Wernher von Braun

Publié le par Mémoires de Guerre

Wernher von Braun est un ingénieur allemand né le 23 mars 1912 à Wirsitz en province de Posnanie et mort le 16 juin 1977 à Alexandria en Virginie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est l'un des principaux ingénieurs qui permettent le vol des fusées allemandes de type V2, le premier missile balistique de l'histoire ; dans l'administration du Troisième Reich, il atteint le grade de SS-Sturmbannführer. Transféré aux États-Unis après la capitulation allemande, il est naturalisé américain en 1955 et joue un rôle majeur dans le développement des fusées, notamment celles qui ont permis la conquête spatiale américaine. En 1930, alors âgé de 18 ans, Wernher von Braun rejoint un groupe de passionnés d'astronautique qui, au sein de la Verein für Raumschiffahrt, met au point de petites fusées expérimentales. Pour poursuivre ses travaux de recherche sur la propulsion à ergols liquides, il accepte de rallier en 1932 le département balistique de la direction des Armements de l'armée allemande dirigé par Walter Dornberger. Au sein de cette institution militaire, il prend la tête d'un programme de recherche sur les fusées à propulsion à ergols liquides, qui bénéficie d'un soutien financier croissant des dirigeants militaires allemands dans le contexte d'une politique de réarmement de l'Allemagne portée par l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler en janvier 1933.  Grâce à ses talents d'organisateur et ses compétences techniques, son équipe d'ingénieurs met au point des fusées de puissance croissante allant de l'A1 à l'A4. Cette dernière, d'une masse de treize tonnes et dotée d'une portée de plus de trois cents kilomètres, est conçue dès le départ pour servir de missile balistique avec une charge militaire de plus de huit cents kilogrammes.

Elle effectue son premier vol en 1942 et constitue une avancée majeure par rapport à toutes les fusées développées jusque-là. Sous l'appellation V2, le missile est lancé depuis des rampes mobiles à plusieurs milliers d'exemplaires sur les populations civiles de Grande-Bretagne au cours des deux dernières années de la Seconde Guerre mondiale. Pendant des mois, le missile détruit la ville de Londres, tue plus de 2700 civils, et en blesse 6500. Après la défaite allemande, dans le cadre de l'opération Paperclip, Wernher von Braun et les principaux ingénieurs ayant participé au projet V2 sont récupérés par les forces américaines. Von Braun est placé à la tête d'une équipe constituée principalement d'ingénieurs allemands. Au début des années 1950, l'équipe de von Braun est installée à Huntsville où elle développe les premiers missiles balistiques de l'armée de terre américaine. Lorsque la course à l'espace est lancée à la fin des années 1950, c'est la fusée Juno I, développée par ses équipes, qui place en orbite le premier satellite artificiel américain Explorer 1. Spécialiste reconnu des lanceurs, il devient responsable du centre de vol spatial Marshall créé par l'agence spatiale américaine (la Nasa) pour développer la famille de fusées Saturn. Il joue un rôle pivot dans le développement du lanceur Saturn V qui permet le lancement des missions lunaires du programme Apollo. À la suite de la réduction du budget alloué au programme spatial américain, il quitte la Nasa pour le secteur privé en 1972. Von Braun a eu une relation complexe et ambivalente avec le régime nazi. Il est pour certains hauts dirigeants un modèle et joue un rôle important sans état d'âme dans l'effort de guerre allemand. Il est par ailleurs impossible qu'il ait pu ignorer les conditions de travail inhumaines des déportés chargés de construire les V2 dans les tunnels de Dora, qui ont conduit à la mort de milliers d'entre eux. 

Wernher von Braun
Enfance

Wernher Magnus Maximilian Freiherr von Braun naît à Wirsitz (aujourd'hui en Pologne) dans la province de Posnanie qui faisait à l'époque partie de l'Empire allemand. Il est le deuxième des trois fils d'une famille de l'aristocratie allemande portant le titre de baron (Freiherr). Son père Magnus Freiherr von Braun (1878-1972) est un haut fonctionnaire qui fera partie du cabinet du ministère de l'Agriculture sous la république de Weimar. Sa mère Emmy von Quistorp (1886-1959) a une longue ascendance aristocratique. Elle reçut une éducation primaire et secondaire de bonne qualité, notamment encouragée par son père. Elle s'était passionnée pour les sciences naturelles. Elle lui offre son premier télescope. La famille de Wernher von Braun déménage à Berlin en 1915 où son père prend un poste au ministère de l'Intérieur. 

Alors âgé de 12 ans, Wernher, qui est inspiré par les records de vitesse établis par Max Valier et Fritz von Opel à l'aide de voitures propulsées par des fusées, crée un incident dans une rue fréquentée avec une voiture jouet auquel il a attaché un certain nombre de feux d'artifice, ce qui lui vaut un court séjour au poste de police. Wernher est un musicien accompli au piano et au violoncelle et peut jouer de mémoire Bach et Beethoven. Il reçoit des leçons du compositeur Paul Hindemith et veut un temps devenir compositeur. En 1925, il rentre dans un internat à Ettersburg près de Weimar où il obtient des notes médiocres en mathématiques et en physique. Il achète à cette époque un exemplaire de l'ouvrage de Die Rakete zu den Planetenräumen (Les fusées dans l'espace interplanétaire) du pionnier de l'astronautique allemand Hermann Oberth. En 1928, ses parents le placent dans l'internat Hermann-Lietz dans l'île de Spiekeroog qui fait partie de l'archipel de la Frise-Orientale. 

Pionnier de l'astronautique

Comme pour les autres précurseurs de l'astronautique, sa passion pour cette discipline naît de la lecture des écrits et calculs de Constantin Tsiolkovski. Doué en mathématiques, von Braun fait ses études à l’École polytechnique fédérale de Zurich et à l'université technique de Berlin (l’Institut Kaiser-Wilhelm) où il reçoit son diplôme d'ingénieur en mécanique, tout en consacrant ses loisirs, à partir de 1930, à construire et à expérimenter de petites fusées au sein d'une équipe réunie par le précurseur Hermann Oberth, la VfR, sigle de Verein für Raumschiffahrt (« Association pour la navigation aérospatiale »). Les expérimentations ont lieu à Reinickendorf dans Berlin, sur un terrain de cent cinquante hectares, qu'ils baptisent Raketenflugplatz (« aéroport de fusées »).

À partir de 1929, l'armée de terre allemande commence à s'intéresser aux fusées. Elle crée un « Bureau des engins balistiques spéciaux » rattaché à la direction de l'armement, dirigé par le colonel Karl Becker et le capitaine Walter Dornberger. Celui-ci est chargé de mettre au point des fusées à propergol solide de 5 à 9 kg et d'effectuer des recherches théoriques sur la propulsion à ergols liquides. Un champ de tir situé à Kummersdorf dans la banlieue de Berlin est utilisé pour effectuer des lancements de roquettes à propergol solide entre 1930 et 1932. Becker et Dornberger, qui ont suivi les travaux du VfR, concluent au printemps 1932 un accord avec Rudolf Nebel pour que celui-ci effectue un tir de sa fusée Repulsor sur le champ de tir militaire de Kummersdorf contre une rémunération de 1 000 Reichsmark. Le vol qui a lieu en juillet est un demi-succès mais Dornberger propose tout de même de subventionner les travaux à condition que ceux-ci soient menés de manière scientifique et que les essais ne soient plus publics. 

Nebel, bien qu'adhérent de l'association paramilitaire de droite Stahlhelm, Bund der Frontsoldaten, refuse ces conditions car il se méfie des militaires et entretient des relations difficiles avec Becker. Celui-ci a plus de succès lorsqu'il effectue la même proposition à von Braun qui a participé aux négociations entre Nebel et les militaires. Becker propose de financer une thèse de von Braun sur la propulsion à ergols liquides, à condition que les essais des fusées issues de ces travaux se déroulent à Kummersdorf. En novembre 1932, von Braun et le mécanicien Heinrich Grünow commencent le développement d'une nouvelle fusée. Trois mois plus tard, ils font fonctionner durant 60 secondes sur banc d'essais un moteur à ergols liquides d'une poussée de 103 kilogrammes brûlant un mélange d'oxygène liquide et d'alcool. Un deuxième moteur, refroidi par circulation d'alcool et fournissant une poussée triple, fonctionne quelques mois plus tard.

Au service de l'armée allemande

Le 16 avril 1934, von Braun remet sa thèse de doctorat sur la propulsion des fusées, intitulée Solutions théoriques et expérimentales au problème des fusées propulsées par des carburants liquides. Technique des fusées et recherche dans le domaine du vol spatial. Classée confidentielle, elle n'est publiée qu'en 1960. Longue, et périlleuse, avec les matériaux de l'époque, la mise au point d'un moteur-fusée à propergols (carburant et comburant) liquides est menée en collaboration avec le Dr Thiel. En 1934, Wernher von Braun lance de l'île de Borkum, en mer du Nord, deux exemplaires (Max et Moritz) de la fusée A2 (Aggregat 2) dont le moteur développe une tonne de poussée. Elles atteignent l'altitude de 2 200 mètres. En août 1935, le groupe de von Braun reçoit 5 millions de marks de la Luftwaffe et 6 millions de l'armée pour développer un moteur-fusée. Début 1936, von Braun se rend sur la côte de la Poméranie à la recherche d'un terrain d'essais pour fusée. Il le trouve à Peenemünde, dans l'île d'Usedom. L'équipe de von Braun a besoin d'un terrain au bord de la mer Baltique pour tirer le long des côtes et installer des bases de mesure. Le 2 avril 1936, lors d'une conférence, la décision d'acquérir le terrain d'Usedom est entérinée. Le soir même, le maire de la commune signe l'acte d'achat qui comprend le déplacement des habitants. La construction du centre d'essais démarre en avril 1936.

Mise au point du missile balistique V2

En 1937, toujours pour obtenir davantage de moyens, il adhère au parti nazi, le NSDAP. Von Braun reconnaîtra après-guerre avoir personnellement rencontré Hitler à trois reprises : la première fois au centre d'essais de Kummersdorf en 1934, et deux autres fois à Berlin au cours de l'année 1942. Il est nommé directeur technique du centre d'essais de Peenemünde et assure entre 1939 et 1942 la mise au point de la fusée A4 (Aggregat 4) qui, utilisée comme arme, prendra le nom de V2 (V pour Vergeltungswaffe « arme de représailles ») et dont plus de 3 000 exemplaires seront lancés principalement sur l'Angleterre (Londres), la Belgique (Anvers, Liège, Bruxelles) et les Pays-Bas (La Haye) en 1944 et 1945. En 1944, il est décoré de la croix du Mérite de guerre. Adulé par le régime — Hitler voit en lui le type du surhomme aryen — il est promu trois fois par Himmler, la dernière fois, en juin 1943, comme SS-Sturmbannführer. En 1943, Hitler donne la priorité absolue au programme des fusées A4. La fabrication des V2 s'intensifie et leur construction commence à utiliser des déportés des camps de Dora-Mittelbau et Buchenwald

Von Braun appartient à l'équipe dirigeante des spécialistes des fusées, supervisant les ingénieurs, les travailleurs civils et les déportés de Dora. Von Braun avait cependant compris à cette époque que l'Allemagne ne pouvait pas gagner la guerre et que le V2 ne serait pas l'arme miracle capable de retourner la situation militaire. Il l'évoque ouvertement avec ses équipes, ainsi que ses projets sur l'avenir civil des fusées, notamment pour le trafic postal entre les États-Unis et l'Europe. Il est alors arrêté par la Gestapo le 14 mars 1944 avec deux de ses collaborateurs pour défaitisme et sabotage, en l'occurrence pour avoir consacré « des ressources vitales pour la guerre à des projets pacifiques ». Walter Dornberger et Albert Speer, ministre de l'Armement et de la Production de guerre, obtiennent de Hitler sa libération conditionnelle après deux semaines de cachot. Dans ses mémoires, Albert Speer précise que Hitler lui aurait déclaré que von Braun « serait à l'abri de toute poursuite pénale aussi longtemps qu'il me serait indispensable ». 

Vers l'automne 1944, les ingénieurs et scientifiques de l'industrie militaire comprennent que la défaite est inéluctable et von Braun voit son avenir de scientifique en Allemagne sérieusement compromis. Fils de directeur de coopérative et homme politique de droite, élevé dans l'exécration du communisme, Wernher von Braun choisit, après quelques hésitations, l'Amérique. Mais la SS est chargée de prévenir toute fuite de cerveaux allemands, et ordre est donné d'éliminer ceux qui tentent de fuir. Dans les derniers jours d'avril 1945, von Braun, blessé quelques semaines plus tôt dans un accident de voiture, réussit avec une grande partie de son équipe d'ingénieurs et de techniciens de haut niveau (une centaine de personnes) à échapper à la surveillance des commandos SS après s'être caché dans des grottes. Le 2 mai 1945, dans une station de ski bavaroise, il se rend aux alliés à la suite du contact établi par son frère Magnus avec le soldat de seconde classe Schweikert qui participait à une patrouille avancée américaine. Le savant et son équipe seront ensuite récupérés par les Américains dans le cadre de l'opération Paperclip.

Le 20 septembre 1945, von Braun arrive aux États-Unis. Il traverse alors une période d'inactivité pendant laquelle les différentes composantes de l'armée américaine se disputent la filière de développement des missiles balistiques. Durant cette période, les services secrets lui assignent deux hommes en permanence pour le garder et l'assister dans ses actes de la vie quotidienne en Amérique : il est soigneusement gardé en réserve. Finalement, von Braun et les scientifiques de son équipe sont transférés à Fort Bliss au Texas, une vaste base militaire de l'armée de terre : c'est donc la composante armée de terre des Forces armées des États-Unis qui développera la filière. Les domaines de compétence qui lui sont assignés sont : la poursuite des travaux allemands portant sur les missiles intermédiaires A9 et A10 pour développer un IRBM, un ICBM et un lanceur. Pendant son séjour à Fort Bliss, von Braun envoie une demande en mariage à sa jeune cousine, Maria Luise von Quistorp (née le 10 juin 1928). Autorisé à retourner en Allemagne, Wernher von Braun l'épouse le 3 mars 1947 en l'église luthérienne de Landshut. Le couple revient à New York, avec les parents de Maria, le 26 mars 1947. Il aura trois enfants : Iris (1948), Margrit (1952) et Peter (1960) von Braun. Le 15 avril 1955, von Braun acquiert la nationalité américaine. 

Responsable du programme de missiles balistiques de l'armée américaine

En 1950, il est nommé directeur technique du Redstone Arsenal établissement de l'armée de terre américaine situé à Huntsville (Alabama) pour la mise au point de missiles guidés. Il est à l'origine du missile Redstone, dérivé directement du V2 allemand, et premier missile balistique guidé de l'armée américaine, qui sera utilisé en 1961 pour le lancement des premiers astronautes américains. Il est nommé directeur des recherches de l'Agence pour les missiles balistiques de l'armée de terre américaine en 1956. Il assure la mise au point des missiles Pershing et Jupiter. Au milieu des années 1950, il collabore avec Walt Disney à un grand nombre de films éducatifs ayant pour thème le programme spatial américain, pour tenter de populariser le rêve de l'aventure spatiale : Man in Space et Man and the Moon en 1955, puis Mars and Beyond en 1957. Ces films attirèrent l'attention non seulement du public, mais aussi des responsables du programme spatial soviétique. 

Dès 1954, Wernher von Braun expose à l'American Rocket Society un projet de mise en orbite d'un satellite artificiel, en utilisant comme lanceur le missile Redstone ; l'armée de terre, dont dépend von Braun, soutient l'idée, et lance sur cette base le projet Orbiter. Mais le président Eisenhower ne place pas l'astronautique dans les priorités de son programme, et ne souhaite pas, en outre, que le lancement du premier satellite américain soit confié à une équipe majoritairement allemande. Le projet Orbiter est donc abandonné en août 1955, au profit du programme Vanguard, un programme concurrent qui dépend de la marine. Il faudra le succès de l'astronautique soviétique avec le lancement du premier satellite artificiel Spoutnik 1, le 4 octobre 1957, et l'échec cuisant du lancement du satellite TV-3 par la marine américaine et son lanceur Vanguard, le 6 décembre 1957, pour que von Braun revienne sur le devant de la scène, en prenant une part décisive dans le lancement du premier satellite artificiel américain (Explorer 1). 

Photo des membres de l'équipe de Wernher Von Braun à Fort Bliss en 1946.

Photo des membres de l'équipe de Wernher Von Braun à Fort Bliss en 1946.

Carrière à la Nasa : le développement de la fusée Saturn V

En 1958, l'agence spatiale américaine Nasa est fondée pour fédérer les efforts de recherche spatiale américains. Von Braun est nommé directeur du centre de vol spatial Marshall de l'agence (Huntsville, Alabama) et conservera ce poste stratégique jusqu'en 1970. Il participe aux programmes de vols habités Mercury et Gemini. Lorsque le programme Apollo est lancé par le président américain John Kennedy en 1961, von Braun prend en charge la conception de la fusée géante Saturn V, qui jouera un rôle essentiel dans la réussite des missions lunaires américaines. Responsable des programmes jusqu'en 1970, il devient administrateur adjoint de la Nasa cette même année. Mais, très vite, il est en désaccord avec les nouvelles orientations de l'agence : von Braun souhaite poursuivre l'exploration spatiale vers Mars, alors que la priorité est désormais donnée à la mise au point de la navette spatiale. En 1972, il quitte la Nasa et devient directeur adjoint de la société Fairchild Engine & Airplane Corporation. En 1975, il reçoit la National Medal of Science. 

Mort

Le 16 juin 1977, Wernher von Braun meurt des suites d'un cancer du foie à Alexandria (Virginie). Le premier vol de la navette spatiale Enterprise, prévu le jour même, a été reporté au lendemain en considération de cet événement. 

Relation avec le nazisme

Von Braun a eu une relation complexe et ambivalente avec le régime nazi. Il est devenu par commodité, dit-il, membre du NSDAP le 12 novembre 1937 sous le no 5 738 6921. Reçu et félicité par Hitler en personne, il rejoint en 1940 la SS avec le grade de SS-Untersturmführer et le no 185 068 : après trois promotions, il atteint en juin 1943 le grade de SS-Sturmbannführer. Il prétend l'avoir fait par nécessité pour pouvoir continuer ses recherches d'ingénieur et affirme n'avoir porté que quelques fois l'uniforme SS, ce que des témoins de Peenemünde confirment. Il existe d'ailleurs une photo où il est en uniforme SS aux côtés de Himmler. Il s'est dit ignorant des conditions de travail inhumaines des déportés, autant dans les tunnels de Peenemünde, qui est situé sur l'île Usedom en mer Baltique et donc à des centaines de kilomètres de l'usine proche de Nordhausen en Thuringe, où il travaillait, que du camp de concentration de Dora, situé à proximité, ce qui est une invraisemblance manifeste. Pourtant von Braun reconnaissait « Beaucoup de ces détenus étaient dans un état effroyable de dénutrition. Je ne veux ni ne peux le nier. Les affamait-on systématiquement, comme on l'a souvent répété, pour les exterminer progressivement » (tiré de l'ouvrage : Wernher von Braun par Bernd Ruland, page 152). Après certaines tensions avec la Gestapo qui craint son départ pour l'Angleterre en mars 1944, il rentre en grâce et reçoit la croix du Mérite de guerre le 29 octobre 1944. Il ne se livrera aux Américains qu'après la mort de Hitler le 2 mai 1945.

La fabrication des V2 fera plus de morts (plus de vingt mille prisonniers ont perdu la vie à Dora) que leur utilisation comme arme. Dans son livre autobiographique, Wernher von Braun n'admet pas de responsabilité, minimisant sa position dans le camp. Il affirmera toujours n'avoir rien su de la souffrance des déportés et des morts de Dora-Mittelbau. D'après le Hollandais Albert van Dijk, survivant du camp, cette ignorance est invraisemblable. Tom Gehrels, astronome néerlando-américain, membre de la résistance néerlandaise pendant la Seconde Guerre mondiale a interrogé des prisonniers survivants. Il affirme dans la revue Nature à l'occasion d'un commentaire sur un ouvrage faisant référence à von Braun que ce dernier ne pouvait ignorer la situation des déportés : « Von Braun arrivait le matin accompagné d'une femme non identifiée, il devait enjamber les corps des prisonniers morts et passer sous d'autres corps suspendus à une grue ». Dans De l'université aux camps de concentration, Charles Sadron, scientifique déporté à Dora en février 1944, a écrit, concernant Wernher von Braun : « Je dois, cependant, satisfaire à la vérité en signalant que j'ai rencontré un homme qui a eu, vis-à-vis de moi, une attitude presque généreuse. Il s'agit du professeur von Braun, l'un des membres de l'état-major technique qui mit au point les torpilles aériennes. Von Braun est venu me voir à l'atelier. C'est un homme jeune, d'aspect très germanique, et qui parle parfaitement le français. Il m'a exprimé, en termes courtois et mesurés, son regret de voir un professeur français dans un tel état de misère, puis il m'a proposé de venir travailler dans son laboratoire. Certes, il ne peut être question pour moi d'accepter. Je refuse brutalement. Von Braun s'excuse et sourit en s'éloignant. J'apprendrai plus tard qu'en dépit de mon refus, il aura essayé quand même plusieurs fois d'améliorer mon sort, en vain d'ailleurs. » Lorsque Charles Sadron parle de son « atelier », il s'agit des tunnels dans lesquels travaillaient, vivaient dans des conditions inhumaines et mouraient beaucoup de déportés. 

Ouvrages

En 1958, Wernher von Braun a publié à New York First Men to the Moon aux éditions Holt, Rinehart & Winston. Cet ouvrage a été traduit en français par Catherine Imbert et publié en 1961 sous le nom Les Premiers Hommes sur la Lune aux éditions Albin Michel (89 pages). En 1968, il publie Space Frontier également chez Holt, Rinehart & Winston, compilation d'articles de vulgarisation publiés dans la revue Popular Science entre 1963 et 1965. Cet ouvrage a été traduit par Charles-Noël Martin et Jean-Émile Charon et publié en 1969 aux éditions Planète sous le titre Voici l'espace. 

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