conseil est dirigé par Adam Czerniaków. Il joue un rôle essentiel dans la transmission des ordres des Allemands aux habitants du ghetto. Ses effectifs augmentent entre 1940 et juillet 1942 passant de 1 741 employés à 9 000 en comptant la police juive. Cette dernière, appelée aussi Jüdischer Ordnungsdienst (service d'ordre juif), est chargée de maintenir l'ordre. Elle est rémunérée et possède des avantages comme l’exemption du travail forcé. Elle est très souvent corrompue et participe aux opérations de déportation massive en juillet et août 1942. Les occupants emploient la main-d'œuvre du ghetto pour les besoins de l'armée et implantent de nombreux ateliers et usines dans le quartier juif. 

Dans le ghetto

Les conditions de vie dans le ghetto sont inhumaines. D'abord, il est trop petit pour accueillir tous les Juifs de Varsovie et des villages environnants (40 % de la population sur 8 % de la superficie, une densité de population de sept personnes par pièce au début du ghetto). Beaucoup ont tout perdu (leurs familles et/ou leurs biens) en arrivant dans ce quartier fermé. Et puis, il est mal, ou presque pas approvisionné en nourriture et combustible. Dès l'hiver 1940 – 1941, la faim et le froid se font ressentir. Nombreux sont alors ceux qui organisent de petits trafics avec l'extérieur. 

Certains de ces trafiquants y laisseront parfois leur vie en essayant d'apporter de la nourriture dans le ghetto. Mais il existe aussi une solidarité avec les « comités d'immeubles », une vraie vie culturelle, un réseau d'enseignement clandestin, une vie religieuse. La mort est courante. Elle est causée par la faim, mais aussi par des épidémies de typhus et de tuberculose. Il n'est pas rare de retrouver des cadavres en pleine rue. Une charrette passe alors ramasser les corps, qui sont comptés puis enterrés dans une fosse commune. Au début de l'année 1942, on compte une naissance pour 45 décès. 

La déportation

En été 1942 commence le « repeuplement vers l'est », qui est en fait la déportation vers le camp de Treblinka, situé à 80 kilomètres au nord-est de Varsovie. Lancée dans le cadre de l'Aktion Reinhard, elle débute le 22 juillet. Pendant huit semaines, entre 6 000 et 8 000 personnes sont déportées chaque jour. Les rafles se font de jour comme de nuit, aussi bien dans les habitations que dans les usines, où il est plus facile d'arrêter les Juifs. Ceux-ci sont ensuite conduits vers la Umschlagplatz, la gare de triage de Varsovie. Cette première vague de déportations vers les camps de la mort ramène la population du ghetto à 70 000 habitants. 

Insurrection

L'Organisation juive de combat naît au cœur de la grande déportation de juillet 1942. C'est la principale organisation de résistance juive. Elle se manifeste une première fois le 18 janvier 1943. Le soulèvement commence le 19 avril 1943, veille de Pessa'h, la Pâque juive, en réponse à une dernière grande rafle organisée par les nazis. Destinée à liquider le ghetto des quarante à cinquante mille Juifs restant en les déportant dans les différents camps, et principalement à Treblinka, cette rafle se heurte à l'opposition armée juive au grand étonnement des nazis. L'Organisation juive de combat - qui rassemble les communistes, les bundistes et plusieurs courants du sionisme - comporte de 600 à 700 insurgés, tandis que l'organisation de droite AMJ, proche du Betar, en compte une centaine. 

Ce combat sans espoir « pour votre liberté et pour la nôtre » s'achève le 16 mai, un mois après son déclenchement, avec la destruction de la grande synagogue de Varsovie. Après cette date, des combats sporadiques ont encore lieu dans le ghetto en ruines. L'impact psychologique de l'insurrection du ghetto de Varsovie fut très important. La résistance fut plus forte que prévu par les nazis, même si l'issue était certaine vu le déséquilibre des forces. « Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d'ici. Nous voulons sauver la dignité humaine. » — Arie Wilner (pseudonyme Jurek), soldat de la ŻOB

Monuments

Le souvenir du ghetto de Varsovie est marqué par plusieurs monuments dans la capitale polonaise, le plus imposant étant le monument aux héros du ghetto. C'est au pied de ce monument que le chancelier ouest-allemand Willy Brandt s'est agenouillé le 7 décembre 1970. 

Mémoire du monde

Depuis 1999, les archives du ghetto de Varsovie sont classées par l'Unesco sur la Liste Mémoire du monde, qui recense les documents du patrimoine documentaire d'intérêt universel, dans le but d'assurer leur protection.

Soulèvement du ghetto de Varsovie

La révolte du ghetto de Varsovie est un soulèvement armé, organisé et mené par la population juive du ghetto de Varsovie contre les forces d'occupation allemandes entre le 19 avril et le 16 mai 1943. C'est l'acte de résistance juive pendant la Shoah le plus connu et le plus commémoré. 

Histoire

Le 22 juillet 1942, débute la Grande Action : les Allemands commencent à déporter les Juifs au camp d'extermination de Treblinka. Début janvier 1943, les autorités allemandes décident d’accélérer la déportation de la population civile du ghetto vers les camps d'extermination afin de le « liquider » définitivement. Dans le cadre de l'Aktion Reinhard, la population du ghetto est en effet déjà passée de 450 000 à environ 70 000 personnes. Les déportations massives de l'été avaient eu comme conséquence l'apparition d'une résistance juive armée dans le ghetto autour de deux organisations : d'une part l'Organisation juive de combat (Żydowska Organizacja Bojowa, ŻOB) d'inspiration sioniste et bundiste, dirigée par Mordechaj Anielewicz, 23 ans, et Marek Edelman, 24 ans, et d'autre part l'Union militaire juive (Żydowski Związek Wojskowy, ŻZW), organisation sioniste révisionniste du Betar dirigée par Pawel Frenkel et Dawid Moryc Apfelbaum.

Le 18 janvier 1943, ces deux groupes s'opposent par la force à une nouvelle vague de déportation. Après quatre jours de combats de rue, le ghetto est paralysé et les déportations suspendues. Heinrich Himmler donne donc l'ordre à son représentant en Pologne, Friedrich-Wilhelm Krüger, dans une lettre du 16 février 1943, de détruire complètement le ghetto. Il écrit : « Pour des raisons de sécurité, j'ordonne que le Ghetto de Varsovie soit détruit (…), après que tous les éléments de maisons ou les matériaux ayant de la valeur ont été récupérés ». Le 19 avril, la police allemande et les forces SS entrent dans le ghetto sous le commandement du SS-Oberführer Ferdinand von Sammern-Frankenegg afin de faire reprendre les déportations. Bien qu'équipés de chars, d'artillerie et de lance-flammes, les quelque 2 000 policiers et SS rencontrent une très vive résistance et le plan prévoyant la maîtrise complète du ghetto en trois jours est un échec complet. Aussi Ferdinand von Sammern-Frankenegg est-il remplacé par Jürgen Stroop, qui met quatre semaines à anéantir le ghetto, en recevant chaque jour ses ordres du Höhere SS- und Polizeiführer Friedrich-Wilhelm Krüger et de Heinrich Himmler en personne. Krüger lui recommande ainsi de faire exploser la synagogue de Varsovie.

Les forces juives polonaises alignent 400 insurgés du ŻZW conduits par Dawid Moryc Apfelbaum et Paweł Frenkel et environ 500 combattants de la ŻOB (Organisation juive de combat) sous les ordres de Mordechaj Anielewicz. La résistance polonaise non juive, c'est-à-dire l'Armée Intérieure polonaise (Armia Krajowa, AK) fournit quelques hommes, mais aussi des armes. Marek Edelman, seul commandant survivant de l'insurrection, donne un nombre de combattants plus restreint : « Je me souviens d'eux tous, des garçons et des filles, 220 au total », âgés de 13 à 22 ans. Marek Edelman a 24 ans lorsqu'il prend le commandement de l'un des trois groupes de combattants, constitué de cinquante insurgés. Après la mort des premiers dirigeants et le suicide de Mordechaj Anielewicz le 8 mai, c'est lui qui dirige l'insurrection. Ayant survécu aux combats, il participe l'année suivante à l'Insurrection de Varsovie.

La nourriture manquait terriblement. Marek Edelman indique : « nous ne mourions pas de faim. On peut vivre pendant trois semaines simplement avec de l'eau et du sucre », que lui et ses hommes trouvaient chez ceux qui avaient été déportés. Durant les combats, environ 7 000 résidents du ghetto ont été tués, 6 000 ont été brûlés vifs ou gazés durant la destruction totale du quartier, les Allemands déportèrent les survivants, afin de les faire mourir, dans les camps d'extermination de Treblinka et Majdanek et dans les camps de concentration de Poniatowa et de Trawniki. Après la destruction des état-majors de la ŻOB et de la ŻZW et la chute du ghetto, de petits groupes de survivants continuent la lutte armée dans les ruines jusqu'au mois de juin 1943. Certains groupes de combattants parviennent également à sortir du ghetto et continuent la lutte, rejoignant les partisans dans les forêts de la région. 

Impact

L'impact moral et historique de l'insurrection du ghetto de Varsovie fut important. La résistance dépassa les prévisions allemandes, même si l'issue était certaine au vu du déséquilibre des forces. Izrael Chaim Wilner (dont le pseudonyme était Jurek), soldat de la ŻOB, a résumé le sens de ce combat en ces termes : « My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność » (« Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d'ici. Nous voulons sauver la dignité humaine »). Elle remet aussi en cause le cliché et stéréotype raciste du Juif passif. En 1970, le chancelier Willy Brandt s'agenouille devant le mémorial du ghetto de Varsovie en Pologne. 
 

Ghetto de Varsovie

Photographie historique

La plus célèbre photographie du ghetto de Varsovie est celle représentant un groupe de femmes et enfants juifs poussés hors de leur cachette par les soldats allemands en 1943, pour être envoyés à Treblinka. Y sont reconnaissables :

  • Le garçon au premier plan est peut-être : Artur Dab Siemiatek, Levi Zelinwarger (près de sa mère Chana Zelinwarger), Harry-Haim Nieschawer ou Tsvi Nussbaum ;
  • Chana Zelinwarger - Tête tournée, deux sacs aux bras et mains levées ;
  • Hannah (Hanka) Lamet - La petite fille à gauche qui lève la main (assassinée à Majdanek) ;
  • Matylda Lamet Goldfinger - La mère de Hanka, deuxième en partant de la gauche ;
  • Ahron Leizer (Leo) Kartuziński (ou Kartuzinsky) de Gdańsk - En arrière plan avec un sac blanc sur l'épaule ;
  • Golda Stavarowski - La première femme à droite, au fond, qui ne lève qu'une main ;
  • Josef Blösche - Le Rottenführer SS (Reich allemand) à droite, avec une arme à feu pointée sur le garçon.

Cette photographie est notamment récupérée dans deux œuvres d'art controversées juxtaposant le soulèvement du ghetto de Varsovie avec la souffrance palestinienne, l'une par Alan Schechner en 2003 intitulée L'héritage des enfants victimes de mauvais traitements : De Pologne en Palestine et l'autre par Norman G. Finkelstein en 2009 avec le sous-titre « Les petits-enfants des survivants de l'Holocauste font aux Palestiniens exactement ce qui leur a été fait par les Nazis allemands ». 

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