Vaillant-Couturier Paul
Paul Charles Couturier, dit Paul Vaillant-Couturier, né le 8 janvier 1892 à Paris, décédé le 10 octobre 1937 à Paris, était un écrivain, journaliste et homme politique français.
Né dans une famille d'artistes lyriques (sa mère, Marguerite Vaillant, était une cantatrice célèbre entre 1890 et 1900) Paul Vaillant-Couturier grandit dans le 16e Arrondissement de Paris, fait sa scolarité au Lycée Janson-de-Sailly et poursuit ses études jusqu'à la licence d'histoire, suivie d'un doctorat en droit ; mais il n'exerce ensuite comme avocat qu'à de rares occasions, notamment lorsqu'il est en froid avec le Parti communiste en 1930, et qu'il n'a pas d'autres moyens de subsistance. Ses premières ambitions sont littéraires et artistiques. Il participe à la revue Les Actes des poètes, de Roger Dévigne, avec Albert-Jean, René Bizet, et Monique, revue créée en décembre 1909, et comportant 12 numéros. Il écrit en 1912 et 1913 un recueil de poèmes (publié aux Éditions du Temps présent), La visite du berger, et deux pièces de théâtre, jouées en province. Avec l'Auréole, un poème consacré à la conversion de Saint-Augustin mis en musique par une vieille gloire musicale, Edouard Trémisot, il s'essaie également à l'opéra. Il sera joué à Nice en 1913. À la même époque, il se consacre aussi une première fois à la peinture, et expose avec son ami Jean d'Espouy des aquarelles au Salon des artistes français. En mars 1930, une deuxième exposition montre une quarantaine de toiles réalisées pour partie lors de ses emprisonnements en 1928 et 1929.
Il participe à la Première Guerre mondiale de 1914 à 1919 (il est démobilisé tardivement en octobre). Entré dans la guerre dandy et croyant, il en sort pacifiste et socialiste. Bachelier, il est incorporé en 1914 comme sous-officier dans l'infanterie où il sert jusqu'en 1916 ; puis, ayant décidé de changer d'arme sans doute pour différer le retour au front, il termine la guerre sous-lieutenant dans l'artillerie d'assaut. Pendant la guerre de tranchée qu'il vit sur le front en Champagne, il est blessé une première fois par éclat d'obus en septembre 1915, pendant la grande offensive de Champagne. Il l'est une seconde fois en juillet 1918, par les gaz, à bord de son char. Ces faits d'armes dont il ne se vantait pas, mais qui lui ont inspiré des pages assez sombres dans son livre Lettres à mes amis paru en 1919, lui valent cinq citations à l'ordre de l'armée ainsi que la médaille militaire. Le pacifisme qu'il manifeste à travers des articles de presse dans les différents journaux pacifistes proches du Parti socialiste et des milieux anarchisants, est sanctionné par la hiérarchie militaire in extremis le 2 novembre 1918 par 30 jours de forteresse. Les paroles de la chanson de Craonne ont été retranscrites et publiées par Paul Vaillant-Couturier dans son livre La Guerre des soldats, publié avec son ami Raymond Lefebvre. Cette chanson, chantée par les soldats sur le front, puis peut-être par les mutins lors des événements d'avril-juin 1917, interdite par le commandement, est devenue ensuite l'un des grands hymnes du pacifisme.
Il reçoit plusieurs distinctions pour faits de guerre : la Médaille militaire mais pas la Légion d'honneur contrairement à ce qui est parfois écrit. En décembre 1916, à la suite de son ami Raymond Lefebvre, il adhère à la SFIO. Son expérience de journaliste se réduit alors à quelques participations à des revues de jeunes artistes du début du siècle. Avec Henri Barbusse, et Raymond Lefebvre, en 1917, il crée l'Association républicaine des anciens combattants puis en 1919, Clarté, une revue et un groupement qui cherche à regrouper des membres des professions intellectuelles et artistiques dans l'esprit de l'appel de Romain Rolland, Au-dessus de la mêlée. Dans les deux cas, il s'agit d'organiser des hommes et des femmes en marge et au-dessus des partis politiques et des associations existantes au nom de la paix des peuples à construire.
En janvier 1917, il entre à la rédaction du Canard enchaîné où il se lie d'amitié avec Henri Béraud et Roland Dorgelès. De sa collaboration, sa rubrique « Les vers s'y mettent » où il décoche des épigrammes et bouts rimés à l'adresse de personnalités en vue ou d'institutions. Le 18 et 25 juin 1919, sous le titre « De l'inutilité du poilu pendant la guerre », il se livre dans ce journal à une analyse à chaud de la guerre et dénonce la paix « impérialiste » et belligène que les chancelleries allaient imposer à l'Allemagne. Il développe aussi le thème d'un « poilu imaginaire », fabriqué de toutes pièces par l'arrière et celui de la fraternité d'armes entre adversaires ayant vécu les mêmes souffrances. Après la guerre, il quitte le Canard enchaîné. Il est aussi au même moment l'un des collaborateurs de la Vérité de Paul Meunier, du Journal du Peuple et du Populaire de Paris, dirigé par Jean Longuet, comme d'autres jeunes journalistes de talent tels qu'Henri Béraud. Il entre ensuite en 1920 seulement à L'Humanité lorsque commence dans les rangs de la SFIO la bataille pour l'adhésion à la IIIe Internationale. En 1919, il est élu député de Paris.
Après le congrès de Tours en 1920, dont il est l'un des orateurs, il participe à la fondation du Parti communiste français. Il est de la tendance de gauche de Boris Souvarine et Alfred Rosmer. La bolchévisation le sépare de ses compagnons, mais ne l'amène pas à les renier, ce qui lui vaut une première mise à l'écart temporaire des organismes dirigeants du Parti Communiste. Sa grande popularité acquise dans les meetings où il excelle à galvaniser les foules, lui permet d'être réélu en 1924 à la tête de la liste communiste dans le département de la Seine, en banlieue. C'est en prison, où ses articles contre le fascisme mussolinien l'ont conduit, qu'il apprend son élection à la tête de la liste communiste à Villejuif aux élections municipales de 1929, une candidature imposée par la direction du Parti Communiste et qu'il tente de refuser, en vain. Élu maire ensuite, il est réélu en 1935 et le reste jusqu'en 1937. Il devient également, la même année, conseiller général, et en mai 1936, au premier tour, député de la circonscription de Villejuif. Il est pendant ses deux mandats un maire soucieux de culture et désireux de lutter contre les effets de la crise économique qui se font durement sentir à partir de 1932. L'école Karl Marx, conçue et construite par l'architecte André Lurçat en pur style international, est son premier grand œuvre en tant que maire. Elle est inaugurée le 10 juillet 1933 en présence de Maurice Thorez, de Marcel Cachin et de la plupart des dirigeants communistes. Elle doit préfigurer l'esprit de ce que les communistes seront capables de faire lorsqu'ils auront pris le pouvoir.
Rédacteur en chef éphémère d'un quotidien communiste du soir L'internationale, entre septembre 1923 et janvier 1924, le même poste lui échoit à L'Humanité d’avril 1926 à septembre 1929, puis officiellement à nouveau de juillet 1935 à sa mort subite en 1937, mais officieusement dès mai 1934, grâce à l'appui de Maurice Thorez, et de Marcel Cachin. En tant que rédacteur en chef du quotidien communiste, il assiste aux réunions du Bureau Politique. Les deux fois, il propose des modifications substantielles pour faire du journal d'opinion également un journal d'information. Pour cela, il sollicite des collaborations d'intellectuels membres ou proches du mouvement communiste. Ces choix journalistiques et la dynamique du mouvement font de l'Humanité le principal journal du Front Populaire.
Pour l'Humanité, il réalise aussi de grands reportages sur l'URSS du plan quinquennal, en 1931 et 1932, sur la Chine, en 1933, sur l'Espagne en 1934 et en 1936-1937. Pour le journal communiste, ce sont les premiers du genre. Ceux sur le plan quinquennal sont publiés en trois brochures intitulées Les bâtisseurs de la vie nouvelle. De même, il lance en 1935 de grandes enquêtes aux thématiques sociales et culturelle inédites : les jeunes et la crise économique, publiées ensuite dans Le Malheur d'être jeune, la famille, l'aviation populaire. Louis Aragon les a évoquées en 1976, au moment du 20eme congrès, celui où il fut question de morale en même temps que fut abandonné la notion de dictature du prolétariat, car certains de leurs articles parlent de l'amour.
Ces thématiques prolongent le travail déjà effectué dans les rangs de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR) qu'il fonde en février 1932, à son retour d'URSS à la demande de l'UIER et du Bureau Politique du PCF, dont il est le secrétaire jusqu'en 1936, et qui, après des débuts dans le pur style de l'agit-prop soviétique, contribue à la naissance du mouvement de Front Populaire dans les milieux intellectuels en les mobilisant et en les accueillant sans exiger une allégeance de béni oui-oui. C'est du moins ce qu'affirme Vaillant-Couturier dans son discours prononcé devant le comité central du PCF en octobre 1936, publié en brochure sous le titre, Au service de l'esprit. Ses interventions lors du congrès des intellectuels réuni à Paris en juin 1935 pour empêcher que ne soit évoquée l'affaire Victor Serge montrent qu'il n'était pas forcément d'une grande souplesse, ni ne faisait preuve d'une grande ouverture politique quand la pseudo-vérité sur l'Union Soviétique, celle que tous les communistes étaient censés défendre, était mise à mal publiquement en France.
Les élections remportées par le Front Populaire en mai 1936, et la période d'intense militantisme qui suit, son engagement au service de la cause républicaine espagnole, celui plus franco-français pour le succès de l'Exposition internationale « Arts et Techniques dans la Vie moderne » de 1937, donnent à Vaillant-Couturier une stature véritablement nationale, celle d'un alter ego, au moins comme figure de proue, de Maurice Thorez pour qui le Parti Communiste façonne alors la figure idéale typique de Fils du Peuple. Le 2 février 1937, il est victime d'un attentat au revolver dont il réchappe sans dommage. Lorsqu'il meurt subitement, en octobre 1937, d'un infarctus du myocarde, à 45 ans, il est extrêmement populaire dans tous les milieux. Son enterrement attire sans doute une foule de plusieurs centaines de milliers de personnes. Il est une des dernières manifestations unitaires qui voie se côtoyer des hommes et des femmes appartenant à toutes les composantes du Front Populaire. Le cortège funèbre traverse tout l'est de Paris, depuis la maison des Syndicats, rue Mathurin Moreau, jusqu'au Père Lachaise où il est enterré à côté de la tombe d'Henri Barbusse, en face du Mur des Fédérés. Lui-même avait acheté une concession au cimetière de son village ariégeois, Sainte-Croix-Volvestre, et comptait s'y faire enterrer aux côtés de sa mère et de son père. Il est le premier dirigeant du Parti communiste français (PCF) à qui cet honneur est rendu.
Un monument, dont l'érection a été voulue immédiatement, mais dont la guerre a retardé la réalisation, est érigé à Villejuif à sa mémoire en 1967. Des centaines de rues, avenues et boulevards en France portent son nom. Elles ont été baptisées ainsi en 1937, ou en 1945, dans toutes les villes dirigées par le PCF. Longtemps il fut l'objet de commémorations militantes. Chacun de ses anniversaires marquants voyait la publication d'un livre reprenant un choix de ses articles et préfacé par le secrétaire du Parti Communiste du moment. Georges Marchais a préfacé celui qui fut écrit par Roland Leroy en 1987. Un prix littéraire Paul Vaillant-Couturier était décerné par le journal l'Humanité. Paul Vaillant-Couturier est mort apparemment sans descendance. Il s'est marié deux fois, mais eut tout au long de sa vie un grand nombre de maîtresses au rang desquelles a figuré entre autres Hélène Rytmann, la femme de Louis Althusser après la Deuxième Guerre mondiale. Une première fois, il épouse le 31 octobre 1923 à Bobigny une universitaire américaine polyglotte, préhistorienne puis journaliste-reporter sur les traces d'Henri de Monfreid, Ida Treat (1889-1978), dont il divorce après de longues années de séparation pour épouser, le 29 septembre 1937, sa jeune compagne depuis 1934, Marie-Claude Vogel.
Marie-Claude Vogel (1912-1996), plus connue sous le nom de Marie-Claude Vaillant-Couturier, est la fille de Cosette de Brunhoff et de Lucien Vogel, homme de presse célèbre de l'entre-deux guerre qui a inventé les magazines d'informations en France en publiant VU et LU. Elle est résistante, déportée à Auschwitz et à Ravensbrück (1942-1945), puis témoin à charge au procès de Nuremberg (1946). Elle est aussi membre du comité central du PCF, députée de la Seine de 1946 à 1958 puis de 1967 à 1973, membre du conseil d'administration de L'Humanité et du jury du prix littéraire Paul-Vaillant-Couturier. Par sa grande générosité, et sa simplicité, elle fut tout au long de sa vie une des grandes figures du communisme français. Tout au long de sa vie, Paul Vaillant-Couturier s'entoure d'amis et de proches, des écrivains et des artistes avec qui il partage tout : Raymond Lefèbvre, Jean d'Espouy, Guy de la Battut d'abord, qu'il rencontre tous trois lors de ses années de lycée à Janson de Sailly, Léon Moussinac, ensuite, qu'il croise dans les milieux clartéistes en 1921-22, le cinéaste Jean Lods, Vladimir Pozner, Louis Aragon qu'il côtoie dans les rangs de l'AEAR.