Le Roy Ladurie Emmanuel

Publié le par Mémoires de Guerre

Emmanuel Le Roy Ladurie, né le 19 juillet 1929 aux Moutiers-en-Cinglais (Calvados) et mort le 22 novembre 2023, est un universitaire et historien français. Titulaire de la chaire d'histoire de la civilisation moderne au Collège de France, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et disciple de Fernand Braudel, il est un des animateurs majeurs de l'École des Annales et devient, dans les années 1970, une figure emblématique de la Nouvelle Histoire. Certaines de ses œuvres qui s'inscrivent dans le courant de l'anthropologie historique connurent un grand succès auprès d'un large public. Ses apports majeurs dans le champ de la connaissance historique concernent l'histoire économique et sociale du monde rural et l'histoire de l'environnement, notamment à travers ses travaux précurseurs sur l'histoire du climat. Ils lui ont conféré un grand prestige international. 

Le Roy Ladurie Emmanuel
Carrière

Famille

La famille Le Roy Ladurie est une vieille famille normande de la région de Domfront, installée peu avant la Révolution française à Verneuil. Il est aussi apparenté à la famille Delauney. Son grand-père, le commandant Barthélemy-Emmanuel Le Roy Ladurie, est un officier de carrière destitué à 43 ans, lors d'un conseil de guerre, à Nantes, le 26 septembre 1902, pour avoir refusé de participer, le 15 août 1902, à la fermeture des écoles des congrégations catholiques ouvertes avant 1901, à Douarnenez, sous le gouvernement d'Émile Combes. Il fut réintégré avec son grade, sans avancement, au début de la Première Guerre mondiale. Barthélemy-Emmanuel et Jeanne Le Roy Ladurie, issue d'une famille normande, ont eu sept enfants dont Gabriel, directeur de la banque Worms sous Vichy, Marie (Mère Marie de l'Assomption, fondatrice du cercle Saint Jean-Baptiste) et Jacques, père d'Emmanuel. 

Catholique social, Jacques a été un des fondateurs du syndicalisme agricole, ministre du ravitaillement sous le régime de Vichy en 1942, ainsi que résistant et maquisard. Emmanuel Le Roy Ladurie se marie, en juillet 1955, avec Madeleine Pupponi (née en 1931), médecin, fille du professeur de mathématiques et militant communiste d'origine corse Henri Pupponi (1904-1980). Elle le soutient tout au long de sa carrière en l'accompagnant, entre autres, dans ses recherches sur l'avancée ou le recul des glaciers, marqueurs de l'histoire du climat. Ils ont eu deux enfants, dont l'un, François, devenu médecin, s'est spécialisé dans les transplantations pulmonaires. 

Études

Il fait ses études au collège Saint-Joseph de Caen, au lycée Henri-IV à Paris et au lycée Lakanal à Sceaux. Élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (promotion Lettres 1949), agrégé d'histoire en 1953 (reçu 12e sur 24), il est délégué au sein de l'Union nationale des étudiants de France du cartel des ENS où il s'oppose à plusieurs reprises de manière très vive à Jean-Marie Le Pen représentant de la Corpo de Droit de Paris. Au côté de François Furet, il collabore à Clarté, journal des étudiants communistes qui mobilise les intellectuels contre le colonialisme et la guerre de Corée. 

Universitaire

Il est d'abord nommé professeur au lycée de garçons de Montpellier de 1955 à 1957. Cette période fut cruciale pour le reste de sa carrière, car c'est alors qu'il se lance dans la recherche. De 1958 à 1960, il est attaché de recherche au Centre national de la recherche scientifique, de 1960 à 1963, il est assistant à la faculté de Lettres de Montpellier puis maître-assistant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Enfin, de 1973 à 1999, il occupe la chaire d'Histoire de la civilisation moderne au Collège de France. En 1966, il soutient son doctorat ès lettres Les Paysans de Languedoc dont il tire, en 1975, son succès mondial Montaillou, village occitan. Il devient administrateur général de la Bibliothèque nationale de 1987 à 1994 — préparant la création de la nouvelle entité avec Dominique Jamet, président de l'établissement public de la Bibliothèque de France qui donna en fusionnant la Bibliothèque nationale de France — il est un lecteur assidu à la bibliothèque de la Fondation Maison des sciences de l'homme et à la Bibliothèque de Météo-France à laquelle il a légué le fonds climat de sa bibliothèque personnelle.

Sans doute l'un des historiens contemporains les plus féconds, il doit beaucoup à son mentor le grand historien de l'École des Annales Fernand Braudel. Au début des années 1970, Le Roy Ladurie participe à la « Nouvelle histoire ». Il est un pionnier de l'analyse micro-historique. Son œuvre la plus connue, Montaillou, village occitan (1975), se fonde sur les notes de l'Inquisiteur Jacques Fournier, évêque de Pamiers (1318-1325), traduites en français par Jean Duvernoy, pour reconstituer la vie d'un petit village du Languedoc à l'époque du catharisme. Il devient ainsi un spécialiste de l’anthropologie historique qui permet de saisir les hommes du passé dans leur environnement. Chercheur éclectique, il s'intéresse à l'histoire des régions (Histoire de France des régions, Seuil, 2004) et a joué un rôle pionnier dans l'histoire du climat par ses études de phénologie. Lors de ses recherches personnelles à la Bibliothèque de France, il découvre l'« Arbre de Justice », premier organigramme de l’État français réalisé par Charles de Figon au XVIe siècle, dont il fit l'analyse et la transcription en concepts modernes. Toujours très actif à la retraite, il continue à donner des interviews, des conférences et à publier des articles, notamment dans le domaine de l'histoire du climat et de ses conséquences pour l'homme. 

Engagement politique

D'abord membre du Parti communiste français, il rompt en 1956 comme sa consœur Annie Kriegel et ses collègues François Furet et Alain Besançon après l'invasion de la Hongrie par l'Union soviétique. Il rejoint par la suite le Parti socialiste unifié. Il a depuis analysé et renié son engagement au sein du mouvement communiste dans Ouverture, société, pouvoir : de l’Édit de Nantes à la chute du communisme (en collaboration avec Guillaume Bourgeois, Fayard, 2004) et Les grands procès politiques ou la pédagogie infernale (Rocher, 2002). Il se tient à distance des événements de mai 1968 provoque chez lui un « dégoût profond ». Il a évolué vers la droite libérale à partir des années 1970. En février 1978, il fait partie des membres fondateurs du Comité des intellectuels pour l'Europe des libertés. En février 1979, il fait partie des 34 signataires de la déclaration rédigée par Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet pour démonter la rhétorique négationniste de Robert Faurisson

En 1998 et en 1999, il s'oppose à la création du pacte civil de solidarité (PACS) et relie homosexualité et pédophilie dans une tribune du Figaro : « Les prosélytes de l'homosexualisme proposent un modèle d'intolérance vécu comme une insulte par des couples hétéros normaux pour lesquels le mariage correspond avant tout à une certaine manière d'élever les enfants et de les garantir contre ces fléaux modernes que sont le sida ou la pédophilie ». En 2012, il soutient Nicolas Sarkozy lors de l'élection présidentielle. Il prend position sur la question du changement climatique aux côtés du GIEC. Il a été membre du conseil d'administration du Centre Royaumont pour une Science de l’Homme.

Décès

Il meurt le 22 novembre 2023 à 94 ans.

Décorations

  • Grand officier de la Légion d'honneur (2 avril 201033 ; commandeur en 1996).
  • Grand-croix de l'ordre national du Mérite (19 mai 2018).
  • Commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres.

Distinctions

  • Membre de l'Académie des sciences morales et politiques de l'Institut de France depuis 1993 (président de cette Académie en 2003).
  • Délégué de l'Académie à la Séance publique annuelle des cinq académies en octobre 2006.
  • Membre de l'Académie américaine des arts et des sciences.
  • Membre de l'Academia Europaea.
  • Membre de l'Académie polonaise des sciences.
  • Membre non résidant de l'Académie de Nîmes.
  • Membre honoraire de l'Académie japonaise des sciences (2006).
  • Foreign honorary member de l'Académie des sciences américaine (1974).
  • Président du Prix national du livre médiéval : Provins patrimoine mondial.

Docteur honoris causa

  • Université de Genève (1978)
  • Université du Michigan (1981)
  • Université de Leeds (1982)
  • Université de Leicester (1986)
  • Université d'York (1986)
  • Université Carnegie-Mellon (1987)
  • Université de Durham (1987)
  • Université de Hull (1990)
  • Université de Dublin (1992)
  • Université d'Albany (1992)
  • Université de Montréal (1993)
  • Université de Haïfa (1993)
  • Université d'Oxford (1993)
  • Université de Pennsylvanie (1995)
  • Université de Sussex (1996)
  • HEC Paris (1999)
Publications
  • Les Paysans de Languedoc (thèse), Paris, SEVPEN, 196636.
  • Histoire du climat depuis l'an mil, Paris, Flammarion, 196737.
  • Anthropologie du conscrit français (avec J.-P. Aron et al.), Paris, Éd. de l'EHESS, 1972.
  • Médecins, climat, épidémies (avec J.-P. Desaive et al.), Paris, Éd. de l'EHESS, 1972.
  • Le Territoire de l'historien, Paris, Gallimard, t. I, 1973 ; t.II, 1978.
  • Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Paris, Gallimard, 1975.
  • Histoire économique et sociale de la France. I/ De 1450 à 1660. II/ Paysannerie et croissance, Paris, PUF, 1976.
  • Le Carnaval de Romans : de la Chandeleur au Mercredi des cendres (1579–1580), Paris, Gallimard, 1979, 3e Prix Fondation Pierre-Lafue 1979.
  • L’Argent, l'amour et la mort en pays d'Oc, Paris, Le Seuil, 1980.
  • La Sorcière de Jasmin, Paris, Le Seuil, 1980.
  • Inventaire des campagnes (en collaboration), Paris, JC Lattès, 1980.
  • Histoire de la France urbaine (en collaboration), Paris, JC Lattès, 1981.
  • Paris-Montpellier : PC-PSU, 1945-1963, Paris, Gallimard, 1982.
  • Parmi les historiens, Paris, Le Seuil, 1983 et 1994.
  • Pierre Prion, scribe, Paris, Gallimard, 1987.
  • L’État royal 1460-1610, Paris, Hachette, 1987.
  • L'Ancien Régime, 1610-1770, Paris, Hachette, 1991 (réédité en deux tomes : I, 1610-1715, et II, 1715-1770)
  • Le Siècle des Platter, Paris, Fayard ; t. I, Le mendiant et le professeur, 1997 ; t. II, Le voyage de Thomas Platter, 2000 ; t. III, L'Europe de Thomas Platter, 2006.
  • L'Historien, le Chiffre et le Texte, Paris, Fayard, 1997.
  • Saint-Simon ou Le système de la Cour, Paris, Fayard, 1997 (collaborateur).
  • Histoire du Languedoc, Toulouse, Privat, 2000.
  • Histoire de France des régions : la périphérie française, des origines à nos jours, Paris, Le Seuil, 2001.
  • Autour de Montaillou, un village occitan : histoire et religiosité d'un village au Moyen Âge, 2001.
  • Histoire des paysans français : de la peste noire à la Révolution, 2002.
  • Les Grands Procès politiques, 2002.
  • La Dîme royale, 2002.
  • Histoire humaine et comparée du climat, Paris, Éd. Fayard, t. 1 Canicules et glaciers XIIIe – XVIIIe siècles, 2004 ; t. 2, Disettes et révolutions, 2006 ; t. 3, Le réchauffement de 1860 à nos jours (avec le concours de Guillaume Séchet), 2009.
  • Histoire du climat du Moyen Âge jusqu'à nos jours, DVD, 2007.
  • Histoire de la Bibliothèque nationale de France, Conférence au Collège de France 1995, CD Audio, Éd. Le Livre qui parle 2009.
  • Abrégé d'histoire du climat du Moyen Âge à nos jours. Entretiens avec Anouchka Vasak, Paris, Fayard, 2007.
  • Histoire et système (dir.), Paris Le Cerf, 2010 (ISBN 978-2204090643)
  • Les fluctuations du climat de l'an mil à aujourd'hui, Paris, Fayard, 2011
  • La Civilisation rurale, Paris, Allia, 2012 (ISBN 978-2-84485-587-9)
  • Une vie avec l'histoire. Mémoires, Paris, Tallandier, 2014.
  • Les Paysans français d'Ancien Régime, Paris, Le Seuil, 2015
  • Huit leçons d'histoire, Paris, Fayard, 2016 (ISBN 978-2846212243)
  • Brève histoire de l'Ancien Régime, Paris, Fayard, 2017

Article Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Emmanuel_Le_Roy_Ladurie

Publié dans Historiens

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