Guingouin Georges
Georges Guingouin, né le 2 février 1913 à Magnac-Laval en Haute-Vienne et mort le 27 octobre 2005 à Troyes, est un résistant et militant communiste français. Militant jusqu'en 1952 du Parti communiste français (PCF), il joue un rôle de premier plan dans la Résistance, en dirigeant le maquis de la montagne limousine sous le nom de « Raoul ». Ses camarades le surnomment « lou Grand » ou le « Préfet du Maquis »), tandis que De Gaulle l'a défini comme « l’une des plus belles figures de la Résistance » et l'a fait Compagnon de la Libération, l'un des rares communistes dans ce cas (12 sur 1 053 récipiendaires). Après la Libération, il est mis en cause par des personnalités ayant collaboré avec le régime de Vichy, pour exactions commises sous son autorité durant l'« épuration sauvage » en 1944. Sa condamnation à une peine d'emprisonnement entraîne la fin de sa carrière politique puis son éviction du PCF. Il est toutefois innocenté en 1959.
Le père de Georges Guingouin, (qu'il n'a jamais connu), sous-officier de carrière, est tué dans la région de Bapaume le 28 août 1914. Sa mère, fille d'un ouvrier porcelainier, est directrice d'école primaire. Guingouin est d'abord élève à l'école primaire supérieure de Bellac (Haute-Vienne), puis il est admis à l'école normale d'instituteurs de Limoges de 1931 à 1934. Il part accomplir son service militaire en 1934 : titulaire du fascicule no 6 lui demandant de rejoindre le centre de mobilisation, il est secrétaire d'état-major à la 6e Compagnie du train à l'École militaire à Paris. Après son service, il est nommé, en octobre 1935 à 22 ans, instituteur à Saint-Gilles-les-Forêts (Haute-Vienne). Ce jeune instituteur est très préoccupé par l’engagement politique. Converti au communisme à l’école normale, il adhère au parti communiste en 1935, devient secrétaire général du « rayon » d'Eymoutiers, qui regroupe alors cinq cantons ruraux de l'Est du département. Il devient alors secrétaire de mairie du village de Saint-Gilles-les-Forêts et devient le principal animateur du Parti communiste dans le « rayon » d’Eymoutiers.
Il a une taille inhabituelle pour l'époque et dégage une impression de puissance tranquille, de solidité et aussi d'obstination. Il est taillé en force, massif, le visage épais, le cheveu planté dru, les épaules lourdes. Il écrit des articles de politique étrangère dans l'hebdomadaire du Parti, Le Travailleur du Centre. « En pleine effervescence, grâce notamment à l’action des leaders paysans du PCF, Renaud Jean et Marius Vazeilles, le communisme rural obtient de bons scores et de nombreux candidats ruraux sont élus lors des élections de 1936 » confirme l'historien Max Lagarrigue et ajoute : « Guingouin prend la direction de la campagne électorale pour son rayon. Son action lui vaut d’être nommé au comité fédéral puis au bureau régional du PCF ». À l'occasion de la préparation des élections de 1936 par le parti, apparaît une première divergence fondamentale, le rejet par la direction de la candidature d'un militant de base.
Ce dernier, Marcel Lenoble, étant soutenu par Guingouin ; la direction fédérale lui aurait préféré un apparatchik, Citerne. Guingouin fut assez persuasif pour imposer son ami Lenoble, qui eut de bons résultats. Citerne fut finalement candidat dans la circonscription Nord, où il eut des résultats décevants. Il prend le soin avant son départ pour l'armée [comprendre « pour la guerre » fin 1939 et non service militaire] de camoufler dans la grange d'un camarade de Saint-Gilles-les-Forêts, la Ronéo et la machine à écrire du rayon avec un stock important de papier, de stencils et d'encre, il détruit des archives et, en particulier, les listes d'adhérents des cellules régionales… Précautions fort sages : quand les inspecteurs de police viennent perquisitionner chez lui pendant qu'il est au front, ils doivent s'en retourner bredouilles !
Mobilisé le 23 août 1939 comme soldat de 2e classe, au groupe de transport 120/124, il est blessé le 17 juin 1940 à l'arcade sourcilière gauche, coupure à la langue, il est évacué le 18 juin 1940 et soigné à l'hôpital militaire Sainte-Madeleine de Moulins (Allier). La ville étant attaquée par les Allemands, il quitte volontairement ces lieux pour éviter d'être arrêté, après avoir été informé d'une visite de gendarmes pétainistes, et rejoint sous la mitraille le poste de secours d'un groupe d'infanterie tout proche en traversant les jardins de l'hôpital grâce aux tranchées-abris creusées dans ceux-ci suivi d'un autre blessé… et se fait évacuer vers Montluçon. De retour à Saint-Gilles-les-Forêts par ses propres moyens, empruntant des lignes régulières d'autocars, il retrouve son foyer et ses amis. Il est soigné par un médecin d'Eymoutiers le docteur Jules Fraisseix (maire PCF révoqué). Après une convalescence de vingt jours, il reprend dans la clandestinité ses activités de militant communiste sous le pseudonyme de Raoul et rédige et diffuse en août 1940 un « appel à la lutte armée» contre l'occupant.
Ses problèmes avec le gouvernement de Vichy sont liés, non à son appartenance au PCF, mais à ses activités « illégales » ; en effet, profitant de son rôle de secrétaire de mairie, il fabrique des faux papiers grâce aux registres d'état civil de personnes nées à Saint-Gilles, mais ayant quitté le village. Une seule précaution, mais impérative : la personne munie de tels papiers ne doit porter sur elle aucun document compromettant, car, en cas de fouille, la police aura tôt fait de retrouver l'officine de faux papiers. Ayant quand même été repéré et prévenu qu'il allait être arrêté, il s'enfuit et entre ainsi dans la clandestinité. En septembre 1940, suspendu par le rectorat de ses fonctions d'enseignant, il reprend contact avec l'appareil clandestin du Parti et devient secrétaire fédéral de la Haute-Vienne. Il décide toutefois de ne pas diffuser le no 9 du bulletin La Vie du parti (septembre 1940) qui déclare entre autres : « Nous devons être sans haine vis-à-vis des soldats allemands. Nous sommes contre de Gaulle et le clan capitaliste dont les intérêts sont liés à Vichy ».
La fondation en janvier 1941 du Travailleur limousin
Georges Guingouin publie en janvier 1941 le premier numéro du Travailleur limousin, un journal clandestin. Il écrit plus tard qu'il s'abstenait de toute attaque contre de Gaulle et le Royaume-Uni, s'écartant ainsi de la ligne officielle du parti. En février 1941, il échappe de peu aux inspecteurs de police venus l'arrêter à son domicile. En avril 1941, apprenant qu'il était de nouveau recherché en Haute-Vienne, il quitte le département et prend le maquis en Corrèze aux « Plaines » à Soudaine-Lavinadière, en habitant un jour chez un camarade qui vit dans une maison isolée avec ses deux filles, un autre jour dans des cahutes faites de rondins de bois, dans des maisons inhabitées, ou même dans des souterrains. Les conditions de vie sont très dures. Il organise des distributions massives de tracts qu'il rédige et imprime avec sa Ronéo et les fait distribuer dans les foires régionales. Il obtient une fausse identité, celle d'un neveu du camarade communiste chez qui il habite, André Dupuy, parti de la région vers l'âge de neuf ans, en se rappelant impérativement qu'il a deux sœurs.
Le vol de 210 cartes d'alimentation en septembre 1941
En septembre 1941, pour contrer les vols de cartes d'alimentation et mettre en difficulté les membres de l'appareil clandestin du PCF dans les centres urbains, le gouvernement de Vichy décide d'imprimer de nouvelles cartes d'un modèle différent, qui doivent entrer en vigueur le 1er janvier 1942. Un seul moyen pour s'en procurer : faire un prélèvement avant distribution, dans les mairies, où elles sont déjà en dépôt, à condition de bien connaître les lieux. Guingouin pense tout de suite à son ancienne mairie de Saint-Gilles-les-Forêts. Les gendarmes multiplient les patrouilles la nuit, il faut être armé. Guingouin, à la tête d'un groupe de résistants, organise dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1941 la première récupération à main armée de cartes d'alimentation en cambriolant la mairie de Saint-Gilles-les-Forêts, récupérant un paquet de 210 cartes, les feuillets trimestriels de tickets, le cachet de la mairie (pouvant plus tard être modifié pour resservir) et des documents importants. Cela lui vaudra d'être condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité par le tribunal militaire de la 12e région le 26 janvier 1942. À partir de ce moment-là, les vols se multiplièrent dans la région et au-delà, le plus retentissant étant celui de Tulle le 26 juin 1943, par les F.T.P qui volèrent les tickets trimestriels destinés à tout le département de la Corrèze.
Fondation des Francs-Tireurs et Partisans
Georges Guingouin baptise ses premiers groupes armés de Châteauneuf, les « Francs-Tireurs et Partisans » et crée « la Brigade de marche limousine » structurée en compagnies et bataillons à une époque où les groupes de Francs-tireurs et partisans (FTP) n'existent pas encore. À la fois chef et soldat, il va diriger personnellement de nombreuses actions de sabotage contre les moyens de transports et d'usines stratégiques pour l'occupant. Ses relations avec le Parti deviennent tendues. Par la suite, il intègre physiquement les Francs-tireurs et partisans. Le 25 janvier 1943, il organise un vol d'explosifs de nuit, dans la poudrière de la mine de la Société WOLFRAM exploitant de la Wolframite (minerai de tungstène) située à proximité de Saint-Léonard-de-Noblat en dérobant 47 caisses de dynamite, soit 1 772 kg, avec l'aide de camarades de son organisation.
Malgré des gardes renforcées, deux autres raids auront lieu à la mine de Puy-les-Vignes, les 15 et 17 mars 1944 pour se procurer du matériel complémentaire, cordons de mèches lentes, détonateurs, « crayons » retardateurs de mise à feu, etc. Les autorités occupantes s'inquiéteront de ces audacieux coups de main, lourds de menaces pour elles, et une compagnie de la Wehrmacht viendra cantonner à la mine pour en assurer la protection. Mais les vols d'explosifs continuent dans la région de Cussac avec, le 17 mai 1943, 45 kg de Cheddite chez un carrier et, à Bersac, le 30 septembre 1943, 30 kg de dynamite. L'exemple entraîne l'émulation et joue un rôle important dans la guerre des partisans contre l'occupant.
Premières divergences internes au PCF
En mars 1942, ses premières distributions de tracts sur les marchés sans avoir consulté la direction locale du PCF lui sont reprochés. Puis Gabriel Roucaute, l'un des représentants de la direction du Parti en zone sud, qui s'était étonné de son identité, selon Philippe Robrieux10, lui demande solennellement de déplacer son action à Limoges. Guingouin refuse, pour ne pas abandonner les hommes qu'il a organisés en groupes de combat. Roucaute le relève de ses fonctions, le privant ainsi de tout soutien matériel et financier. En août 1943, le sabotage des batteuses agricoles est sévèrement critiqué au sein du PCF, où le responsable départemental Charles Nédélec pense qu'il "va se mettre les paysans à dos" alors qu'ils vont finalement l'imiter, et Guingouin refuse l'ordre du PCF de quitter la région, reprochant à Charles Nédélec, qui au cours de l’année 1942 avait été rappelé à Paris en vue des accords du Perreux de réunification de la CGT de 1943, son « travail de bureaucrate » et sa « manière de discréditer les copains qui travaillent dans les pires conditions ».
Fernand Dupuy, futur secrétaire particulier de Thorez, est chargé de défendre les demandes de Nédelec. Le mois suivant, Georges Guingouin dit avoir démasqué un ancien des Brigades internationales infiltré dans ses troupes pour l’assassiner, Pierre Lerouge. De nombreux témoignages des proches de Guingouin confirment sa présence mais pas cet objectif. La divergence précoce entre Guingouin et le Parti sera contestée par Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre au vu d'archives qui attesteraient l'absence de différends avant avril 1942. Georges Beyer, membre du comité central du PCF jusqu'à son éviction en 1950, et beau-frère du commandant en chef des FTP Charles Tillon, va ensuite transmettre à Gingouin l'ordre de la direction du PCF de ne pas réaliser la fusion des différents mouvements armés de la région du Centre.
La Croix Chevaux, camp secret des Partisans
Surnommé « Lo Grand » (Le Grand, lo se prononce lou en occitan) par les paysans, sa taille étant inhabituelle pour l'époque, Georges Guingouin organise ses premiers groupes de maquisards. Dans la forêt de Châteauneuf, au lieu-dit « La Croix Chevaux », les partisans ont établi leur campement et des abris pour y vivre. Cette forêt s'étend sur 14 kilomètres. Sa largeur varie de 4 à 10 kilomètres. Il est difficile de s'y orienter. Tout y est pour se cacher, de nombreuses sources vives, des fourrés inextricables. Ce camp est rigoureusement secret. Jamais une liaison n'y arrive. Les contacts ont lieu ailleurs pour le recrutement. En général, ce sont des gars de la région que l'on connaît.
De ce fait aucun mouchard ne pourra s'infiltrer. Par mesure de prudence, au cours de l'été 1943, le camp essaimera sur d'autres versants de la forêt. En septembre, trois camps voisins seront créés, au lieu-dit « Les Trois Hêtres », afin de s'épauler en cas d'attaque. Les conditions de vie sont dures: pommes de terre et eau claire aux débuts. Des vols de légumes ont lieu dans des jardins et des fermes. Ensuite ils seront ravitaillés par des connaissances paysannes ralliées à leur cause, en légumes, viandes, pain frais et vins. Toutes les randonnées se feront à pied par des chemins tortueux la nuit et retour au petit jour pour ne pas être repéré.
Georges Guingouin se fait appeler le « préfet du maquis » car il écrit, signe et édite des lettres, affiches et tracts subversifs clandestins critiquant avec virulence et énonçant des règles de résistance au régime de Vichy, notamment pour lutter contre les bas prix des réquisitions. Du blé récupéré est redistribué à la population comme le stipulent des affiches clandestines placardées dans la région signée « Préfet du Maquis ». Le 12 décembre 1942, Georges Guingouin donne le signal d'une campagne qui empêchera la livraison de fourrage aux Allemands en faisant détruire dans toute la région des presses à fourrage du Ravitaillement général destinées aux réquisitions de foin imposées par le gouvernement de Vichy. À 2 h du matin, Guingouin se rend seul avec une bombe artisanale et détruit la botteleuse stationnée sur un quai dans la gare d'Eymoutiers face à la gendarmerie. L'armée allemande utilise encore de nombreux moyens hippomobiles. Le bruit est terrible et va réveiller tout le quartier (une plaque commémorant cette action est apposée sur la façade de la gare côté rue). Un rapport détaillé du Commissaire divisionnaire Chauvin daté du 13 décembre 1942 est transmis aux autorités de police judiciaire régionale ; il conclut « Jusqu'à présent, aucun indice ni soupçon ». La botteleuse de Meymac sautera le 15 décembre. Le Ravitaillement général envoie une autre botteleuse à Eymoutiers. Les paysans doivent de nouveau apporter du fourrage. Bien qu'elle soit gardée la nuit, à 21 heures, le 16 février 1943, la seconde botteleuse saute. Sauteront aussi celles de La Croisille et de Nedde, opérations exécutées par deux groupes de trois hommes. Les rondes de gendarmerie étant de plus en plus fréquentes, Guingouin constitue une unité fixe, la « 1re brigade de marche limousine », et des unités « volantes » de trois à quatre hommes, qui se dispersent très rapidement et sont difficilement repérables.
Le 16 février 1943, de nouveaux décrets sont pris par le gouvernement de Vichy, instituant le STO - (Service du Travail Obligatoire). Les classes 39, 40, 41 en partie et la classe 42 en totalité sont concernées. En mars 1943, un convoi doit partir de la gare d'Eymoutiers pour l'Allemagne. De jeunes agriculteurs et des bûcherons ont reçu leurs convocations des mains des gendarmes. Intégrés à des groupes clandestins de résistants, ils sont bien décidés à ne pas partir. Il faut frapper un grand coup, empêcher le convoi de partir, en faisant sauter un ouvrage sur la ligne de chemin de fer. L'objectif est vite trouvé. Un viaduc enjambe la vallée. C'est l'endroit rêvé pour couper la ligne SNCF de façon durable. Par la même occasion, on fera sauter le canal d'amenée de la centrale hydroélectrique de Bussy qui un moment longe la voie ferrée. À la nuit tombée, neuf hommes, dont Guingouin, se trouvent au pied du viaduc, en ayant apporté un tube en fonte contenant 30 kg de dynamite. La charge est placée dans un petit canal situé en haut d'une pile recevant les eaux pluviales de la voie ferrée. À 2 h 30, dans un fracas de tonnerre, la pile s'effondre, entraînant deux arches du viaduc de Bussy-Varache sur la ligne Limoges-Ussel, dans la nuit du 13 mars 1943 ; les dégâts sont très importants : les rails et traverses de la voie ferrée pendent dans le vide et l'ouvrage ne sera pas réparé avant la fin de la guerre, ce qui gênera considérablement les troupes d'occupation.
Dans la région de Limoges se trouve une usine de régénération de caoutchouc essentielle pour l'économie allemande, produisant 15 à 20 tonnes par jour. Dans la nuit du 9 mai 1943, à la demande des Anglais, Guingouin dirige personnellement un commando de six hommes dont un ouvrier de l'usine qui coupe la ligne téléphonique, Guingouin profitant de la pause des surveillants à minuit se faufile entre les bâtiments et met une bombe dans le foyer de chacune des deux chaudières des Éts Wattelez et Cie (usine de Puy Moulinier) du Palais-sur-Vienne, qui régénérait depuis 1921 du caoutchouc avec des vieux pneus usagés. À l'aube, grâce à un système de cartouches à retardement, juste avant la rentrée des ouvriers, les deux générateurs seront détruits, et feront ainsi perdre pendant cinq mois à l'économie allemande la production de la deuxième usine de caoutchouc de France. Au retour, les deux Tractions AV du commando ayant pris du retard sur l'opération, phares allumés, sont repérées de loin dans la nuit et échappent de peu à un barrage de Gendarmerie, en le forçant tous feux éteints. Guingouin au volant avec trois hommes dans la première voiture, mitraillettes à la portière, ne donne aucun coup de feu. Les gendarmes par contre ripostent en ouvrant le feu sur sa voiture. L'embuscade fait un mort, un gendarme tué par Guingouin, descendu de sa voiture pour protéger le passage de la deuxième. Malgré des impacts de balles sur la carrosserie des deux voitures, personne ne sera touché, un miracle. Le retour vers leurs caches dans la forêt de Châteauneuf sera difficile et se fera en plusieurs étapes, en cachant leurs véhicules dans des cours de ferme, grâce à des relations paysannes acquises à leurs causes. Avec ce nouveau coup d'éclat, une partie de la population se rend compte de la force et de l'organisation des réseaux clandestins de résistants, ce qui aura pour conséquence une nouvelle arrivée de jeunes hommes réfractaires au STO.
Le 14 juillet 1943, c'est un véritable raid militaire qui va être organisé, avec la coupure et la destruction du câble souterrain de téléphone reliant, via Limoges-Eymoutiers-Ussel-Clermont-Ferrand, la base sous-marine de Bordeaux occupée par les allemands, et l'État-Major de la Kriegsmarine à Berlin. Les forces de police ont la rage au ventre… Les sabotages se succèdent, mais les enquêtes sont au point mort. La population se tait, mais applaudit à tout ce carnage. Sous la direction du général Bois aux ordres de Vichy, 15 escadrons de la Garde républicaine, 12 escadrons de Groupes mobiles de réserve et des forces supplétives de la gendarmerie sont envoyés pour le maintien de l'ordre dans le Limousin, sans grand résultat. En août 1943, Georges Guingouin entreprend à nouveau d'empêcher les récoltes et donc les réquisitions, et stopper les livraisons de blé aux Allemands en détruisant la nuit à l'explosif des batteuses repérées dans des fermes ; à la suite de cette action, les Allemands appellent le Limousin « la petite Russie ».
Mi-septembre étant arrivé avec bientôt la fin des grandes vacances, l'instituteur de Saint-Gilles-les-Forêts se prépare pour reprendre ses fonctions dans la classe de l'école communale, mais il reste sur ses gardes. Craignant une arrestation à l'aube, il ne couche plus chez lui. Il a prévu aussi la possibilité d'être appréhendé pendant son travail devant ses élèves: c'est pourquoi il a soin de toujours laisser une fenêtre ouverte à l'opposé de la porte d'entrée de sa classe. Les bruits des voitures sont rares à Saint-Gilles : à la moindre alerte, il peut sauter par la fenêtre et courir vers le petit bois situé à proximité qui sera vite atteint… Comme « préfet du maquis », il réglemente également les barèmes agricoles ainsi que les taux de blutage pour la fabrication du pain, ceci afin de contrer la vente sur le marché noir et les nombreuses tricheries et magouilles. À la même époque, il reçoit les premiers parachutages de nuit, d'armes du SOE anglais dans des conteneurs métalliques cylindriques largués en parachute sur des prairies repérées par ses unités.
Le percepteur d'Eymoutiers, Mr Raillitte, un ami de la Résistance, accepte de fournir des renseignements précieux pour se procurer de l'argent. "Le 6 décembre 1943, des sacs postaux seront envoyés par le tramway départemental 401". Un groupe de 8 à 9 individus va tendre une embuscade en barrant la route avec un autocar détourné de sa ligne régulière Chamberet-Eymoutiers, laissant croire à une panne mécanique sur la voie du tramway, pour faire arrêter la rame à Saint-Bonnet-sur-Briance, et enlever tous les sacs postaux présents. Sont ainsi acquis facilement 450 000 francs par la Résistance. La Brigade de Gendarmerie de Châteauneuf-la-Forêt va immédiatement ouvrir une enquête en contactant un peloton de gardes mis sur pieds pour enquêter, mais les coupables, une nouvelle fois, ne seront pas rejoints. D'autres coups de force seront faits dans la région, au Trésor public et Perception, Recettes des PTT, Succursales de Banque…
Pendant le mois de janvier 1944, la zone d'influence du maquis, montée d'un cran, couvre maintenant toute la partie Est de la Haute-Vienne. Guingouin réunit secrètement au « château de Ribérie », situé au bas de la colline de Saint-Gilles, annexé par son organisation (avec la complicité des fermiers qui sont des amis du maquis, et le propriétaire faisant mine de ne rien savoir en fermant les yeux), un détachement de 120 volontaires pour une formation et un entraînement paramilitaire avec des formateurs de premier plan. Des sous-officiers de carrière vont former l'encadrement pour des raids de plus en plus élaborés. L'entraînement se fait à tir réel. Dans la région la population est toute acquise au maquis. Une fois formés, des groupes affrontent une nouvelle fois les forces de l'ordre de Vichy lors de nombreuses attaques et embuscades : au château de Farsac le 5 février 1944, une embuscade avec l'arrivée d'une patrouille allemande tourne mal, plusieurs maquisards cachés dans des bâtiments agricoles seront tués où blessés en voulant s'échapper, dans les combats de La Ribéyrie le 11 février 1944, de Plainartige en avril 1944 et de Martoulet en mai 1944.
À la suite de ces événements, début avril 1944, la division allemande du général Brehmer est envoyée dans la région pour lutter contre ces « terroristes » en attaquant de petits groupes du fief de Guingouin qui, se sentant trop faible, refuse le combat et fait disperser ses troupes dans la nature. À partir de février-mars 1944, des affiches clandestines apparaissent sur les murs de certaines villes comme Saint-Léonard, Eymoutiers, Panazol, avertissant la population que certains vols et actes de pillage commis récemment dans les environs ne sont pas l'œuvre du maquis qui les réprouvent et en recherche les auteurs pour les punir. Il apparaît que l'ordre a changé de bord, même pour ceux qui, revêtus de leurs uniformes sont chargés de le maintenir. Ce qui permet aux quelques gendarmes résistants de convaincre leurs collègues d'établir dans un premier temps un modus vivendi avec le maquis, en attendant de prendre part aux combats, les armes à la main pour aider la Résistance locale. Les enquêtes d'usage ne sont pas poussées : pour la distribution de tracts par exemple, alors que ce sont les femmes de certains gendarmes qui en ont effectué la distribution. Certains membres de brigades de gendarmerie collaborent de plus en plus secrètement avec la Résistance.
Lors de la formation des M.U.R. (Mouvements unis de la Résistance), l'instituteur Jean Sénamaud est désigné comme responsable de cette organisation à Bellac, puis dans le secteur D. « Reconnu » dans ses fonctions par le gouvernement provisoire de la République Française, à partir du printemps 1944, Georges Guingouin est davantage en contact avec le délégué militaire régional représentant le Général De Gaulle qu'avec les responsables régionaux des M.U.R. « Quelques semaines avant la Libération, dira-t-il plus tard, notre organisation armée comprenait une douzaine de maquis, bien pourvus en armes légères, dont le plus petit comptait 2 sections et le plus important 7 sections de 30 hommes. En tout, un effectif de plus de 40 sections de 30 hommes assez efficaces dans les combats de guérilla. »
En mai 1944, la Haute-Vienne compte environ plus de 8 500 hommes armés organisés en groupes volants de 4 hommes. C'est le département qui en compte le plus dans toute la France. Après la fusion des mouvements de résistance Armée secrète avec 4 100 individus, ORA avec 1 050 individus et FTPF avec 3 600 individus, pour former les FFI avec 8 750 individus, dont Georges Guingouin et un officier de l'Armée secrète assurent le commandement dans le département, les structures de la Résistance armée demeurent toutefois confuses, puisqu'en dépit de l'organisation commune, les FTPF ont conservé la possibilité d'agir de façon relativement autonome. Des photos de ce maquis et de son chef ont été prises à l'époque par le photographe Izis Bidermanas qui avait pris les armes avec lui.
Après le débarquement en Normandie du 6 juin 1944, tous les maquisards valides de la Haute-Vienne sont mobilisés pour effectuer avec acharnement et courage le plus grand nombre possibles de sabotages, afin de paralyser les communications allemandes, avec des plastiquages de voies ferrées provoquant des déraillements, des destructions de ponts routiers coupant les voies de communications, des sabotages et coupures de lignes téléphoniques, etc. Le 9/6/1944, un pont à Saint-Denis-des-Murs sur La Combade datant de 1868 est détruit à l'explosif par la résistance locale pour ralentir la remontée de la division Waffen SS Das Reich. Le Pont du Râteau à proximité sur La Vienne (rivière française) subira le même sort et conduira le lendemain à faire 8 prisonniers en représailles à Masléon dont 6 vont mourir en déportation à Dachau. La division SS Das Reich (exactement 2e PzD SS), qui a quitté le Tarn-et-Garonne pour rejoindre la Normandie est attaquée plusieurs fois dans sa progression, pour atteindre Limoges le 9 juin 1944 dans l'après-midi.
Des résistants tiennent tête à la division en subissant plusieurs attaques aériennes et au sol. Le 9 juin au soir, des maquisards de la « 1re Brigade du Limousin » capturent le SS-Sturmbannführer (commandant) Helmut Kämpfe, considéré comme le « héros » de la division. Il existe une stèle sur la commune de Moissannes un monolithe en granit qui rappelle la capture le 9 juin 1944 de Helmut Kämpfe. Inauguré en 1986, par Georges Guingouin. Dès le milieu des années 80, des artistes locaux et renommés tels que Jean-Joseph Sanfourche, Marc Petit et Pierre Digan consacre leur art au service du devoir de mémoire commémorative en Limousin. Le 10 juin, un détachement de cette division, la troisième compagnie, menée par le commandant Adolf Diekmann et le capitaine Otto Kahn, cherche et essaye de retrouver Kämpfe, qui pourrait être séquestré par des maquisards (terroristes pour les Allemands) dans un des bourgs autour de Limoges ; leurs longues recherches étant vaines, l'ordre est donné pour se venger, du massacre d'Oradour-sur-Glane.
Le colonel Sylvester Stadler, chef du 3e régiment Der Führer, demande en vain avec l'aide d'un maquisard relâché, sa libération en échange de 40 résistants emprisonnés et la somme de 40 000 francs. Georges Guingouin, qui a eu connaissance du massacre d'Oradour-sur-Glane, refuse ; le SS-Sturmbannführer enlevé et prisonnier est exécuté sur-le-champ par des maquisards, ce qui entraîne de nouvelles représailles, mais va faire perdre 48 heures à la Division Das Reich, laquelle ne repartira de Limoges vers la Normandie que le 12 au matin. Ce retard de 3 jours sera considéré par le Général Eisenhower comme un élément important et déterminant dans l'issue de la bataille de Normandie, en retardant de plusieurs jours l'arrivée de renforts allemands. Pendant ce temps des groupes très actifs de Guingouin réussissent à libérer les internés des camps de Saint-Paul-d'Eyjeaux et de Nexon leur évitant la mort ou la déportation.
Au début du mois de juillet 1944, Georges Guingouin avait été averti qu'une offensive allemande se préparait contre le maquis qu'il dirigeait. Le 18, la « 1re Brigade » de Guingouin est attaquée par la brigade allemande du général Von Jesser arrivée sur les lieux, forte d'environ 500 véhicules divers, appuyée par divers renforts, ce qui déclenche la bataille du Mont Gargan qui prend fin le 24 juillet : les maquisards de Guingouin perdent 97 hommes (38 morts, 5 disparus et 54 blessés), contre 342 tués ou blessés pour les Allemands. C'est l'un des rares combats de la Résistance de l'intérieur dans une bataille rangée face à l'adversaire. Une stèle gravée, érigée au sommet de cette colline, est devenue un lieu de mémoire où, tous les ans, une cérémonie est organisée pour le jour anniversaire de cette bataille.
Au début de juin 1944, Georges Guingouin avait reçu de Léon Mauvais, cadre important du Parti communiste, chef des FTP en zone sud, l'ordre de prendre Limoges. Il avait refusé, estimant l'action prématurée et dangereuse pour la population, citant pour justifier sa décision l'exemple tragique de la libération prématurée de Tulle (en représailles, 99 hommes avaient été pendus aux balcons des maisons et immeubles de l'artère principale de la ville et 139 autres déportés, dont 101 ne revinrent pas). Ce refus pèsera lourd, par la suite, dans les relations de Guingouin avec la hiérarchie du Parti communiste. Le 3 août 1944, le colonel Guingouin devient chef départemental des FFI de la Haute-Vienne. Le COMAC lui ayant ordonné de prendre Limoges, Guingouin à la tête de 8 000 hommes et avec l'aide d'une mission militaire interalliée prépare les opérations de libération de la ville et préfère l'encercler le 21 août en exigeant la capitulation de la garnison allemande.
Il fait recevoir par Jean d'Albis (agent consulaire suisse à Limoges de 1939 à 1951) un représentant du général Gleiniger, mais ce dernier doit faire face à une rébellion d'une partie du 19e régiment de police SS, qui refuse de se rendre, le faisant enlever et exécuter. Le capitaine Stoll, officier allemand, remettra par la suite l'acte de capitulation sans conditions de la garnison occupant la ville. La reddition se déroula sans la moindre effusion de sang. Guingouin, nommé lieutenant-colonel des Forces françaises de l'intérieur, entre à pied à la tête d'une colonne groupée de résistants dans Limoges libéré. Il est fier et au faîte de sa gloire lorsque, le 5 septembre 1944, il transmet ses pouvoirs au nouveau commissaire gaulliste de la République Pierre Boursicot, sans que les raisons en soient clairement explicitées.
Le plus souvent à la fin des années 1940 puis également dans la première partie des années 1950, quand le PCF réduit ou même cesse ses actions en leur faveur, plusieurs milliers d’anciens combattants des Forces françaises libres (FFI) et des Francs-tireurs et partisans (FTP) ont été inquiétés par la justice, sur fond d'instrumentalisation d'affaires impliquant des ex-maquisards, lors de procès qui se sont développés et constituent un épisode historique méconnu, montrant selon l'historien Fabrice Grenard, que « loin de faire l’objet d’une idéalisation unanime, la question de la Résistance et de ses actions continuait à diviser la société française après la guerre ».
Georges Guingouin sera accusé d'être directement ou indirectement responsable de certaines exactions par des résistants qui accompagnèrent la libération et l'épuration de Limoges et du Limousin par l'exécution de collaborateurs et de miliciens. En effet, un tribunal d'exception fut mis en place dès le 22 août 1944 à l'initiative de Georges Guingouin, et supervisé par Jean Chaintron, qui deviendra préfet : 300 personnes comparaissent devant cette cour de justice improvisée, du 24 août au 14 septembre ; 74 sont condamnées à mort et exécutées. Dans les années 1950, plusieurs de ces condamnations « expéditives » seront rejugées. Quatre seront cassées, selon le quotidien régional socialiste Le Populaire du Centre qui a repris en 1953 des accusations similaires du journal L'Époque, pourtant jugées diffamatoires les 4 avril et 15 octobre 1946 par le tribunal correctionnel de Limoges, jugement confirmé en appel à Grenoble le 19 mai 1947.
Guingouin, à la suite de rumeurs, fut aussi accusé dans une affaire d'appropriation du magot d'un ancien chantier de jeunesse à Chamberet (Corrèze) qui devait se solder par six exécutions sommaires (dont trois membres de l'Armée secrète). L'écrivain Henri Amouroux a ensuite déclaré en 2006 lors d'une conférence, que le tribunal de Limoges, présidé par un capitaine FTP de 25 ans, assisté de deux lieutenants de 23 ans, jugea et condamna à mort en une semaine 45 personnes dont une seule échappa au poteau (les premiers des accusés n'eurent pas de défenseurs). Citant Georges Guingouin, Henri Amouroux précise que ce tribunal « travaillait de six à douze heures par jour, les samedi et dimanche compris ». Selon des sources d'historiens, s’il y eut des exécutions décidées par le maquis, elles sont plus proches d'une quinzaine de cas, sur une période allant du printemps 1943 à la Libération et aux motifs liés au contexte de guerre.
La même année, le 19 mai 1947, la Cour d'appel de Grenoble prononce un arrêt condamnant dans des termes particulièrement sévères le journal L'Époque qui avait accusé dix-sept mois auparavant, Georges Guingouin, des pires crimes et exactions. On lit notamment dans les attendus : « La très mauvaise foi de l'auteur des articles résulte, avec une évidence invincible (sic), de l'ensemble des termes incriminés, de la perfidie des attaques (…) avec le désir manifeste de ruiner le prestige dont jouit Georges Guingouin ». La condamnation du journal est lourde : 10 000 F d'amende et 500 000 F de dommages et intérêts (somme considérable à l'époque).
L'élection en mai 1945
Le 20 novembre 1944, Georges Guingouin est grièvement blessé au cours d'un accident de voiture en évoquant le sabotage de son véhicule, une petite Simca, la direction ayant lâché dans un virage. Il est hospitalisé à Limoges. Il sera réformé en avril 1945 après une longue convalescence. Le 17 mai 1945, il est élu maire de Limoges sur une liste d'« Union républicaine et résistante », au terme d'une campagne électorale virulente. Georges Guingouin souhaite donner un nouvel élan à la ville de Limoges, à travers la construction d’infrastructures collectives. Dans un souci d’équiper la ville en équipements sportifs. Il décide, conjointement avec la Municipalité, d’y aménager un stade de Tennis et de Basket-Ball avec des tribunes, ainsi qu’un grand stade de football-rugby, dans la partie Sud-Est du Parc de Beaublanc. Commencés en mai 1946 pour le stade de Basket-Ball et de Tennis, les travaux sont terminés à la fin de l’année 1947.
Le stade de Basket-Ball et de Tennis a alors une capacité de 2600 places. Le retour aux affaires de Léon Betoulle ne casse pas la dynamique entreprise par l’équipe municipale de Guingouin. notre sport est orphelin d’une grande « salle couverte » municipale. Malgré les charges répétitives d’Albert Chaminade, secrétaire départementale de la FFBB, qui fut résistant et échappa à la Gestapo de Limoges plus tard il sera conseiller municipal de Louis Longequeue. Les charges de salle couverte ne suffiront pas à convaincre la municipalité SFIO de construire cet outil dont le Basket-Ball local a tellement besoin. Alors que le réseau de tramway électrique avait été modernisé de 1928 à 1932, la compagnie qui le gérait souhaitait depuis 1943 l’adoption du trolleybus, mais Guingouin souhaite de son côté mettre en place une régie municipale des transports.
Les accusations de 1953
Georges Guingouin est parallèlement peu à peu impliqué dans une « sombre affaire judiciaire sur laquelle circulent encore hypothèses et rumeurs », appelée aussi les "affaires" de Domps et Chamberet, où la presse locale, socialiste et d'extrême-droite, durcit peu à peu ses commentaires. Le dossier est à charge et monté de toutes pièces par d'anciens collaborateurs, que la guerre froide a fait rentrer en grâce, et qui veulent se venger49. L'affaire est confiée à Jacques Delmas-Goyon, un juge d'instruction de Tulle au passé pétainiste. Selon lui, interviennent aussi dans le dossier le juge Debord, d'une juridiction d’exception de Vichy, la Section spéciale, qui l'avait condamné par contumace aux travaux forcés le 27 juillet et le 16 octobre 1943, pour des faits de Résistance, et le juge Morer, réintégré un an après avoir été suspendu à la Libération pour des faits de collaboration. Deux paysans, Emmanuel Parrichoud et son fils Joseph, avaient été retrouvés morts criblés de balles le 27 novembre 1945, dans sa région, par un maquis noir. Des membres de la Résistance qui auraient agi sous son autorité sont accusés.
L'enquête sur le double meurtre s'était terminé par un non-lieu en octobre 1947 et en décembre 1948, tandis que dans la même région, un couple de paysans, Léonie et André Dutheil, et leurs fils avaient aussi été retrouvés mort mystérieusement avant la Libération51, abattus, dans la nuit du 4 au 5 juillet 1944, à coups de mitraillette et dépouillés de 100 000 francs par leurs anciens voisins, Pierre et Henri Pradoux. Un lien entre les deux événement criminels est défendu par l'inspecteur Caverivière51 et son adjoint André Halifa. Tous deux sont d'anciens collaborateurs qui avaient échappé à l'épuration après avoir traqué Guingouin sous l'occupation, le second ayant travaillé à l'enquête sur le vol de dynamite à Puy-les-Vignes. Ils s'appuient sur un témoin, simple d'esprit et alcoolique, qui dira plus tard avoir parlé sous la pression. Ce témoin affirme avoir vu par une fenêtre, le 26 novembre 1945, Guingouin et ses militants réunis en « conseil de guerre » préparant la tuerie de Domps. L'inspecteur Caverivière rend un rapport, le 30 janvier 1953, affirmant que les victimes du second massacre étaient décidés à dénoncer les coupables du premier. Comme dans l'Affaire Pronnier, l'accusé du second crime tente d'impliquer son cousin et d'apparaître comme de simples exécutants. Ils affirment qu'ils ont agi avec l'accord de leurs anciens chefs résistants, dont le colonel Georges Guingouin, qui dément et s'en défend vigoureusement. Le juge ne parvient cependant pas à déterminer s'il a "couvert" ces assassinats par son silence.
Le 10 octobre, le témoin François Lascaud affirme que trois personnes se sont vues la veille du second massacre puis affirme des semaines plus tard qu'il y avait dix personnes. Les incohérences de ses témoignages montrent que les enquêteurs cherchent par tous les moyens à impliquer Guingouin. Le 2 décembre 1953, un court article non signé dans Le Monde indique qu'après une « nouvelle et longue journée d'interrogatoires », un autre témoin, Pierre Magadoux, aurait fait des aveux selon lesquels il aurait été consulté et aurait « donné son accord » au meurtre d'Emmanuel Parrichoud et son fils Joseph en juillet 1945. Le quotidien indique que « deux complices de la bande » ex-proches de Georges Guingouin, ont quitté la France et « vont être rappelés pour être interrogés à leur tour ». Le surlendemain, un éditorial virulent du socialiste Jean Le Bail, dirigeant du quotidien Le Populaire du Centre, battu par Guingouin aux municipales de 1945 mais élu député de Limoges en 1946, marque le début d'une campagne de calomnies dans ce journal. Le 10 décembre, François Lascaud, parle même d'un "conseil de guerre" la veille des meurtres et la presse reprend ce terme, ce qui accélère l'enquête. L'alibi présenté aux jurés par René Pouzache et un autre officier FTP est ensuite remis en cause, Pouzache changeant d'avis et le second témoin étant à la guerre d'Indochine.
L'affaire des tickets de tramway
Ses relations avec le Parti se détériorent rapidement fin 1945. Lors d'une réunion en octobre, Guingouin n'est pas proposé comme candidat pour siéger au Comité central ni investi à la députation. À l'assemblée des élus municipaux communistes français, le 12 novembre 1945, il est l'objet d'une attaque de la part d'Auguste Gillot proche de Maurice Thorez et de Jacques Duclos, qui lui reprochent à tort d'avoir augmenté le tarif des tickets de tramway de Limoges. Guingouin n'a pas la possibilité de lui répondre faute de temps, la séance étant levée aussitôt. Le mois suivant, il perd ses responsabilités au sein de la fédération communiste de la Haute-Vienne, au motif qu'il a assez de travail avec sa mairie. De nombreuses cellules communistes réagissent et cessent immédiatement toute activité par solidarité. Le mouvement s'étend aux départements voisins : la Creuse, la Corrèze, la Dordogne… Aux élections municipales de 1947, Guingouin perd la mairie de Limoges au profit du socialiste Léon Betoulle, maire de Limoges avant-guerre, qui avait voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, tandis que son vieil adversaire, le socialiste SFIO Jean Le Bail, méprisé par tous les « authentiques résistants », est devenu député de la Haute-Vienne.
Contexte général
Georges Guingouin a été victime de la période de mise à l'écart de grands Résistants du PCF, comme celles, la même année, du député communiste André Marty, secrétaire de l'Internationale communiste de 1935 à 1943, et de Charles Tillon, chef des Francs-tireurs et partisans pour toute la France pendant la Seconde Guerre mondiale, puis celles en 1954 des deux leaders de la résistance dans le Nord-Pas-de-Calais, Auguste Lecœur et René Camphin, un troisième, Roger Pannequin ayant été exclu dès septembre 1953 après avoir été blâmé en 1951 lors de l'Affaire Pronnier sur la base d'un témoignage très controversé, auquel la Justice n'a pas donné crédit. L'historienne française Annie Kriegel y verra un désaccord entre dirigeants communistes précédant le décès de Staline en mars 1953 et Auguste Lecœur ou Philippe Robrieux un réflexe de défense de l'entourage de Maurice Thorez, qui n'avait de son côté pas la même légitimité historique, n'ayant pas participé à la Résistance française. L'éviction de Guingouin s'inscrit dans une phase de stalinisation du PCF, aggravée par le contexte géopolitique de l'été 1950, quand démarre la Guerre de Corée, à laquelle participe la France, en échange d'une aide financière importante des Etats-Unis pour faire face à une Guerre d'Indochine qui s'enlise et prend de l'ampleur, puis par les conflits historiographiques sur la Résistance, qui s'aggravent à partir du printemps 1951 lors de conflits éditoriaux, au moment où le Culte de la personnalité de Maurice Thorez ne décolle pas vraiment en France, malgré la publication à partir de novembre 1950 d'une autobiographie à sa gloire.
Le rapport d'octobre 1949 à Maurice Thorez
En 1949, Georges Guingouin pense encore être capable de discuter de la ligne du PCF sous l'Occupation, selon l'historien Fabrice Grenard, et y consacre un rapport critique, remis en octobre 1949 à Maurice Thorez. Alors que les crispations communistes sur l'histoire de la Seconde guerre mondiale sont en pleine aggravation, ce rapport scelle le sort de Georges Guingouin, tant la démarche choque en haut-lieu. Cependant, en février 1950, il semble être rentré dans les grâces du PCF, dont il devient permanent salarié après avoir été élu secrétaire de l'importante section de Limoges. Mais le Carrefour de Châteaudun, siège national parisien du PCF, lui reproche toujours d'avoir désobéi en n'investissant pas Limoges de force dès juin 1944. Son franc-parler notamment à l'égard de hauts responsables du Parti dont Léon Mauvais n'arrange rien, Guingouin ne cachant pas ses inquiétudes devant les « dérives staliniennes », le Culte de la personnalité voué à Maurice Thorez ou les « procès » intentés à des militants suspects de déviationnisme et contraints de s'humilier publiquement pour ne pas se voir exclus.
Mais la stalinisation du PCF est en voie. Le XIIe congrès du Parti communiste français d'avril 1950 à Gennevilliers voit 27 des 84 membres élus du comité central non réélus, un grand nombre de jeunes résistants célèbres étant mis à l'écart. C'est le début des "purges", dont les soviétiques donnent vraiment le signal au début mars 1951 et qui conduisent à l'exclusion de grandes figures du parti, tels André Marty, « le mutin de la Mer noire », Charles Tillon, ancien chef des FTPF, ainsi que Guingouin. Dans les trois cas, Léon Mauvais tient le rôle d'accusateur en établissant des faux dossiers à charge. Guingouin est alors confronté à l'influence d'un ex-résistant de son département, Fernand Dupuy, devenu secrétaire particulier de Thorez, dont il organise depuis l'automne 1950 les allers-retour avec l'URSS en coordination avec Léon Mauvais et Auguste Lecorut. Appelé en 1946 à la tête de la fédération communiste de la Haute-Vienne, Dupuy avait su « prendre en mains » Georges Guingoin pour lui imposer la volonté du Parti ». Puis il avait accepté de rédiger en avril 1949, à la demande de Léon Mauvais et Auguste Lecoeur, une note reconnaissant ses propres "points faibles" de biographie, notamment une libération obtenue pendant la guerre.
L'accord pour participer aux élections du printemps 1951
Le rapport d'octobre 1949 à Maurice Thorez rédigé par Guingouin n'a toujours pas été examiné lorsqu'arrivent les élections législatives françaises de 1951 à la mi-juin. Lors de leur préparation, Guingouin apprend qu'il est relégué à la 3ème position, non éligible, derrière Alphonse Denis et Jean Tricart sur la liste du PCF. Il menace alors de ne pas être candidat. Le PCF insiste, craignant de perdre des voix, et Guingouin accepte en échange que son rapport d'octobre 1949 soit enfin examiné, promesse effectuée par Waldeck Rochet lors d'un comité fédéral de la Haute-Vienne le 19 mai 1951. La méfiance de Guingouin envers Léon Mauvais se réveille lorsqu'il apprend qu'il veut participer à une réunion préparatoire aux législatives, à Limoges le 23 mai 1951. Guingouin s'y oppose, menaçant à nouveau de retirer sa candidature et d'en dévoiler les raisons à la presse. Il obtient gain de cause à nouveau mais cette faute de discipline est sanctionnée et il accepte un blâme lors d'une nouvelle réunion du comité fédéral de Haute-Vienne le 15 septembre 1951, toujours présidée par Waldeck Rochet, mais apprend, malgré cela, qu'il ne pourra se présenter aux cantonales.
L'ultimatum de janvier 1952 et l'action contre Otto Skorzeny
Le 6 janvier 1952, Guingouin reçoit un ultimatum du comité central, qu'il refuse, exigeant qu'il admette que toutes les questions concernant la Résistance ont été tranchées, et cesse de contester le PCF et tout membre du comité principal à ce sujet. Son exclusion va alors se mettre en place malgré l'absence totale de divergence politique fondamentale avec le PCF et Thorez, dont il attend, en vain, qu’il prenne sa défense, croyant pouvoir peser par le débat démocratique et mettant naïvement le problème sur le compte d’erreurs d’analyses, commises par des responsables mal informés. Au cours de cette même année 1952, aux côtés d'André Santrot, du comité fédéral de Haute-Vienne, qui l'avait précédé comme secrétaire de la section de Limoges, Guingouin procède en gare de Limoges à la destruction des numéros du Figaro où étaient publiées la traduction des mémoires de l’officier SS Otto Skorzeny, qui se faisait fort de gérer les fonds récupérés par les anciens SS, pour assurer matériellement leur vie dans les pays d'accueil d'Amérique du Sud. L'ex-nazi, réfugié dans l'Espagne franquiste, était responsable du trésor de guerre nazi constitué (sans qu'Hitler le sache) par Martin Bormann dès 1944. Choqué par l’attitude de la direction du PCF envers le « préfet du maquis », Santrot le soutient et se voit lui aussi mis sur la touche par le PCF. Les mémoires d'Otto Skorzeny, publiées d'abord en allemand en 1950 s'étaient heurtées à un « barrage de témoignages contradictoires », y compris d'ex-officiers allemands démentant son arrestation de Mussolini, comme par exemple Kurt Student, commandant en chef des parachutistes allemands pendant la guerre, et étaient accusées d'être « une opération purement commerciale ».
Le déménagement dans l'Aube et l'acharnement de Duclos
Lors d'une réunion de la section de Limoges le 8 mars 1952, Guingouin apprend que la direction n'a pas validé son rapport d'octobre 1949 et dément qu'il ait été visé par Mauvais pour la prise de Limoges. Sommé de se soumettre aux décisions du parti, Guingouin abandonne ses fonctions de permanent, en se levant et en déchirant sa carte du parti devant l'assistance avant de quitter la salle. Le bureau fédéral dément sa version dans la presse et le remplace la semaine suivante, ce qui provoque l'indignation de six des onze conseillers municipaux communistes de Limoges et la démission des bureaux de plusieurs cellules PCF de la région. Georges Guingouin est plus que jamais soupçonné de "fractionnisme". À la mi-avril, il quitte la Haute-Vienne pour Troyes, d'où est originaire sa femme et où elle a trouvé un poste d'institutrice remplaçante.
Lui même obtient sa réintégration dans l'enseignement en septembre 1952 et le couple une mutation à Saint-Laurent-les-Églises, en Haute-Vienne. Le même mois éclate ce que Charles Tillon, ex-numéro un des FTP appellera les "procès de Moscou à Paris", dont Tillon et André Marty sont les victimes, sous le règne temporaire de Jacques Duclos, qui remplace Maurice Thorez à la tête du PCF depuis son départ vers URSS en 1950. Duclos vient de passer un mois en prison après la Manifestation contre le général Ridgway du 28 mai 1952, qui a causé deux morts chez les manifestants et 372 blessés dont 27 grièvement côté police44, déclenchant arrestations et perquisitions au siège du Parti communiste français.
Deux mois après sa libération, Jacques Duclos s'attaque à Guingouin, qui vient de revenir en Haute-Vienne, dans une réunion publique à Nantiat. Il reprend à son compte une partie des accusations portées dans une série d'articles du journal L'Époque de décembre 1945, sous le titre « Banditisme et lâcheté », à propos d'un trésor de guerre et d'exécutions sommaires, pourtant été jugés diffamatoires les 4 avril et 15 octobre 1946 par le Tribunal correctionnel de Limoges, jugement confirmé en appel à Grenoble le 19 mai 1947. Malgré ces condamnations, le quotidien régional socialiste Le Populaire du Centre reprendra à son tour ces diffamations les 4 et 9 décembre 1953, sous le titre « Limousin terre d’épouvante ».
En octobre 1952, les instances communistes demandent à la cellule à laquelle appartient Guingouin de l'exclure ; les membres de celle-ci refusant, il est affecté autoritairement à une autre plus complaisante qui prononce son exclusion le mois suivant. Les critiques se poursuivent et, le 15 novembre 1952, L'Humanité écrit : « avec Guingouin nous avons affaire à un ennemi de la pire espèce ». Waldeck-Rochet du Comité Central du PCF vient à Limoges pour faire adopter l’exclusion par la fédération. Marie-Louise Lagrange, qui fut conseillère municipale de Limoges avec lui, lit le message de Guingouin, absent, puis quitte la salle et fondera un « Comité de défense » avec Amédée Naturel et Louis Roche, puis un « Comité d’honneur de la Haute-Vienne pour Georges Guingouin », mais elle subit des pressions. Convoquée par la Police45 elle annonce en novembre 1952 renoncer à former une liste d'union des résistants pour les municipales en mai 1953.
L'analyse de cette exclusion - qui fait suite, notamment, à l'exclusion des dirigeants André Marty et Charles Tillon - montre également le rôle joué dans les luttes de pouvoir entre les dirigeants communistes qui appuient leur légitimité sur leur rôle dans la résistance (tels Georges Guingouin ou Charles Tillon) face à ceux qui appuient leur légitimité sur leur appartenance à la classe ouvrière (tel Maurice Thorez). Georges Guingouin obtient ensuite sa mutation comme instituteur dans l'Aube, département d'origine de sa femme Henriette (ils se sont mariés en 1945 à Limoges). Il enseigne à Montiéramey à Saint-André-les-Vergers et enfin à Troyes. "A voix nue" de Georges Guingouin, au micro de Geneviève Huttin, diffusés la première fois en mars 1999. Tout d'abord "Le berceau de l'esprit de résistance" suivi de "Élever la conscience des hommes".
Les municipales de 1953
L'année 1953 voit le climat entre le PCF et Guingouin se déteriorer. Après avoir été exclu le 10 novembre 1952, contre la volonté de la cellule Jean Chaintron de Limoges, il donne sa démission de conseiller municipal de Limoges le 15 janvier 1953 puis s'intéresse à la campagne électorale pour les municipales d'avril 1953. Alors qu'il n'a pas encore fait acte de candidature, il est kidnappé lors d'une distribution de tracts à Saint-Junien, pour être emmené de force dans une réunion publique où il est injurié, selon le correspondant du quotidien Le Monde en Haute-Vienne.
Les premières arrestations ont lieu fin novembre, mais les prévenus n'ont d'abord avoué que des vols commis au moment de la Libération La justice décide alors de nouvelles mises en examen, sous l'inculpation de complicité d'assassinats, de dix personnes ayant plus ou moins appartenu au groupe de Guingouin dans la zone où il avait développé dès 1941 son maquis. Le 24 décembre 1953, Guingouin est convoqué par le juge Delmas. Il l'apostrophe, est arrêté et incarcéré à la prison de Brive. La presse va plus loin que l'affaire elle-même : Le Figaro dénonce fin décembre « la terreur rouge dans toute la région et France Soir « un sortilège qui envoûtait toute une région » tandis que Paris-Match pourfend début janvier « l’ombre d’une république soviétique dans les monts du Limousin ». Le Courrier du Centre évoque un « gang organisé », un « dépôt d'armes ». Pour Le Figaro, derrière ce « gang » se cachent « les noms des chefs communistes » qui « préparent la prise du pouvoir ». L'enquête est en réalité seulement en cours et les auditions se poursuivent fin janvier, le quotidien Le Monde évoquant désormais les informations au conditionnel.
Lors de sa confrontation avec Martial Pétiniaud, Guingouin explique qu'il n'est allé chez ce dernier que 15 jours après l'assassinat et seulement « pour savoir si quelqu'un de ses FTP était mêlé » à l'affaire, tandis que le témoin René Pouzache continue à nier. Le 22 février 1954, les Renseignements généraux sont avertis1, par erreur1 ou par souci d'alerter, que Guigouin s’est suicidé dans sa cellule. Un inspecteur venu vérifier le trouve assis sur sa couchette1. Par dépit, une demi-heure plus tard, le surveillant-chef Méron et le gardien Cueille, entrent dans sa cellule pour le tabasser à coups de poing et coups de pied, et à coup de gourdin pendant plus d’une demi-heure1. Son état est proche du décès. Il est transféré à la prison de Toulouse, attaché sur une planche. Sur place, un groupe de résistants est alerté et exige une expertise médicale. Puis, il est transporté en hôpital psychiatrique ». Au mois d'avril, on découvre que l'enquête piétine toujours, malgré des reconstitutions au cours desquelles plusieurs des prévenus ne se prêtèrent que de très mauvaise grâce aux injonctions.
Le « Comité de défense » rallie de nombreuses personnalités, parmi lesquelles François Mauriac, Jean-Marie Domenach, et les sénateurs gaullistes Léo Hamon et Jacques Debû-Bridel. De nouveaux avocats sont engagés, parmi lesquels un jeune de la région, fils de résistant fusillé, Roland Dumas. Quatre mois après son transfert, il obtient sa libération définitive, le 14 juin 1954. Notre flamme, journal du Comité d’action de la Résistance en Haute-Garonne, révèle en mars 1955 les détails oubliés de la carrière des quatre magistrats et policiers qui ont mené l'enquête contre lui et l'ont fait incarcérer. Mais la bataille juridique dure plusieurs années du fait des multiples passages d'une juridiction à l’autre. Entre-temps, Georges Guingouin a repris la politique et le journalisme, l'activité qui l'avait fait entrer en Résistance. Ses articles dans Le Peuple limousin , mensuel communiste « dissident » fondé en 1957, vont se succéder pendant cinq mois et préparer son aptitude à rencontrer des émissaires de la direction du PCF, plus tard, entre 1961 et 1964, sans qu'une réhabilitation ne soit encore obtenue.
La chambre des mises en accusation de Lyon lui accorde un non-lieu le 13 novembre 1959. Le substitut du procureur a déclaré à cette occasion « ne pas comprendre, en son âme et conscience, qu’on ait engagé des poursuites contre lui » et cette décision lui permet de retrouver son gagne-pain d'instituteur. À propos de ce passage en prison, le 21 novembre 2001, lors d'une conférence devant une assemblée de professeurs d'histoire de l'Aube, Georges Guingouin déclare : « Arrêté à la veille de Noël 1953, incarcéré à la prison de Brive, je devais y subir de tels sévices que, par deux fois, je parcourus le chemin des agonisants qui revoient leur vie à l'envers dans leurs derniers instants jusqu'à l'éblouissante lumière ».
En mars 1957, il adhère au Mouvement communiste démocratique et national d'Auguste Lecœur et Pierre Hervé. En 1961, il entre en pourparlers avec le PCF en vue d'une réintégration : on lui propose, affirme-t-il, « de le réintégrer moyennant son silence ». Refusant cette proposition, il se consacre alors à son métier d'instituteur et prend sa retraite en 1969. Le magazine Historia reprend les accusations portées antérieurement contre Guingouin, le désignant comme responsable des exécutions sommaires commises dans la région de Limoges.
La réhabilitation au sein du Parti communiste est extrêmement tardive. En janvier 1998, le comité central du Parti communiste, après de nombreuses réunions, « réhabilite » officiellement Georges Guingouin et ce malgré l'indifférence de ce dernier. La demande de réhabilitation émane du secrétaire de la fédération de la Haute-Vienne, Christian Audouin, et accompagne une journée «portes ouvertes» sur les archives du PCF le 24 janvier 1998, au cours desquelles sont entre autres citées les affaires Marty-Tillon, Georges Guingouin, Henri Lefèvre et Servin-Casanova. Le 13 février 1998, un article révèle et publie un courrier de Robert Hue dans le journal l’Écho du centre :
« Le 6/02/1998, le secrétaire national du PCF a adressé une lettre à Georges Guingouin pour lui faire part du travail approfondi de la commission présidée par Madame Francette LAZARD sur les affaires le concernant. Sans attendre les conclusions de ces travaux, Robert Hue a tenu à lui confirmer combien le PCF reconnait la gravité du tort qu'il a ainsi fait à ces hommes et ces femmes et le tort qu'il s'est fait à lui-même. Le PCF assume la totalité de son histoire et condamne sans appel les comportements qui ont douloureusement bouleversé la vie des siens. [Nous savons quels procédés ont été utilisés] et mesurons toute l'injustice que représente votre exclusion. »
Décédé à Troyes le 27 octobre 2005 à 92 ans, Georges Guingouin est inhumé, suivant ses souhaits, dans le petit cimetière communal de Saint-Gilles-les-Forêts aux côtés de sa femme Henriette (1918-2004).
Georges Guingouin, qui avait adhéré en 1948 au groupe Francisco-Ferrer de la Libre-pensée limousine, a par ailleurs été franc-maçon après avoir quitté la vie active. Il fut initié à Troyes le 13 novembre 1969 (à 56 ans) par la loge L'aurore sociale du Grand Orient de France, loge à laquelle avait appartenu un autre héros de la Résistance, Pierre Brossolette.
- Par décret du 25 mars 2005, Georges Guingouin est élevé au grade de commandeur de la Légion d'honneur,
- Compagnon de la Libération par un décret du 19 octobre 1945,
- Titulaire de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme,
- Médaille de la Résistance avec rosette,
- King's Medal for Courage in the Cause of Freedom (décoration britannique),
- Titulaire d'un Acte de reconnaissance de la nation américaine,
- Titulaire de la médaille garibaldienne.
« De 1940 à 1942, Georges Guingouin a été le "hors-la-loi", l'incarnation de la résistance civile en limousin. Les condamnations aux travaux forcés — une à perpétuité, puis deux autres de vingt ans — témoignent de l'obstination des tribunaux de Vichy à se débarrasser de cet adversaire.
En 1942, il organise les premiers éléments du Maquis du Limousin qui allait devenir un des premiers de France, le plus redouté de la police de Laval et de Darnand, celui sur lequel les miliciens et les Allemands allaient s'acharner vainement.
Pour la période historique 1942-1944, il est difficile de faire un choix parmi les innombrables faits d'armes du lieutenant-colonel Guingouin. Chef et soldats, il a participé, à la tête de ses troupes, à tous les coups de main, à toutes les embuscades périlleuses, non seulement dans son secteur, mais également et à maintes reprises loin de sa zone d'habitation habituelle. Pendant la bataille du Mont-Gargan, du 17 au 24 juillet 1944, il a donné, à chaque instant, le plus magnifique exemple d'héroïsme, de maîtrise de soi, au mépris le plus total de la mort.
Extraordinaire entraîneur d'hommes que son exemple galvanise, le lieutenant-colonel Guingouin constitue une des plus belles figures de la Résistance. » (texte écrit au verso du livre : 4 ans de lutte sur le sol limousin).
- Quatre ans de lutte sur le sol limousin, coll. « La Libération de la France », Le Puy Fraud éditeur, 1974 ; réédition 2015.
- Georges Guingouin (avec Gérard Monédiaire), premier maquisard de France, Éditions Lucien Souny, 1983.
- Marcel Parent, Georges Guingouin, Les écrits et les actes, Le Temps des Cerises, 227 p., 2006.
- Intervention de Georges Guingouin à la conférence-débat réunissant les professeurs d'histoire du département de l'Aube sous la présidence de l'inspecteur d'académie, Jacques Marchal, à Troyes, le 21 novembre 2001.
- RMC Découverte, Emission du 18/10/2019 - Roland Dumas - Avocat de Georges Guingouin. témoignage à l'issue du procès de Tulle en Décembre 1953.