Katz Otto

Publié le par Roger Cousin

Katz OttoOtto Katz, né en Bohème le 27 mai 1895 à Jistebnice au sud de Prague dans une famille juive de la bonne bourgeoisie, fut l'un des plus importants agents d’influence de l’Union soviétique dans les milieux intellectuels et artistiques des démocraties occidentales pendant les années 1930 et 1940. Connu pour le nombre de ses pseudonymes, ses talents de séducteur, son cynisme et l’ampleur de son champ d’action, de Saint-Germain-des-Prés à Hollywood, du Mexique à Londres, il participe à toutes les grandes campagnes de désinformation du Komintern dans les années 1930, sous la direction de Willi Münzenberg qu’il finit par supplanter après l’avoir épié comme officier du NKVD.

Il devient un espion international inconditionnellement fidèle à Staline, accepte le pacte germano-soviétique contrairement à nombre des intellectuels juifs communistes qui animent à cette époque le Komintern. Il se voit chargé de certaines politiques secrètes de Staline. Son nom est cité, avec de forts soupçons mais sans preuves décisives, aussi bien dans l’assassinat de Léon Trotski, comme agent traitant de Ramon Mercader, que dans celui, supposé, de Willi Münzenberg retrouvé pendu dans une forêt française. Diverses liquidations voulues par Staline lors de la guerre d’Espagne lui sont également imputées.

Il est inculpé, sous le nom d’André Simone, lors des procès de Prague, dits procès Slansky et finit pendu dans les locaux de la prison de Ruzine à trois heures du matin le 3 décembre 1952 : son corps est brûlé et les cendres dispersées sur le bas-côté d’une petite route à proximité de Prague. La famille d’Edmund Katz, le père du jeune Otto qui nait le 27 mai 1895 à Jistebnice, fait partie de la communauté juive prospère de la ville. Le frère d’Edmund est célèbre pour avoir découvert le Cantionnaire de Jistebnice, recueil de psaumes hussites appelant à la Réforme. « Il est connu comme le mécène de l’Académie Tchèque des arts et des sciences et l’un des chefs du mouvement judéo-tchèque ». La mère d’Otto, Franstika Piskerova, meurt prématurément en 1900, et son père se remarie avec une allemande, Otilie Schulhof. La famille monte à Prague où les affaires familiales prospèrent et s’installe ensuite à Pilsen, près des activités industrielles.

Après des études classiques à Prague il rejoint en 1913 l’Académie Impériale de Vienne. Il ne finit pas ses études et est envoyé par son père suivre une formation militaire. Il fait une Première Guerre mondiale peu inspirée. On lui refuse d’être officier à cause des sympathies socialistes développées à Vienne. Il déserte deux fois et fait plusieurs mois d’arrêt en forteresse. Démobilisé en janvier 1919, il occupe un emploi à Pössneck en Thuringe avant de rejoindre la Meva une société métallurgique de Prague. Le jeune Otto préfère de loin la littérature, le théâtre, les jolies actrices et toute la vie culturelle de Prague qui est très active à cette époque. Rudolph Fuchs, un écrivain juif allemand, le pousse à devenir écrivain. Il fréquente les cafés à la mode, l’Arco et le Continental où se bouscule la jeune intelligentsia qui ne parle que révolution sociale ou artistique. Il est proche d’Egon Kisch dont il partage les opinions politiques communistes. Aidé par une pension versée régulièrement par son père, il côtoie l’avant-garde (Franz Kafka, Max Brod, Franz Werfel) et mène joyeuse vie tout en adhérant en 1922 au Parti Communiste Allemand.

Une rencontre en 1924 avec Babette Gross, la sœur de Margarete Buber-Neumann, permet à Otto Katz de rencontrer Willi Münzenberg dont elle se déclare l’épouse. Ce dernier devine ce qu’il va pouvoir faire de ce jeune dandy désireux de servir la cause de l’Union soviétique et l’associe à ses nombreuses entreprises. Willi Münzenberg a été choisi par Lénine en 1921 pour superviser la propagande communiste en Occident. Il a rapidement découvert les grandes lois de l’agit-prop et de la communication politique et les a mises en application avec un immense brio. Il s’appuie sur l’émotion et les bons sentiments pour susciter des comités de défense et de soutien. L’argent collecté sera systématiquement détourné au service de l’URSS. Il sait qu’il faut se cacher derrière des faux-nez, et ne jamais parler comme porte parole de l’URSS. Il mobilise et manipule les milieux artistiques, communautaires, littéraires, grâce à des publications prétendument indépendantes et des organisations de façade. Très tôt il a découvert que l’image et le film mentent mieux qu’un beau discours. Il dirige directement ou indirectement plusieurs officines de production de cinéma. Cynique, il ne considère pas la vérité comme importante et ne s’intéresse qu’à l’effet politique du résultat en faveur de l’URSS. La « famille Philipov », une famille moyenne soviétique de pure fiction sera mise en scène pour faire croire partout que le communisme a réussi, que les ouvriers soviétiques sont pleinement heureux et d’un niveau de vie proche voire supérieur à celui de l’ouvrier américain.

Münzenberg a besoin de missionnaires pour coordonner toute cette machinerie de désinformation. Katz devient son meilleur émule avant d’être l’œil de Moscou dans ses entreprises, puis son successeur. Il le lance à Berlin dans l’entourage d’Erwin Piscator, un metteur en scène avant-gardiste et crée le Piscatorbühne sur les ruines provoquées du Wolksbühne. L’objectif est de mettre la nouvelle avant-garde au service indirect de l’Union soviétique. Il monte le « brave soldat Chvéïk » qui connait un certain succès. Il se fait de nombreuses relations dans le milieu théâtral communiste, notamment avec Bertolt Brecht qui reprendra cette pièce en 1946 sous son nom. Finalement l’entreprise tourne court et Otto Katz est considéré comme le responsable de la faillite. Otto Katz est alors nommé responsable de l’Universum Bücherei, un club du livre, une organisation de façade soviétique, chargé d’attirer les écrivains allemands progressistes. Il en profite pour écrire et faire publier par un éditeur dirigé par Willi Münzenberg un premier livre : Neun Männer im Eis, l’histoire de l’expédition Nobile sauvée par le brise-glace Krassine. L’exercice lui permet de glorifier l’URSS et de vilipender ceux qui n’ont pas voulu sauver l’aventurier. Il lui révèle aussi qu’il ne sera jamais un grand écrivain tout en lui offrant une profession qui figurera sur beaucoup de ses passeports.

Il s‘occupe donc de mobiliser les autres écrivains en faveur de l’URSS via des entreprises comme le Volksbuch qui vise l’air de rien de donner la meilleure image possible de l’URSS en faisant intervenir des auteurs non communistes, un art dont il deviendra maître. Le 7 décembre 1931 Il épouse Ilse Klagemann, membre du parti communiste allemand. Les Nazis, à partir des élections de 1930, se mobilisent contre les communistes. Otto Katz, pressé par la police allemande à la suite de la faillite du PiscatorBühne, part pour Moscou comme directeur de la branche allemande de Mjrabpom-Russ, une société cinématographique créée par son mentor. Katz rejoint Moscou avec son épouse. Il supervise un ouvrage sur le quinzième anniversaire de l’URSS écrit dans les grands journaux allemands de Willi Münzenberg : Welt am Abend et Berlin am Morgen. Il couvre pour la radio allemande le 1er mai à Moscou. Il multiplie les éloges à Staline.

Il entre à l’École Internationale Lénine, école militaire dont il sort affilié à l’OGPU puis au NKVD. Il est devenu un « officier loyal du régime ». Ce n’est plus un amateur mais un dur, un espion estampillé comme tel chargé de subvertir les démocraties. Il sait tout du régime de Staline et des crimes qui à l’époque ravagent les pays occupés, notamment l’Ukraine où l’on compte des millions de morts. Il ne reviendra plus sur cet engagement stalinien. L’arrivée d’Hitler au pouvoir, le renversement de l’attitude de Staline vis-à-vis des « sociofascistes », les socio-démocrates, et surtout l’incendie du Reichstag vont donner à Münzenberg les moyens d’associer condamnation du nazisme et propagande pro-soviétique. Willi Münzenberg échappe de peu, avec Babette Gross, à la campagne d’arrestations lancée par les Nazis. Katz le rejoint à Paris avec un objectif central : consolider l’infiltration soviétique en s’appuyant sur l’antifascisme.

La « conférence pour la Paix » d’Amsterdam en août 1932 permet aux deux hommes de s’ouvrir de nombreuses portes, notamment en Angleterre. L’organisation faux-nez appelée « Comité d’aide aux victimes du nazisme » est présidé par Lord Marley, vice-président de la Chambre des Lords, chief Whip du parti travailliste après que le pseudo « Rudolph » Katz l'a convaincu. Au total Otto Katz se cache derrière une vingtaine de pseudonymes. Katz entreprend la rédaction d’un livre de propagande qui va connaître un succès mondial. Il s’agit de démonter la campagne nazie visant à faire des communistes et de l'URSS les commanditaires de l’incendie du Reichstag. Le titre : Le Livre brun de la terreur hitlérienne. L’éditeur : les éditions du Carrefour, dirigées par un pacifiste juif allemand, Pierre Levi, qui a le cœur à gauche mais n’est pas communiste. Il ne faut pas que le livre apparaisse pour ce qu’il est : une entreprise d’intoxication conduite par l’Union soviétique.

C’est le journal allemand Der Gegen Angriff, édité par des exilés, qui annonce la parution du livre. De nombreuses personnalités françaises, anglaises, allemandes et même américaines sont associées plus ou moins directement à l’œuvre dont le prix Nobel de Littérature Romain Rolland, Henri Barbusse, André Gide. « Le Livre brun » alterne les preuves recouvrées et d’autres inventées ». On fait sans aucune preuve de Van der Lubbe, arrêté sur les lieux de l’incendie, un giton d’Ernst Röhm, piloté par l’amant de ce dernier Edmund Heines qui se serait éclipsé dans un souterrain menant à la propriété de Göring. On déclare que certes Van der Lubbe a été communiste mais « qu’il a rompu et qu’il a été vu prenant la parole lors d’un meeting fasciste », ce qui est faux. Hermann Göring devient donc le responsable de l’incendie. La seconde partie du livre est une suite de témoignages parfois réels, parfois inventés sur ce qui se passe réellement en Allemagne nazie. Le succès international est prodigieux et Otto Katz, soi-disant poète et dramaturge, connait un succès sans précédent.

Toute cette agit-prop se croise avec une autre initiative majeure, la création du « Comité d’aide aux victimes du fascisme allemand » qui épaule d’autres créations du même genre comme le « Comité mondial des étudiants contre la guerre et le fascisme » qui offre à l’URSS une influence décisive à Oxford et Cambridge. Il permet de créer des faux procès notamment à Londres et de faire une propagande massive pendant tout le temps du procès de Van der Lubbe. L’organisation d’un contre-procès monté avec des compagnons de route et des notables trompés, est un autre triomphe de la propagande soviétique. Il servira de modèle à bien d’autres procès, congrès, conventions, également dirigés par des dupes ou des compagnons de route. En l’occurrence, selon Jonathan Miles, « Le livre brun participe d’un habile tour de passe-passe pour dissimuler les ouvertures feutrées de Staline à Hitler ». D’ailleurs Dimitrov, qui deviendra le nouveau Secrétaire général du Komintern, et les autres cadres soviétiques incarcérés dans le cadre de l’incendie du Reichstag seront finalement libérés.

Le Livre Brun marque le sommet de la désinformation soviétique en Europe favorisée par la répulsion que le régime d’Hitler provoque dans de nombreuses couches de la société. Désormais et pour des décennies quiconque critiquera l’Union soviétique sera un « fasciste ». En juin 1935, Otto Katz organise à Paris le premier Congrès des écrivains pour la défense de la culture, qui voit se presser beaucoup de notables des arts et des lettres. Le Front Populaire est constitué dès l’été. La France signe un traité d’amitié avec l’URSS. Il est temps de porter la bonne parole à Hollywood. C’est sous le pseudonyme de Rudolph Breda qu’il se présente comme un « combattant de la liberté qui rallie les cœurs et les dons » et qui est capable de dénoncer le nazisme en six langues. Il parcourt les États-unis en tout sens, en multipliant les organisations anti-nazis et les appels aux dons.

C’est à Hollywood que ses efforts vont porter. La capitale du cinéma est un point névralgique dans la stratégie du Komintern, « un point cardinal dans l’orbite communiste où l’on peut susciter des inititatives et semer la propagande » Rudolph Breda créé la ligue antinazie de Hollywood en s’appuyant sur les réfugiés allemands qu’il connait (Fritz Lang, Billy Wilder, Ernst Lubitsch, Marlène Dietrich) et parvient à mobiliser les plus grandes stars comme Greta Garbo et Charlie Chaplin. Des réunions fastueuses sont données où se pressent tous ceux qui comptent à Hollywood. Un journal de propagande, Hollywood Now, est publié. Des opérations de vindicte publique sont montées contre par exemple Leni Riefenstahl qui se voit refuser un contrat, ou la fille de Mussolini.

Peu à peu la manipulation soviétique est découverte. Ernst Lubitsch s’en aperçoit le premier. En 1940 le FBI n’a plus de doute que le Comité est un faux-nez communiste et que les sommes récoltés sont détournées. Le faux Breda, devenu un héros qui inspirera plusieurs films (Un jour viendra, Casablanca avec le personnage de Victor Lazlo, joué par Paul Henreid) a déjà quitté les Etats-Unis, envoyé par Staline sur un autre front : la guerre d'Espagne. Otto Katz commence par un coup d’éclat : la découverte dans une officine nazie de Barcelone de papiers révélant l’ensemble de l’organisation nazie en Espagne et ses objectifs. Il les fait passer en France et permet une propagande intense sur le thème de l’implication nazie auprès de Franco. Il met ensuite la main sur l’Agence Espagne, qui fait de lui un journaliste, et qu’il met au service de la propagande soviétique.

Willi Münzenberg et Otto Katz pilotent la désinformation sur la guerre d’Espagne. Les méthodes sont habituelles : un Comité international d’aide au peuple espagnol est créé, qui multiplie les appels aux dons, et permet de cacher l’activité des agents d’influence soviétiques derrière de commodes paravents. Les brigades internationales sont dirigées de fait par Staline. Les volontaires se voient confisquer leurs passeports qui servent aux agents soviétiques pour pénétrer les États-Unis. Les volontaires qui voudraient renoncer au combat sont envoyés dans des camps de rééducation mis en place très rapidement par les soviétiques en Espagne. Ils ont à y affronter un double risque mortel : le front et la police secrète de Staline. Les massacres de trotskistes et d’anarchistes commencent. Staline n’a pas l’intention de créer une révolution en Espagne qui affolerait les démocraties européennes et les repousserait dans le camp anti-soviétique, et entend prendre la main à gauche.

Katz, de Paris, joue le rôle principal pour la dénonciation des trotskistes devenus des « espions fascistes » des voleurs et des brigands et joue un rôle central au côté de l’espion Alexandre Orlov dans l'assassinat d'Andres Nin, le démantèlement du POUM, dont il est le chef et la répression de ses membres à partir de mai 1937 à Barcelone. Il favorise aussi les activités de répression d’André Marty qui se vantera d’avoir exécuté lui-même plusieurs centaines de personnes. Il fait libérer Arthur Koestler, tombé entre les mains des Franquistes et l’aide à publier Le Testament Espagnol, qui consacrera l’auteur comme un grand écrivain. Après que Staline a fait main basse sur l’or espagnol, Otto Katz, sous le masque du journaliste André Simone, l’utilise largement pour financer ses activités de propagande et payer des pots-de-vin à différents organes de presse français qui relaient « une belle moisson de mensonges ». De l’organisation de visites d’écrivains sur le terrain au soutien du tournage de différents films sur la guerre d’Espagne, de conférences en articles, l’activité de Simone est incessante. Il écrit lui-même sous le pseudonyme Le Diplomate Inconnu son propre livre, L’Angleterre en Espagne.

Avec une partie de l’or espagnol Otto Katz crée un quotidien parisien, Le Soir, qui complète les 70 journaux et périodiques communistes déjà publiés en France. Le but est de gagner une frange modérée la plus large possible aux idées soviétiques. Otto Katz supplante à ce moment là son ancien maître, Willi Münzenberg, devenu suspect aux yeux de Staline. Il est vrai qu'à la campagne de purge menée à Moscou, qui ravage les rangs des révolutionnaires historiques et les rangs du Komintern, s’ajoute aux massacres liés à la répression stalinienne en Espagne, provoquant de nombreuses ruptures. Le pacte germano-soviétique achève la conversion de nombreux serviteurs de la cause soviétique en Europe (Mûnzenberg, Koestler, Regler).

Katz l’a accepté. Son rôle devient plus celui d’un espion chargé des basses œuvres que celui d’un intellectuel frémissant organisant la désinformation. Otto Katz devient un élément de la politique de répression de Staline contre les « rénégats et les trotskistes ». Il s’agit de vilipender tous les anciens compagnons de route qui refusent d’avancer plus loin dans la complicité avec un régime dont le caractère totalitaire apparait de plus en plus. La lutte devient interne au camp socialiste et prend l’allure de multiples règlements de compte. La mort de Münzenberg, dont le corps est retrouvé décomposé avec une corde autour du cou, reste un mystère mais de nombreux soupçons porte sur un assassinat commis par le NKVD informé par l’agent chargé de surveiller son ex patron : Otto Katz.

Finalement le 3 janvier 1940, Otto Katz est expulsé de France. Il y revient clandestinement et fuit après la débâcle des armées françaises, épisode qu’il raconte dans Les hommes qui ont trahi la France, et s’installe aux États-unis où il publie J’accuse qui connaît un succès de librairie. Expulsé des États-Unis à la fin de l’année 1940, Otto Katz est envoyé par Staline au Mexique avec pour mission d’activer la propagande soviétique sur un continent qui porte des espoirs de révolution. Trotski meurt trois jours avant l’arrivée de Katz. Mais diverses sources, notamment le FBI, ou certains de ces anciens amis, dégoûtés du stalinisme comme Gustav Regler, voient sa main dans l’assassinat, ainsi que la veuve de Trotski. En même temps qu’il sème les germes de l’insurrection en Amérique du Sud et développe les activités pro-soviétiques, Otto Katz continue à animer à distance ses réseaux aux États-unis où il fait plusieurs voyages clandestins. Désormais à Hollywood la majorité des scénaristes sont communistes et les grandes stars participent sans difficulté aux appels aux dons.

Le 21 mars 1946 les Katz arrivent à Prague, conformément aux ordres de Staline. Il devient un collaborateur de Rude Pravo, le grand journal communiste praguois, sous le nom d’André Simone. Cette couverture journalistique lui permet d’animer certaines opérations de propagande en France avant qu’il soit finalement nommé rédacteur en chef du journal. Il y développe toutes les thèses staliniennes : prétendu indépendance du gouvernement Gottwald, rejet du plan Marshall, dénonciations diverses. Il participe au maquillage de l’assassinat de Masaryk en suicide. Le MI-5, par l’intermédiaire de son agent Millicent Bagot, a tenté de cerné le rôle exact d’Otto Katz à Prague, notamment à partir des déclarations d’un agent de haut rang du Kominterm, Louis Giberti. « Il est sinon le chef du moins le porte parole d’une organisation de type Kominterm qui opère en apparence depuis Paris mais en vérité depuis Prague. On pourrait aller jusqu’à postuler qu’il gère l’ensemble des stratégies communistes à l’Ouest, y compris celles des partis nationaux, mais il semble plus probable qu’il contrôle les initiatives qui ne relèvent pas du Parti ». Il est à noter que siègent à Prague plusieurs "organisations de masse" soviétiques comme l'Union Internationale des Etudiants, UIE, ou la Fédération Mondiale de la Jeunesse Démocratique (FMJD).

Staline est un habitué des purges. Depuis 1934 il exécute facilement les exécutants de sa propre politique. Après la sécession titiste il a besoin de réaffirmer son autorité sur les partis des nouveaux pays conquis et rattachés à l’Union soviétique. Sa priorité est de digérer et de consolider son empire. Israël, soutenu au départ par l’URSS s’est désormais tourné vers les États-Unis, ce qui est considéré comme une trahison justifiant diverses purges antisémites. Le « cosmopolite » Otto Katz, « sioniste » de surcroît et agent des britanniques, est dans la ligne de mire. Il complète opportunément la liste des inculpés des Procès de Prague, au premier chef Slansky qui a été un des grands exécuteurs des tâches répressives staliniennes et dont la mort est susceptible de faire réfléchir les autres dirigeants des pays de l’Est.  Le 11 juin 1952 Katz est arrêté après avoir été exclu du Parti. Sa résistance ne durera pas plus de 15 jours. et il avoue ce que l’on veut.

Staline a convoqué Klement Gottwald pour mettre en place la scénographie du procès qui fait l’objet d’une répétition générale hors caméra. L’acte d’accusation est finalement ratifié par Moscou. La comédie de justice commence le 20 novembre 1952 sous les flashs. Les personnes jugées sont des « traîtres, titistes, sionistes et nationalistes bourgeois ». « Ils ont fondé au service des impérialistes américains et sous la direction d’agences de renseignements de l’Ouest un Centre de conspiration contre l’État ». Rude Pravo couvre d’injures son ancien directeur et « la fange incarnée dans des créatures humaines ». Ce dernier fait des aveux complets, c'est-à-dire récite ce que le parti a décidé qu’il devait dire. Il se déclare « agent triple » et ne conteste pas l’accusation d’avoir « instauré des foyers d’accueil au Royaume-Uni pour recruter et former des agents britanniques et américains au moyen d’activités culturelles, films et conférences ». C'est très exactement ce qu’il faisait en fait pour l’Union soviétique.

Le 27 novembre 1952 le verdict est lu. Pour Otto Katz c’est la mort. Le 3 décembre, à 3 heures du matin, la sentence est exécutée par pendaison et les corps sont brûlés. Les cendres sont jetées au bord d’une route enneigée au sud de Prague. En Avril 1963 le Comité central du parti communiste tchèque déclare que tous les condamnés à mort du procès de Prague sont « absous de tous les chefs d’accusation ».

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