Hitchcock Alfred

Publié le par Mémoires de Guerre

Sir Alfred Hitchcock est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma britannique, naturalisé américain en 1955, né le 13 août 1899 à Leytonstone (Londres) et mort le 29 avril 1980 à Bel Air (Los Angeles).Plus grand cinéaste selon un classement dressé en 2007 par la critique au Royaume-Uni, The Daily Telegraph écrit : « Hitchcock a fait davantage qu'aucun autre réalisateur pour façonner le cinéma moderne, lequel sans lui serait tout à fait différent. Il possédait un flair pour la narration, en dissimulant avec cruauté (à ses personnages et au spectateur) des informations cruciales et en provoquant comme nul autre les émotions du public ». Au cours de ses quelque soixante années de carrière, il réalise cinquante-trois longs métrages, dont certains comptent, tant par leur succès public que par leur réception et leur postérité critiques, parmi les plus importants du septième art. Ce sont, entre autres, Les 39 Marches, Soupçons, Les Enchaînés, Fenêtre sur cour, Sueurs froides, La Mort aux trousses, Psychose, ou encore Les Oiseaux.

Après des succès dans le cinéma muet et le cinéma sonore naissant, Hitchcock quitte son pays natal et s'installe à Hollywood, juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Le 20 avril 1955, il acquiert la citoyenneté américaine mais conserve la citoyenneté britannique, ce qui lui permet, à la fin de sa vie, d'être anobli et nommé Chevalier Commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique (KBE). Doué d'un sens aigu de l'autopromotion, notamment au travers de ses caméos, Hitchcock, interprète de son propre personnage, demeure l'une des personnalités du XXe siècle les plus reconnaissables et les plus connues à travers le monde. Surnommé « le Maître du suspense », il est considéré comme l'un des réalisateurs les plus influents sur le plan stylistique. Pionnier de nombreuses techniques dans le genre cinématographique du thriller, Hitchcock a installé les notions de suspense et de MacGuffin dans l'univers du cinéma. Ses thrillers, caractérisés par une habile combinaison entre tension et humour, déclinent les variations de la figure de l'innocent persécuté à travers des thèmes récurrents : la peur, la culpabilité et la perte d'identité. 

Hitchcock Alfred
Enfance

Alfred Joseph Hitchcock naît en 1899 à Leytonstone, dans la banlieue nord-est de Londres. Il est le fils de William Hitchcock (1862-1914) et d'Emma Jane Hitchcock, née Whelan (1863-1942). Son père est grossiste en volailles, ainsi qu'en fruits et légumes. Alfred, à qui l'on donne le prénom de l'un de ses oncles — le frère de son père —, est le cadet de trois enfants : ses aînés, William et Eileen, sont respectivement nés en 1890 et en 1892. Sa famille est en grande partie catholique, sa mère et sa grand-mère paternelle étant d'origine irlandaise. À Londres, Hitchcock fréquente le collège St Ignatius à Stamford Hill, une école tenue par des jésuites. Plus tard, le christianisme sera parfois évoqué dans ses films, et de temps en temps égratigné, sans doute à cause de cette éducation dont il gardera un très mauvais souvenir, notamment à cause de sa crainte des châtiments corporels. Hitchcock décrira souvent son enfance comme très solitaire et protégée, situation aggravée par son obésité. Il avoue lui-même ne pas avoir eu d'amis à cette époque et avoir passé son temps à jouer seul. Ce sentiment d'isolement s'accentue lorsque, un soir de réveillon, il surprend sa mère en train de prendre des jouets dans son bas de Noël pour les glisser dans ceux de son frère et de sa sœur. La mère d'Hitchcock a souvent pour habitude, en particulier quand il s'est mal conduit, de l'obliger à s'adresser à elle en se tenant debout, durant parfois des heures, au pied de son lit.

Ces expériences seront plus tard utilisées pour décrire le personnage de Norman Bates dans le film Psychose. Hitchcock témoignera toujours aussi d'une certaine défiance vis-à-vis de la police. Cela peut s'expliquer par un rapide séjour au commissariat. Alors qu'il était âgé de seulement quatre ou cinq ans, son père l'aurait envoyé dans un commissariat avec un mot à remettre aux policiers. Après lecture du billet, les policiers l'auraient enfermé dans une cellule, pour le relâcher au bout de seulement quelques minutes, en lui disant : « Voilà ce qui arrive aux méchants garçons ». Plus tard, le réalisateur racontera plusieurs fois cette anecdote pour expliquer sa crainte de l'autorité. Que cette histoire soit ou non authentique, on trouvera fréquemment dans ses films des échos à cette idée d'être traité durement ou accusé à tort. En 1914, année de la mort de son père — Hitchcock a alors quatorze ans —, il quitte le collège St. Ignatius et part étudier à la London County Council School of Engineering and Navigation à Poplar (Londres). Après l'obtention de son diplôme, il obtient un emploi au département « publicité » de la société W.T. Henley Telegraphic. À l'occasion, il écrit des nouvelles pour une revue que publient ses collègues. 

Du graphisme à la réalisation

Son travail dans la publicité développe ses talents de graphiste. Durant cette période, Alfred Hitchcock commence à s'intéresser au cinéma, en 1920, grâce à un acteur qui à l'occasion travaillait aussi chez Henley, il est bientôt engagé comme auteur et graphiste d'intertitres aux Studios Islington que venait de fonder à Londres la Famous Players-Lasky, une firme américaine qui avait pour ambition de monter des productions internationales avec vedettes anglaises et américaines et des metteurs en scène d'Hollywood ; cette firme deviendra plus tard la Paramount. Rapidement, Hitchcock devient chef de la section « Titrage » de la société et, pendant deux ans, il rédige et dessine les titres de films de cinéastes tels que Hugh Ford, Donald Crisp et George Fitzmaurice. Au début des années 1920, il voit la possibilité de s'essayer à la réalisation, lorsque le réalisateur d'Always Tell Your Wife (1923), Hugh Croise, tombe malade en cours de tournage, et qu'il parvient à convaincre Seymour Hicks, à la fois la vedette et le producteur du film, de l'aider à le terminer. 

En 1920, il travaille à plein temps aux Studios Islington, d'abord avec leur propriétaire américain, Famous Players-Lasky, ensuite avec leur successeur britannique, Gainsborough Pictures, toujours comme concepteur d'intertitres. Il lui faudra cinq ans pour passer de cet emploi à celui de réalisateur. Alfred Hitchcock était aussi un collectionneur d'art, qui possédait en particulier des œuvres de Paul Klee, Edward Hopper, Georges Braque dont Les Oiseaux le fascinaient au point d'en commander une mosaïque pour le mur de sa villa de Scott Valley en Californie. Alfred Hitchcock, ensuite, s'associe à l'actrice Clare Greet et tente de produire et réaliser un premier film, Number Thirteen (1922), qui traite du petit peuple londonien. La production sera annulée en raison de difficultés financières. Les quelques scènes qui avaient pu être tournées sont aujourd'hui apparemment perdues. Et, si l'on en croit les propres mots d'Hitchcock, « ce n'était vraiment pas bon ».

Les films muets

Michael Balcon (1) : Gainsborough

Fin 1922, Famous Players-Lasky décide d'arrêter sa production à Islington. Une petite équipe, dont fait partie Hitchcock, est retenue par le studio ; et quand Michael Balcon fonde avec Victor Saville et John Freedman une nouvelle compagnie indépendante, Gainsborough Pictures, et vient tourner son premier film à Islington, Hitchcock est engagé comme assistant réalisateur. En 1923, il rencontre sa future femme Alma Reville, lors du tournage du film de Graham Cutts, Woman to Woman (La Danseuse blessée), au scénario duquel il collabore. Il l'épouse en 1926 à l'Oratoire de Londres. Pendant ses années de formation, il se perfectionne dans tous les domaines : décors, costumes, scripts... Son perfectionnisme lui vaudra par la suite de nombreuses scènes cultes. La dernière collaboration de Cutts et d'Hitchcock conduit ce dernier en Allemagne en 1924, où il travaille pour l'UFA en tant que décorateur puis scénariste. Le film Le Voyou (en allemand Die Prinzessin und der Geiger, en anglais The Blackguard, 1925), réalisé par Cutts et coécrit par Hitchcock, est produit aux studios de Babelsberg à Potsdam, près de Berlin. Alfred Hitchcock a alors l'occasion d'assister au tournage du Dernier des hommes (Der Letzte Mann, 1924) de Friedrich Wilhelm Murnau ; il restera profondément marqué par cette expérience et s'inspirera beaucoup des réalisateurs expressionnistes, principalement Murnau, dont les techniques, plus tard, l'inspireront pour la conception des décors de ses propres films, et Fritz Lang. Contrairement à d'autres réalisateurs dont la composante littéraire est très affirmée, Hitchcock restera toujours un amoureux de la technique et du perfectionnisme de scènes très complexes.

En 1925, Michael Balcon donne une autre chance à Hitchcock en lui confiant la réalisation du Jardin du plaisir (The Pleasure Garden), dont le tournage a lieu aux studios de l'UFA en Allemagne. Le film, un conte moral ayant le théâtre comme toile de fond, débute par une scène de voyeurisme, emblématique de l'un de aspects de la future carrière du réalisateur : un travelling latéral montrant les réactions réjouies d'un public masculin assistant à une scène de cabaret. Malheureusement, Le Jardin du plaisir est un échec commercial. Hitchcock dirige ensuite un drame, The Mountain Eagle (sorti aux États-Unis sous le titre Fear o' God), dont aucune copie aujourd'hui ne semble avoir survécu. Une fois les deux films achevés, ils sont visionnés par les distributeurs qui les mettent au placard. Le 2 décembre 1926, Hitchcock, dont la carrière semble achevée, épouse son assistante, la monteuse et scripte Alma Reville, à l'Église du Cœur-immaculé-de-Marie (Church of the Immaculate Heart of Mary, plus communément appelée Brompton Oratory). Leur premier et seul enfant, une fille, Patricia, naîtra un an et demi plus tard, le 7 juillet 1928. Alma, avec qui Hitchcock restera jusqu'à la fin de sa vie, devait être la plus proche collaboratrice de son mari. Elle participera à l'écriture de quelques-uns de ses scénarios et — quoique souvent son nom n'apparaisse pas au générique — collaborera avec lui sur la plupart de ses films.

Quelques mois après son mariage, la chance sourit enfin au réalisateur, avec son premier thriller, Les Cheveux d'or, plus connu sous son titre original, The Lodger (A Story of the London Fog), l'adaptation d'un best-seller de Marie Belloc Lowndes avec, dans le rôle principal, Ivor Novello, l'un des acteurs les plus célèbres en Grande-Bretagne à cette époque. Ce thriller, librement inspiré de l'histoire de Jack l'Éventreur, est jugé invendable par le distributeur C.M. Woolf, qui estime que les angles de prise de vues sont insolites et que les étranges éclairages inspirés par le cinéma allemand vont dérouter le public anglais. Balcon décide alors d'engager le critique Ivor Montagu pour conseiller Hitchcock. Le film, qui sort le 14 février 1927, se révélera être un succès commercial et critique majeur au Royaume-Uni : le public se rue dans les salles et le Daily Express ira même jusqu'à qualifier Hitchcock de « jeune homme de génie ». Comme c'est le cas pour bon nombre de ses premières œuvres, ce film est influencé par les techniques du cinéma expressionniste36 dont Hitchcock avait été personnellement le témoin en Allemagne. Certains commentateurs considèrent The Lodger comme le premier film véritablement « hitchcockien », du fait notamment que l’on y trouve entre autres thèmes celui du « faux coupable ». Le film est également connu pour être le premier dans lequel le réalisateur fasse une brève apparition — un caméo — ; cette idée, qui à l'origine serait due au fait que manquait un figurant auquel Hitchcock décida en dernière minute de suppléer, deviendra par la suite l'une de ses marques de fabrique et l'un de ses meilleurs outils de promotion. Comme le dira Roy Ward Baker : les réalisateurs étaient seulement considérés à cette époque comme des techniciens très bien payés, et Hitchcock, dès le début de sa carrière en Grande-Bretagne, allait transformer cette image. Après le succès de The Lodger, le réalisateur peut choisir son prochain film. Il met en scène Downhill, parfois appelé en français La Pente (1927), coécrit et interprété par Ivor Novello, auteur de la pièce originale. « Ce fut le tournage le plus élégant de ma carrière », dira plus tard Hitchcock à son sujet. Le film, cependant, ne connaît pas un grand succès. Il tourne ensuite Le passé ne meurt pas (Easy Virtue, 1928), tiré d'une pièce de Noël Coward, un film qui souffre de l'absence de dialogues. 

British International

Alfred Hitchcock, mécontent des scénarios qui lui sont proposés, quitte alors Gainsborough Pictures pour signer un contrat avec la British International Pictures (BIP). Le premier film réalisé pour la compagnie, Le Masque de cuir (The Ring, 1927), une histoire de triangle amoureux sur fond de boxe, rencontre les faveurs du public. Suit une comédie romantique, Laquelle des trois ? (The Farmer's Wife, 1928) ; lors de son tournage, Hitchcock doit remplacer le directeur de photographie, Jack Cox, tombé malade. L'année suivante, Hitchcock, qui est alors installé avec son épouse — et bientôt la petite Patricia —, au 153 Cromwell Road, un pavillon de la banlieue ouest de Londres, réalise ses derniers films muets : Champagne (1928) et The Manxman (1929).

Les premiers films parlants d'avant-guerre

Chantage : du muet au parlant

Hitchcock sait que ses derniers films ne sont pas à la hauteur des espoirs laissés par Les Cheveux d'or / The Lodger. Malgré une grande maîtrise technique, les idées manquent d'éclat. En 1929, le réalisateur tourne son dixième long-métrage, Chantage (Blackmail), qu'il adapte d'une pièce de Charles Bennett, lequel deviendra par la suite, de L'Homme qui en savait trop (1934) à Correspondant 17 (1940), l'un des scénaristes attitrés d'Hitchcock, et dont l'influence sur l'orientation que prendra l'œuvre hitchcockienne se révélera déterminante.  décide de faire de Chantage l'un des premiers films sonores jamais produits en Grande-Bretagne. Hitchcock se sert alors du son comme d'un élément particulier du film, notamment dans une scène où, dans une conversation à laquelle assiste l'héroïne, qui vient juste de se rendre coupable d'un meurtre, le mot knife (« couteau ») est mis en évidence. Culminant avec une scène se déroulant sur le dôme du British Museum, Chantage est aussi le premier film dans lequel Hitchcock utilise comme décor d'une scène de suspense un site célèbre. À sa sortie, le film obtient un succès phénoménal, tant auprès du public que de la critique. 

La presse est enchantée par l'opposition entre le devoir et l'amour et, plus précisément, « l'amour opposé au devoir ». À cette époque, Hitchcock fonde, avec un attaché de presse du nom de Baker Hitchcock-Baker Ltd., une petite structure vouée à son autopromotion. À cette époque, Hitchcock dirige également des séquences d'Elstree Calling (1930), une revue musicale filmée, produite par la BIP, ainsi qu'un court métrage ayant pour protagonistes deux lauréats d'une bourse de la Film Weekly, An Elastic Affair (1930). Hitchcock aurait aussi participé, modestement, à une autre revue musicale de la BIP, Harmony Heaven (1929), bien que son nom n'apparaisse pas au générique de ce film. Hitchcock réalise ensuite Junon et le Paon (1930), adapté sans grand brio, sans doute trop fidèlement, d'une pièce de l'Irlandais Seán O'Casey ; il s'agit vraisemblablement d'un reflet de la volonté, après l'arrivée du parlant, d'exploiter surtout cette nouveauté. Il tourne ensuite, de 1930 à 1934, Meurtre —  dont il réalisera aussi une version avec acteurs allemands, distribuée sous le titre Mary —, The Skin Game, À l'est de Shanghai, Numéro dix-sept, ainsi qu'un film musical, Le Chant du Danube. 

Michael Balcon (2) : Gaumont British

En 1933, Hitchcock est de nouveau engagé par Balcon à la Gaumont British Picture Corporation. Son premier film pour la compagnie, L'Homme qui en savait trop (The Man Who Knew Too Much, 1934), est un succès. Hitchcock en tournera lui-même un remake aux États-Unis. À la demande de Sidney Bernstein, un exploitant de salle devenu président de la London film society (en), il embauche pour cette première version des acteurs et des techniciens persécutés comme « juifs » par le régime nazi et ayant fui l'Allemagne hitlérienne. L'amitié nouée par les deux hommes autour du militantisme antifasciste sera indéfectible. Quant au second film, Les 39 Marches (The 39 Steps, 1935), qui allait plus tard servir de modèle à Jeune et Innocent, Correspondant 17, Cinquième Colonne et à La Mort aux trousses, il est régulièrement cité comme l'un des meilleurs films du début de la carrière du réalisateur. Les deux films ont en commun d'avoir Charles Bennett pour principal scénariste.

L'histoire est celle d'un homme accusé à tort et contraint de prouver son innocence. Un Canadien (Robert Donat) accepte d'héberger dans son meublé de Londres une jeune femme qui, en fait, est un agent secret luttant contre une mystérieuse organisation criminelle appelée « Les 39 Marches ». L'inconnue est tuée et le jeune homme, craignant d'être accusé d'assassinat, part en Écosse sur les traces de cette organisation. Selon Bernard Eisenschitz, qui cite Claude Chabrol et Éric Rohmer, Hitchcock s'inspire pour ce film de Spione (1928), de Fritz Lang. Les 39 Marches est le premier film dans lequel Hitchcock recourt à un « MacGuffin », terme désignant un élément de l'intrigue autour duquel semble tourner toute l'histoire, mais qui n'a en réalité aucun rapport avec la signification de celle-ci ou la manière dont elle se termine (voir, plus bas, Le MacGuffin). Dans Les 39 Marches, le « MacGuffin » est en l'occurrence une série de plans qui semblent avoir été dérobés. Le film suivant du réalisateur, Agent secret (Sabotage, 1936), est l'adaptation très libre, par Charles Bennett et Alma Reville, l'épouse d'Hitchcock, d'un roman de Joseph Conrad.

Il y est question d'une obscure organisation terroriste sévissant à Londres, et en particulier de l'un de ses membres, M. Verloc (Oskar Homolka), au physique brutal, propriétaire d'un cinéma menant une vie en apparence paisible avec sa séduisante épouse (Sylvia Sidney) et le jeune frère de celle-ci. On cite souvent une anecdote à propos de ce film. Lors du tournage d'une scène dramatique où elle devait intervenir, Sylvia Sidney, voyant le réalisateur préférer passer son temps à cadrer des éléments du décor plutôt qu'elle, en aurait été émue jusqu'aux larmes. Après avoir vu le résultat à l'écran, cependant, l'actrice, enthousiasmée, aurait immédiatement alerté le producteur hollywoodien David O. Selznick pour que celui-ci s'intéressât de plus près à l'étonnant réalisateur. Il est possible que cette histoire fasse uniquement partie de la légende entourant le cinéaste, mais elle n'en reste pas moins significative. Agent secret sera un échec sur le plan commercial. Hitchcock l'expliquera du fait que, dans ce film, très sombre, une scène particulièrement angoissante se conclut par la mort, choquante, d'un enfant. En 1937, Alfred Hitchcock, accompagné de sa femme Alma et de son assistante Joan Harrison, effectue un premier voyage à Hollywood aux États-Unis. 

Gainsborough, sans M. Balcon

Avec Agent secret se termine la deuxième phase de collaboration fructueuse avec Michael Balcon, au moment où les propriétaires de la Gaumont British décident de mettre la clef sous la porte. C'est alors de nouveau pour Gainsborough Pictures qu'Hitchcock tourne ses deux films suivants, mais sans son ancien producteur. Jeune et Innocent (Young and Innocent, 1937) constitue une variation sur le thème de l'innocent injustement poursuivi, avec toutefois un ton de comédie plus prononcé. Le réalisateur connaît un autre succès important en 1938 avec Une femme disparaît, un film spirituel et au rythme enlevé dans lequel il est question de la disparition de Miss Froy, sympathique vieille dame anglaise (May Whitty), qui voyageait à bord d'un train dans un pays fictif nommé Vandrika, une allusion à peine voilée à l'Allemagne nazie. Bien qu'on y voyage beaucoup, le tournage du film a lieu exclusivement dans un petit studio londonien, et Hitchcock a recours, pour donner l'illusion de dépaysement, à des maquettes et à des projections à l'arrière-plan des personnages.

C'est à cette époque qu'Hitchcock commence à être connu pour avoir fait une réflexion peu flatteuse concernant les acteurs, assimilant ceux-ci à « du bétail ». La phrase allait suivre Hitchcock durant des années (voir, plus bas, « Hitchcock et les acteurs »). Vers la fin des années 1930, le réalisateur commence à jouir d'une certaine réputation auprès du public américain ; il est alors, en Grande-Bretagne, au sommet de son art. C'est ainsi que David O. Selznick lui propose de venir travailler à Hollywood. Hitchcock accepte et, à partir de ce moment, c'est aux États-Unis qu'il tournera quasiment tous ses films. Le 14 juillet 1938, il signe un contrat de 40 000 $ par film. En 1939, il tourne — provisoirement — un dernier film en Grande-Bretagne, La Taverne de la Jamaïque, un mélodrame historique. Le 6 mars 1939, lui et sa famille arrivent à New York et s'installent à Los Angeles. 

Hitchcock Alfred
Les années 1940 américaines

L'installation loin de la guerre

Le suspense et l'humour noir, devenus au cinéma la marque de fabrique d'Hitchcock, allaient continuer à apparaître dans ses réalisations américaines. Rapidement, Hitchcock sera impressionné par les ressources supérieures dont disposaient les studios américains, en comparaison avec les restrictions financières auxquelles il s'était souvent heurté en Angleterre. En septembre 1940, les Hitchcock achètent Cornwall, un ranch de 200 acres (0,81 km2) situé près de la petite ville de Scotts Valley, dans les Monts Santa Cruz, au nord de la Californie. Le ranch restera leur résidence principale jusqu'à leur mort, malgré le fait qu'ils conserveront leur maison de Bel Air. Hitchcock ne réalisera que quatre films pour Selznick (Rebecca en 1940 ; La Maison du docteur Edwardes en 1945 ; Les Enchaînés en 1946 et Le Procès Paradine en 1947) avant de décider qu’il vaut mieux être son propre producteur en 1947. Cependant, produire un film coûte cher et les premières œuvres indépendantes d’Alfred Hitchcock (La Corde et Les Amants du Capricorne) n’ont guère de succès au box-office. Le 3 janvier 1949, le réalisateur signe avec Warner Bros. un contrat par lequel il s'engage à tourner quatre films en six ans. 

Débuts américains avec David O. Selznick

Les conditions de travail avec Selznick ne seront pas optimales. Régulièrement, le producteur se retrouvait lui-même face à des difficultés financières et, souvent, Hitchcock sera mécontent du contrôle exercé par Selznick sur ses films. Selznick « louera » Hitchcock aux plus grands studios (RKO, Universal, 20th Century Fox) plus souvent qu'il ne produira lui-même les films du réalisateur. En outre, Selznick, comme Samuel Goldwyn, son collègue producteur indépendant, ne faisait que quelques films par an, de sorte qu'il n'avait pas toujours de projets à proposer à Hitchcock. Goldwyn avait lui aussi négocié avec le réalisateur pour un possible contrat, mais Selznick avait surenchéri et l'avait emporté. Plus tard, au cours d'une interview, Hitchcock résumera ainsi leur collaboration : « [Selznick] était le Grand Producteur. [...] Le producteur était le roi. La chose la plus flatteuse que Mr Selznick ait jamais dite à mon sujet — et cela montre le degré de contrôle —...il a dit que j'étais le « seul réalisateur » à qui « il confierait un film ». »

Au départ, le producteur souhaite qu'Hitchcock réalise un film sur le naufrage du Titanic. Néanmoins, Hitchcock parvient à imposer son choix. Il opte pour Rebecca (1940), l'adaptation d'un best-steller de sa compatriote Daphne du Maurier (auteur également de L'Auberge de la Jamaïque, dont était tiré son précédent film, et de la nouvelle Les Oiseaux, que le réalisateur allait plus tard porter à l'écran). L'histoire se déroule en Angleterre. Les rôles principaux seront tenus par Laurence Olivier et Joan Fontaine, des acteurs britanniques, et l'écriture du scénario est confiée à Joan Harrison, britannique elle aussi. Du fait de l'affection portée par Hitchcock pour son pays natal, un grand nombre de ses films américains auront en effet le Royaume-Uni pour décor, ou y seront tournés, et ce jusqu'à Frenzy, son avant-dernier long-métrage.

Après de nombreux remaniements du scénario, le tournage du film démarre le 8 septembre 1939, cinq jours après la déclaration de guerre du Royaume-Uni à l'Allemagne et la veille de l'avant-première d'Autant en emporte le vent. Hitchcock aime travailler seul, sans interférences. Avec Selznick, il doit justifier ses choix et prendre les idées et les remarques du producteur en considération. En cours de production, des tensions surgissent entre Hitchcock et Selznick quant à la fidélité à laquelle est tenu un réalisateur par rapport à une œuvre littéraire adaptée, le choix et la direction des acteurs, et l'importance du montage. Concernant le premier point, par exemple, Selznick, qui depuis trois ans travaille sur Autant en emporte le vent — le film qui fera sa renommée —, amoureux de littérature, souhaite que des scènes et des dialogues entiers de Rebecca soient fidèlement restitués à l'écran. Son approche est en totale opposition avec celle d'Hitchcock. Il se plaint par ailleurs au sujet du « fichu découpage en puzzle » d'Hitchcock, ce qui montre que, finalement, ce n'est pas lui, le producteur, qui aura le dernier mot pour créer un film à sa manière, mais qu'il est contraint de suivre la vision d'Hitchcock concernant ce à quoi doit ressembler le produit fini.

Rebecca, conte gothique, explore les peurs d'une jeune mariée naïve qui vient s'installer dans une vaste demeure de la campagne anglaise ; dans un premier temps, il lui faut s'adapter au formalisme et à la froideur extrêmes qu'elle y rencontre, et ensuite faire face à l'emprise de la précédente femme de son mari, morte longtemps auparavant. Dans ce film, le réalisateur recourt à des procédés qui seront caractéristiques de ses œuvres postérieures les plus accomplies : un rythme lent, une histoire racontée selon le point de vue d'un seul personnage, l'introduction à mi-parcours d'un élément qui change totalement le sens de l'histoire et l'utilisation de procédés visuels spectaculaires réservés aux moments clefs de l'intrigue. En dépit de sa longueur — le film dure plus de 2 heures —, c'est un triomphe, et il reçoit deux Oscars sur treize propositions : celui du meilleur film, décerné à Selznick, et celui de la meilleure photographie, décerné au chef opérateur George Barnes. Hitchcock est nommé pour celui du meilleur réalisateur, mais c'est John Ford qui, finalement, décrochera la récompense. 

Hitchcock ressent avec une certaine amertume le fait que le prix du meilleur film aboutisse dans les mains de Selznick plutôt que dans les siennes, et c'est sans doute ce qui, par la suite, allait le stimuler dans sa volonté d'indépendance. Hitchcock, comme beaucoup d'Anglais habitant aux États-Unis, est très inquiet pour sa famille et ses amis restés au pays au début de la Seconde Guerre mondiale. Il leur rend hommage à travers le film Correspondant 17 (Foreign Correspondent, 1940), produit par Walter Wanger et basé sur Personal History, un livre de Vincent Sheean. L'histoire est celle d'un journaliste, joué par Joel McCrea, envoyé en Europe pour juger de l'éventualité d'une nouvelle Guerre mondiale. Le film, qui mêle scènes réelles tournées en Europe et d'autres tournées à Hollywood, se termine par un plaidoyer en faveur de l'entrée en guerre des États-Unis ; cependant, pour satisfaire au code de censure alors en vigueur aux États-Unis, le film évite les références directes à l'Allemagne et aux Allemands. Correspondant 17 sera nommé pour l'oscar du meilleur film, en compétition avec Rebecca, lequel lui sera donc préféré. À la même époque, Hitchcock supervise le montage des versions américaines de deux documentaires anglais sur la guerre : Men of the Lightship (1941) et Target for Tonight (1941). 

RKO

Malgré un goût très modéré pour les mondanités, Hitchcock et sa femme se lient d'amitié avec Clark Gable et son épouse Carole Lombard pour qui il accepte de réaliser une comédie romantique avec Robert Montgomery : Joies matrimoniales (1941) L'histoire est celle d'un couple querelleur, interprété par Lombard et Montgomery, qui découvre qu'ils ne sont pas mariés légalement. Après une séparation, ils finissent par se reconquérir à force de disputes. Le Red Book Magazine qualifiera le film de « comédie la plus hilarante et explosive de l'année 1942 ». Tout comme Joies matrimoniales, Soupçons (Suspicion, 1941) est produit par la RKO. Les deux films d'Hitchcock sortent la même année que le Citizen Kane d'Orson Welles, produit par la même compagnie, et dont la musique est signée Bernard Herrmann, un compositeur dont le rôle allait être important par la suite pour Hitchcock.

Hitchcock considèrera Soupçons, adapté du roman Complicité (Before the Fact) de Francis Iles et dont l'histoire se déroule en majeure partie en Angleterre, comme son deuxième film anglais réalisé à Hollywood après Rebecca. Les scènes censées avoir pour décor la côte anglaise seront en réalité tournées sur la côte septentrionale de Santa Cruz en Californie. Le scénario est coécrit par le New-Yorkais Samson Raphaelson, Joan Harrison et Alma Reville. Dans la distribution, on retrouve Joan Fontaine, qui a cette fois pour partenaire Cary Grant (britannique d'origine lui aussi). Il s'agit pour l'acteur de sa première apparition dans un film d'Hitchcock, et l'un des rares films de toute sa carrière personnelle où on le voit incarner un personnage assez sinistre. 

Grant joue le rôle d'un homme qui, masquant son oisiveté par son charme, parvient à séduire une jeune femme fortunée et d'un naturel plutôt réservé (Fontaine). Il l'épouse. Rapidement, la jeune femme se rend compte que son mari est tout à fait irresponsable et elle se retrouve, au fil d'une série d'événements, plongée dans une terrible angoisse. Elle finit par suspecter que l'homme qu'elle aime est un meurtrier et qu'il cherche le moyen de se débarrasser d'elle. Selon le réalisateur, la peur et l'angoisse font partie des fantasmes les plus courants chez l'être humain. L'héroïne va jusqu'à imaginer son mari en train de précipiter son ami et associé du haut d'une falaise et, par la suite, à soupçonner qu'un verre de lait est empoisonné, dans une scène typiquement hitchcockienne, où l'on voit le personnage incarné par Grant monter lentement dans la pénombre l'escalier qui mène à la chambre de sa femme, en portant sur un plateau un verre d'une blancheur sidérante. 

Par la suite, Hitchcock expliquera que, pour cette séquence, il avait fait placer une source lumineuse directement dans le verre. Dans un premier montage, le film respectait la fin du livre, et le personnage de Grant se révélait être réellement un assassin, mais la RKO considéra que cela était susceptible de nuire à l'image de l'acteur. Bien que, comme il l'avouera plus tard à François Truffaut, un meurtre lui aurait mieux convenu, Hitchcock finit par accepter de donner à l'histoire un dénouement plus heureux, quoique ambigu. Pour son rôle dans ce film, Joan Fontaine remporte, à vingt-quatre ans, l'oscar de la meilleure actrice — le seul de toute sa carrière —, ainsi que le prix de la critique new yorkaise pour sa « remarquable performance ». 

Les premiers films Universal

À la fin de 1941, après avoir tourné quatre films en deux ans, Hitchcock se lance dans une production à la fois plus personnelle et plus audacieuse, Cinquième Colonne (Saboteur), qui rappelle Les 39 Marches et annonce déjà La Mort aux trousses. Le 20 août 1941, date de la fin de tournage de Soupçons, Hitchcock se met au travail, jusqu'au mois d'octobre de la même année, avec le scénariste Peter Viertel ; participe également à l'écriture Dorothy Parker. Ce film marque la première collaboration d'Hitchcock avec Universal Pictures. L'intrigue débute avec un ouvrier de l'aéronautique accusé, à tort, d'avoir commis un acte de sabotage dans son usine : un incendie ayant entraîné la mort de son meilleur ami. Pour prouver son innocence, il entame une course-poursuite acharnée à travers le pays à la recherche du véritable saboteur. Au cours de sa fuite, il fait la rencontre d'une jeune femme qui, d'abord méfiante, finira par lui venir en aide. Pour les rôles principaux, Hitchcock souhaitait pouvoir disposer de Gary Cooper et Barbara Stanwyck mais, à la suite du refus du studio, ce seront finalement Robert Cummings et Priscilla Lane qui seront engagés. Le réalisateur déplorera par la suite de n'avoir pu travailler, du moins en ce qui concerne le rôle masculin, avec un acteur plus connu, auquel le public se serait mieux identifié.

Souvent, on reprocha au réalisateur de ne plus s'intéresser à ses films avant même que n'en commence le tournage mais, en réalité, Hitchcock, continuellement à la recherche de la perfection, était toujours prêt à modifier n'importe quel élément de son scénario en fonction de l'avancement du travail. Pour Cinquième Colonne, il expérimente de nouvelles techniques avec le décorateur Robert Boyle. Il tourne aussi deux versions différentes de nombreuses scènes, afin d'avoir la possibilité de choisir lors du montage. Hitchcock pouvait porter un regard critique sur son propre travail. À la fin du film, le héros poursuit un assassin qui se retrouve suspendu au sommet de la torche de la statue de la Liberté. Selon Hitchcock, il s'agit là d'une erreur, et il aurait mieux valu que ce fût le héros qui se retrouvât dans cette fâcheuse posture : ainsi l'identification du public pour le personnage aurait-elle été plus forte. Sorti en avril 1942, le film, néanmoins, connaît un grand succès. Dès la fin du tournage de Cinquième Colonne, Margaret McDonell, chef du département littéraire de Selznick, prend contact avec Hitchcock pour lui soumettre de nouveaux projets. Le réalisateur porte son choix sur Oncle Charlie, une histoire écrite par Gordon McDonell, mari de Margaret McDonell. Pour écrire le scénario de ce qui deviendra L'Ombre d'un doute (Shadow of a Doubt, 1943), son deuxième film Universal, il fait d'abord appel à Thornton Wilder, qui s'attelle à cette tâche en mai et juin de l'année 1942. 

Avant d'avoir terminé, cependant, le scénariste décide de manière impromptue de rejoindre les services secrets de l'armée. Ce sont dès lors la romancière Sally Benson et Alma Reville qui sont chargées de terminer les dialogues, et le tournage commence le 10 août de la même année. De nouveau, de nombreux plans de L'Ombre d'un doute seront filmés en extérieurs, cette fois-ci dans la ville de Santa Rosa, dans le nord de la Californie. Dans L'Ombre d'un doute — celui que, parmi tous ses films, Hitchcock dira souvent préférer —, Joseph Cotten interprète Charlie Oakley, un homme au passé extrêmement trouble, et manipulateur. Se sentant traqué par la justice, il décide de se réfugier chez sa sœur qui, de même que la fille aînée de cette dernière, Charlotte Newton (Teresa Wright), surnommée « Charlie » en référence à son oncle, jeune fille dynamique et rêveuse qui se sent à l'étroit dans sa petite ville et voit en son homonyme une sorte de rédempteur, l'accueille à bras ouverts. Cependant, Oakley est surveillé de près par deux hommes mystérieux, ce qui sème le doute dans l'esprit de Charlie/Charlotte, et amène celle-ci à suspecter son sauveur fantasmé d'être ce qu'il est en réalité : un tueur de vieilles dames, vénal et cynique...

À propos de Charlie Oakley, Hitchcock dira à François Truffaut : « C'est un assassin idéaliste. Il fait partie de ces tueurs qui sentent en eux une mission de destruction. Peut-être les veuves méritaient-elles ce qui leur est arrivé, mais ça n'était pas son boulot de le faire. Un jugement moral est porté dans le film, n'est-ce pas, puisque Cotten est détruit à la fin, même accidentellement, par sa nièce ? Cela revient à dire que tous les méchants ne sont pas noirs et que tous les héros ne sont pas blancs. Il y a des gris partout. L'oncle Charlie aimait beaucoup sa nièce mais, toutefois, pas autant qu'elle l'aimait. Mais elle a dû le détruire, car n'oublions pas qu'Oscar Wilde a dit : "On tue ce que l'on aime." ». Au sujet du film, des critiques ont pu dire que l'utilisation par Hitchcock de personnages, de dialogues et de gros-plans à double sens a offert une mine d'interprétations psychanalytiques possibles à toute une génération de théoriciens du cinéma[réf. nécessaire], au nombre desquels Slavoj Žižek (directeur d'un ouvrage intitulé Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Lacan sans jamais oser le demander à Hitchcock, paru en 1988). Le réalisateur présente sa propre fascination pour le crime et les criminels dans une scène où deux personnages ont une discussion au sujet des différentes manières de perprétrer un meurtre, suscitant l'émoi de la jeune Charlie. Le réalisateur, durant le tournage, apprend le décès de sa mère, restée à Londres. Certains épisodes de l'enfance d'Hitchcock à Leytonstone semblent ainsi évoqués dans le film : comme Hitchcock, Charlie a une mère qui s'appelle Emma ; Oakley a eu un accident de bicyclette dans son enfance ; une petite fille nommée Ann lit Ivanhoé, livre qu'Hitchcock savait par cœur étant enfant ; et le personnage de Joseph — deuxième prénom d'Hitchcock — refuse de conduire une voiture. Cependant, selon la propre fille du réalisateur, Patricia, il ne s'agirait là que de simples coïncidences. 

20th Century Fox

Pour la 20th Century Fox, Hitchcock réalise ensuite son premier film ouvertement politique, Lifeboat (1944), une adaptation de l'un des scripts de John Steinbeck, chronique des expériences vécues par les rescapés du naufrage d'un navire américain coulé par un sous-marin allemand et qui tentent, sans boussole, de rejoindre les Bermudes à bord d'un canot de sauvetage. Un des passagers, l'un des seuls en mesure d'emmener l'embarcation à bon port, cependant, se révèle être un Allemand. Le film étudie ce dont les hommes sont faits lorsqu'ils n'ont plus rien. Il peut s'agir d'un film de propagande, une nouvelle contribution à l'effort de la guerre. Les scènes d'action sont tournées à bord du canot et l'étroitesse du lieu crée un léger souci concernant le traditionnel caméo du réalisateur. Le problème sera résolu par l'apparition d'Hitchcock sur une photo d'un journal que le personnage joué par William Bendix lit dans le bateau, une publicité « avant-après » pour un produit amincissant : Reduco-Obesity Slayer. 

Lifeboat recevra un accueil critique très favorable dans un premier temps, mais la critique brusquement se ravisera, gangrenée par le doute, car le traitement de ces neuf individualités, et plus que toute autre celle du nazi, prend quelques libertés intolérables dans le contexte de l'époque. Le film est malgré tout nommé trois fois aux oscars dans les catégories meilleur réalisateur, meilleur scénario original (Steinbeck) et meilleure photographie (Glen MacWilliams), et l'actrice Tallulah Bankhead reçoit quant à elle le prix NYFCC de la meilleure actrice. Tandis qu'il travaille pour la Fox, Hitchcock envisage sérieusement de tourner une adaptation du roman d'A. J. Cronin, Les Clés du royaume (The Keys of the Kingdom), au sujet d'un prêtre catholique en Chine, mais le projet tombe à l'eau, et c'est John M. Stahl qui, en 1944, finira par faire le film, produit par Joseph L. Mankiewicz et avec notamment pour vedette Gregory Peck

Hitchcock Alfred
Intermède britannique

Participation à l'effort de guerre

Fin 1943, Hitchcock, au sommet de la notoriété, abandonne la production de son dernier projet, Les Enchaînés, et entreprend le périlleux voyage en bateau jusqu'en Angleterre. Son ami Sidney Bernstein lui a demandé de le rejoindre à l'unité cinématographique de la division Guerre psychologique du Haut quartier général des forces expéditionnaires alliées. Hitchcock réalise deux courts-métrages, d'environ une demi-heure chacun, commandés par le Ministère de l'Information britannique (Ministry of Information), Bon Voyage et Aventure malgache. Ces films, les seuls qu'Alfred Hitchcock aura tourné en français, sont à la gloire des Forces françaises libres mais « présentent des touches typiquement hitchcockiennes ». Le second, jugé trop sensible, sera interdit en France. Dans les années 1990, les deux films seront diffusés sur la chaîne américaine Turner Classic Movies et sortiront par la suite en vidéo. 

Montrer l'horreur des camps

Pendant six semaines de juin et juillet 1945, Hitchcock travaille bénévolement comme « conseiller artistique » (treatment advisor, en fait comme monteur) à un documentaire produit par l'Armée britannique et consacré à ce que l'imagination ne permettait pas encore de concevoir être la Shoah. Dirigé par Sidney Bernstein, le film est un montage des séquences enregistrées au moment de la libération de onze camps de concentration nazis par les opérateurs militaires, les Anglais Mike Lewis et William Lawrie, l'Allemand naturalisé américain Arthur Mainzer, le Russe Alexandre Vorontsoff. German Concentration Camps Factual Survey montre des images insoutenables. Le réalisateur avouera à la fin de sa vie qu'elles ne l'auront plus jamais quitté. Avec son monteur, il en aura éliminé les aspects de propagande les plus flagrants, principalement les images soviétiques, privilégié les plans-séquences longs, qui démentent toute manipulation faite au montage, mis en avant les preuves qui inscrivent le crime dans la réalité quotidienne, toujours dans un souci de véracité et dans la prévention du négationisme. Dès début août, le budget est supprimé pour des raisons politiques, dissolution de l'état major des forces expéditionnaires alliées, ménagement du moral des Allemands dans la perspective de la reconstruction, crainte du retournement de l'opinion publique anglaise en faveur des réfugiés affluant en Palestine mandataire. Déposé sous la cote F3080 à l'Imperial War Museum de Londres, le documentaire restera inédit jusqu'à sa projection au Festival de Berlin en 1984. Il sera alors complété pour la série Frontline de la chaîne américaine PBS et diffusé l'année suivante sous le titre Memory of the Camps. 

Seconde période américaine

Derniers films avec Selznick

Hitchcock retourne ensuite aux États-Unis pour tourner La Maison du docteur Edwardes (Spellbound, 1945), deuxième film du réalisateur, après Rebecca, ayant Selznick pour producteur, et qui explore le thème alors en vogue de la psychanalyse. Les rôles principaux sont tenus par Gregory Peck et Ingrid Bergman. Peck incarne un personnage se présentant d'abord comme le dr. Anthony Edwardes, le nouveau directeur d'un asile psychiatrique. On le suspecte bien vite de ne pas être celui qu'il prétend. Atteint d'amnésie, puis bientôt accusé du meurtre du vrai Edwardes, il est aidé dans sa quête d'identité par la jeune dr. Peterson (Bergman) qui, finalement, lui permettra également de se disculper. L'une des séquences les plus célèbres du film, par ailleurs extrêmement bavard, est celle du rêve surréaliste créée par Salvador Dalí, une sorte de rébus qui va permettre à la psychanalyste d'élucider le mystérieux passé de son protégé. Jugée trop dérangeante pour le public, la scène onirique telle qu'elle apparaît aujourd'hui dans le film est sensiblement plus courte que les quelques minutes prévues au départ. 

Une partie de la bande originale composée pour le film par Miklós Rózsa — qui se sert notamment d'un thérémine — sera plus tard adaptée par le compositeur sous la forme d'un concerto pour piano La Maison du docteur Edwardes et sera un grand succès commercial. Dans le livre-interview de François Truffaut, Hitchcock affirme que Selznick, pour compenser le dépassement de budget du western Duel au soleil (Duel in the Sun, 1946), produit par lui et réalisé par King Vidor, vend alors en « lot » à la société RKO : Hitchcock, metteur en scène, Cary Grant et Ingrid Bergman, les deux vedettes, ainsi qu'un scénario de Ben Hecht, et ce pour un montant de 500 000 $. Cette transaction est à l'origine des Enchaînés (Notorious, 1946). Bergman doit y jouer le rôle d'une jeune femme, fille d'un espion nazi devenue alcoolique qui, au début du film, est séduite par un agent du gouvernement américain (Grant). Ce dernier a en fait pour mission de se servir d'elle pour espionner un dénommé Alexander Sebastian (Claude Rains), l'un de ses anciens amants, ami de son père et qui, réfugié en Amérique latine, plus précisément au Brésil, mène des activités suspectes. 

Alors qu'il travaille à l'écriture du scénario avec Ben Hecht, le réalisateur se demande quel « MacGuffin » les héros du film pourraient bien rechercher et choisit l'uranium, passé en contrebande dans des bouteilles de vin par les espions et destiné à la fabrication d'une bombe atomique. Il consulte des experts qui, pour l'éloigner de la vérité, tentent de lui faire croire que cette bombe est composée d'eau lourde et non d'uranium ; à ce sujet, le réalisateur aurait consulté notamment Robert Millikan, de l'institut Caltech. Jugeant le « MacGuffin » totalement ridicule, le studio se montre plutôt réticent. Selznick lui-même, jusqu'à la diffusion de la nouvelle des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki d'août 1945, considérait le sujet comme relevant du domaine de la « science-fiction ». Le réalisateur finit par percer le secret de la fabrication de la bombe et, par la suite, il apprendra que le FBI l'a fait suivre trois mois durant pour découvrir d'où il tenait cette information. Les Enchaînés remportera un énorme succès au box office et reste l'un des films les plus acclamés du réalisateur, notamment considéré par Truffaut comme le meilleur film en noir et blanc d'Hitchcock. 

Le Procès Paradine (1947), un drame judiciaire, est le dernier film d'Hitchcock produit par Selznick. Écœuré par la fortune que le producteur amasse sur son dos — celui-ci touche, à chaque contrat, autant que lui —, Hitchcock manifeste peu d'intérêt pour le projet. Dans le film, Alida Valli joue une jeune femme accusée d'avoir empoisonné son mari, un vieillard riche et aveugle. Son avocat (Gregory Peck) finira par succomber à son charme glacial. Le film sera un désastre, tant auprès du public que de la critique, cette dernière le jugeant fastidieux, pêchant par une durée excessive et un manque d'idées. Hitchcock refusera de poursuivre sa collaboration avec Selznick, lequel lui avait néanmoins appris une leçon majeure : à Hollywood, c'est le producteur qui décide du final cut. Dès lors, le réalisateur fait une tentative pour s'autoproduire. 

Transatlantic Pictures

En 1948, Hitchcock, en tandem avec son compatriote et ami Sidney Bernstein, créé Transatlantic Pictures, une société de production avec laquelle il réalisera deux films. Pour le premier, le réalisateur choisit d'adapter la pièce Rope's End de Patrick Hamilton — qui deviendra à l'écran La Corde (Rope, 1948), inspirée du meurtre commis en 1924 par Nathan Leopold et Richard Loeb — rebaptisés dans le film Brandon Shaw et Philip Morgan. Le film débute — après un plan d'exposition montrant une rue en contre-plongée et sur lequel défile le générique — par l'assassinat d'un jeune homme par deux de ses camarades. Ceux-ci préparent ensuite un dîner auquel sont conviés le soir-même, sur le lieu du crime, les parents de la victime, sa petite amie et un ancien flirt de cette dernière. Parmi les invités se trouve également un de leurs professeurs, Rupert Cadell, qui, observant le comportement étrange des jeunes gens au cours de la soirée, va commencer à soupçonner l'impensable. Les deux meurtriers sont joués par John Dall et Farley Granger et, pour le rôle du professeur, la Warner Bros., qui distribue le film, choisit James Stewart. C'est le premier des quatre films que l'acteur tournera avec le réalisateur.

La Corde est le premier film d'Hitchcock tourné en couleur et constitue aussi un exercice de style. Comme il l'avait fait quelques années auparavant pour Lifeboat80, le réalisateur se lance le défi d'un suspense méthodiquement ordonné dans un espace confiné. Il expérimente également des plans exceptionnellement longs : le film en comporte en tout onze, un par bobine, certains pouvant durer jusqu'à dix minutes. D'une manière ou d'une autre, le caméraman d'Hitchcock réussit à déplacer de façon fluide à travers le décor la lourde et encombrante caméra Technicolor et à suivre l'action continue des longs plans-séquences. Terminé le 21 février, le film sort aux États-Unis en septembre 1948 sous le titre Alfred Hitchcock's Rope (La Corde d'Alfred Hitchcock). C'est alors la première fois que son nom apparaît dans un titre, et Hitchcock en éprouve une grande fierté. Les critiques, néanmoins, sont mitigées, et le succès public tempéré par l'action des ligues de vertu. Le film n'a pas de problèmes avec la censure, bien qu'il soit interdit dans plusieurs régions des États-Unis, ou bien projeté avec des coupures (généralement la scène du meurtre). Le National Board of Review le déconseillera aux moins de vingt et un ans. En Europe, il est tout d'abord interdit en France et en Italie. En définitive, La Corde ne connaît pas un succès retentissant, mais les producteurs rentreront largement dans leurs frais.

Le premier succès de Transatlantic Pictures est contrebalancé par l'échec des Amants du Capricorne (Under Capricorn, 1949), un drame historique ayant pour cadre l'Australie du XIXe siècle. Ingrid Bergman y joue le rôle d'une jeune femme qui, grâce à l'amour, parvient à échapper à l'alcool et à la folie. Comme pour La Corde, Hitchcock, dans Les Amants du Capricorne, recourt aux plans-séquences, mais de façon toutefois moins appuyée. Le film est également tourné en Technicolor ; cependant, le réalisateur préférera, pour ses trois films suivants, revenir au noir et blanc. C'est le film que le cinéaste dira regretter le plus avoir tourné. Il marque la dernière collaboration d'Hitchcock avec l'actrice Ingrid Bergman, et l'échec du film — le plus grand échec de toute la carrière du réalisateur — signe la fin de l'éphémère société Transatlantic. Hitchcock continuera néanmoins, jusqu'à la fin, à produire ses propres films. Le 3 janvier 1949, le réalisateur signe avec Warner Bros. un contrat par lequel il s'engage à tourner quatre films en six ans pour un salaire global de 990 000 $. 

Les années 1950 : l'apogée d'un réalisateur

Au début des années 1950, Lew Wasserman, alors à la tête de MCA et dont James Stewart et Janet Leigh, parmi d'autres acteurs qui apparaîtront dans des films d'Hitchcock, font partie de la clientèle, aura alors une influence prépondérante sur l'image et la promotion des films du réalisateur. Les films réalisés et produits par Hitchcock à partir de 1954 et Le crime était presque parfait sont en général considérés comme ses plus grands chefs-d'œuvre (cette période faste s'étendra jusqu'au début de la décennie suivante, jusqu'aux Oiseaux, en 1963). Pressé par ses créanciers et par Wasserman, Hitchcock accepte en 1955 de prêter son nom et son image à une série télévisée intitulée d'abord Alfred Hitchcock présente (1955-1962) pour un salaire de 129 000 $ par épisode de 30 minutes.

En 1950, Hitchcock retourne en Grande-Bretagne pour y diriger Le Grand Alibi (Stage Fright). Pour la première fois, Hitchcock associe à l'écran Jane Wyman, l'une des plus grandes vedettes de la Warner Bros, avec la sensuelle actrice allemande Marlène Dietrich. Font également partie de la distribution un certain nombre d'acteurs britanniques de premier plan, dont Michael Wilding, Richard Todd et Alastair Sim. C'est le premier film du réalisateur produit par Warner Bros., qui auparavant avait déjà distribué La Corde et Les Amants du Capricorne, la société Transatlantic devant alors faire face à des difficultés financières. 

L'histoire rappelle des films précédents du réalisateur, comme Les 39 Marches (1935), Jeune et Innocent (1937) et Cinquième Colonne (1942) : Jonathan Cooper (Todd), un homme épris d'une comédienne et chanteuse (Dietrich), est soupçonné d'être le meurtrier du mari de celle-ci ; son amie Eve (Wyman) tente dès lors de lui venir en aide. Toutefois, le cinéaste se livre ici à une nouvelle expérience : le film commence par un flashback qui, finalement, se révèlera trompeur. Le film n'est pas un succès, ce qu'Hitchcock expliquera du fait que, à cause de ce procédé narratif alors peu orthodoxe, le public se serait senti grugé.

Au début de l'année 1950, Hitchcock découvre avec enthousiasme le premier roman de Patricia Highsmith : Strangers on a Train, dont il acquiert les droits le 20 avril, pour un montant de 75 000 $. Le réalisateur travaille sur le synopsis avec Whitfield Cook en juin. Pour l'écriture des dialogues, Hitchcock approche d'abord Dashiell Hammett, mais c'est Raymond Chandler, suggéré par la Warner, qui se charge du travail ; celui-ci n'ira cependant pas jusqu'au bout, à cause de désaccords opposant l'écrivain et le réalisateur. Hitchcock expliquera plus tard : « Je me souviens de mon travail sur L'Inconnu du Nord-Express, Je ne trouvais personne qui voulût collaborer avec moi. Tout le monde pensait que mon premier jet était à la fois si plat et si proche des faits qu'on n'y trouvait pas la moindre qualité. En réalité, tout le film était là, visuellement. »

Dans L'Inconnu du Nord-Express, Hitchcock combine de nombreux éléments de ses précédents films. Deux hommes se rencontrent par hasard dans un train et évoquent l'idée de chacun débarrasser l'autre de la personne qui lui pose problème. Alors que pour le premier, un champion de tennis (dans le livre, le personnage est un architecte), il ne s'agit que d'une plaisanterie, le second prend l'histoire tout à fait au sérieux. Avec Farley Granger reprenant certains éléments de son rôle de La Corde, le réalisateur, dans L'Inconnu, continue à s'intéresser aux possibilités narratives des thèmes du chantage et du meurtre. Robert Walker, qui jusque-là n'avait joué que des rôles de jeune homme « bien sous tout rapport », incarne ici le « méchant ». Sa performance de dément inquiétant, trop lié à sa mère, annonce celle de Perkins dans Psychose ; malheureusement, Walker décédera quelques mois après la sortie du film. Hitchcock confie par ailleurs l'un des rôles secondaires à Patricia, « Pat », sa propre fille, alors âgée de vingt-deux ans et qui avait déjà joué un petit rôle dans Le Grand Alibi : dans L'Inconnu, elle incarne Barbara, « Babs », une jeune fille victime, non pas directement mais en désir, de la démence meurtrière de Bruno, le personnage joué par Walker.

Sorti en mars 1951, L'Inconnu du Nord-Express, malgré quelques plaintes de personnes outrées par ses connotations sexuelles et son meurtre explicite, connaît un immense succès. Hitchcock, après l'échec de l'aventure Transatlantic, a retrouvé la confiance du public et des studios. Dès les années 1930, l'idée d'adapter un pièce appelée Nos deux consciences, un drame catholique écrit en 1902 par Paul Anthelme (pseudonyme de Paul Bourde), trotte dans la tête d'Hitchcock ; plus d'une dizaine d'années plus tard, il a enfin l'opportunité de mener à bien ce projet. L'histoire est celle d'un prêtre que sa conscience force à endosser la culpabilité d'un crime perpétré par un autre, un thème assez délicat. Peu à peu, le projet de ce qui deviendra La Loi du silence (I Confess) se concrétise. 

Étant donné le contexte catholique de l'histoire, un tournage aux États-Unis est exclu. L'action, dès lors, est transposée au Québec où, après avoir écrit une première ébauche, le réalisateur et sa femme se rendent en repérage. Le réalisateur hésite quant au choix du scénariste définitif, jusqu'à ce qu'Alma lui suggère d'engager William Archibald, lequel avait fait ses preuves à Broadway ; George Tabori participe également à l'écriture. Montgomery Clift et Anne Baxter interpréteront les deux rôles principaux. La Loi du silence sort à la mi-février 1953. Le film est reçu timidement, tant par la critique que par le public. Par la suite, Hitchcock expliquera à François Truffaut : « L'idée de base n'est pas acceptable pour le public. Nous savons, nous les catholiques, qu'un prêtre ne peut pas révéler un secret de la confession, mais les protestants, les athées, les agnostiques pensent : "C'est ridicule de se taire ; aucun homme ne sacrifierait sa vie pour une chose pareille." »

Hitchcock qui, sans doute par commodité, jugera toujours ses films à l'aune de l'accueil réservé à ceux-ci par le public, ira jusqu'à déclarer que La Loi était une « erreur ». Suivent trois films très populaires ayant chacun pour vedette Grace Kelly, qui allait devenir l'archétype de la « blonde hitchcockienne ». En 1953, Hitchcock est lié depuis quatre ans à la Warner Bros., pour laquelle il lui reste un film à tourner. Durant quelque temps, il travaille à l'adaptation d'un roman de David Duncan, The Bramble Bush, mais il finit par renoncer. Le réalisateur découvre alors que le studio a acheté les droits d'une pièce à succès de Broadway, Dial M for Murder, dont l'auteur est Frederick Knott. Le crime était presque parfait marque le retour d'Hitchcock au Technicolor, mais il expérimente aussi un procédé en vogue à l'époque, le cinéma en 3-D, en relief stéréoscopique et projection en lumière polarisée, obligeant l'utilisation pour le public de lunettes adaptées. Le film ne sera cependant pas exploité dans ce format à l'origine ; il sera projeté en 3-D au début des années 1980. Hitchcock pense un moment confier les rôles du mari et de l'épouse à Cary Grant et Olivia de Havilland, mais il se heurte à un refus de la part des studios. Le réalisateur fait donc appel à une jeune actrice qui n'avait tourné jusque-là que trois films : Grace Kelly. Elle allait devenir, en plus d'une grande amie, son actrice favorite. Dans Le Crime, le rôle du « méchant », très différent du Bruno de L'Inconnu du Nord-Express, est joué par Ray Milland. C'est un dandy vénal et calculateur, ex-joueur de tennis professionnel (activité exercée par le héros/victime de L'Inconnu), qui échafaude un plan machiavélique pour se débarrasser de sa femme infidèle (Kelly), et hériter de sa fortune.

C'est elle cependant qui, pour se défendre, tue l'homme engagé pour effectuer la triste besogne. Le mari manipule alors les preuves pour que sa femme soit accusée d'avoir assassiné l'homme de main. L'amant, Mark Halliday (Robert Cummings), et l'inspecteur de police Hubbard (John Williams) doivent dès lors agir rapidement pour sauver la jeune femme de la peine capitale. Hitchcock tire astucieusement parti des ressorts, non moins astucieux, de la pièce et, à sa sortie, Le crime était presque parfait est salué comme un « grand » Hitchcock. Au moment du tournage du Crime était presque parfait, Lew Wasserman, l'agent d'Hitchcock, signe avec la Paramount un contrat de neuf films, dont le premier doit être l'adaptation d'une nouvelle de Cornell Woolrich — pseudonyme de William Irish —, intitulée It Had to be a Murder, laquelle deviendra à l'écran Fenêtre sur cour (Rear Window, 1954). Pour écrire le scénario, Hitchcock fait appel à John Michael Hayes, un ancien journaliste, qui collaborera également à l'écriture de ses trois films suivants. 

Fenêtre sur cour a pour vedettes James Stewart et, de nouveau, Kelly ; les seconds rôles sont notamment tenus par Thelma Ritter et Raymond Burr. L'histoire se passe à New York. Un photographe (Stewart, un personnage basé sur Robert Capa), qui se retrouve à la suite d'un accident plâtré et en chaise roulante, devient obsédé par l'observation des habitants d'un immeuble séparé du sien par une cour. Peu à peu, il commence à suspecter l'un de ces voisins (Burr) d'avoir tué sa femme et, dès lors, tente d'amener à la fois sa petite amie mannequin (Kelly) et un policier de ses amis (Wendell Corey) à partager ses craintes. Tant bien que mal, il finit par y arriver. Comme dans Lifeboat80 et La Corde, le film est presque entièrement tourné dans un espace réduit, le minuscule appartement du photographe, qui cependant surplombe un décor impressionnant, constitué par la cour et l'immeuble d'en face. Hitchcock se sert de gros plans du visage de Stewart pour montrer les réactions du personnage par rapport à tout ce dont il est spectateur, depuis l'amusant voyeurisme face à des scènes en apparence anodines, jusqu'à sa terreur impuissante, quand il voit sa fiancée, qui s'est introduite dans l'appartement suspect, menacée par l'arrivée, soudaine et inattendue, du supposé tueur.

À sa sortie, le film connaît un grand succès et obtient quatre propositions aux oscars, dont celle du meilleur réalisateur ; il n'en reçoit cependant aucun. Fenêtre sur cour n'est pas encore sorti qu'Hitchcock est déjà occupé à un autre projet. La Paramount lui propose de réaliser l'adaptation de To Catch a Thief, un roman de David Dodge. Très satisfait de Hayes comme scénariste, le réalisateur engage de nouveau celui-ci. Hayes, cependant, ne connaît pas du tout le sud de la France, situation à laquelle le réalisateur remédie aussitôt : « Quand il apprit que je n'étais jamais allé dans le sud de la France, il s'arrangea pour que ma femme m'accompagne, aux frais du studio, afin d'y effectuer des repérages. Ce voyage fut naturellement le bienvenu et, à mon retour, je savais exactement quoi faire du roman. » Fin avril 1954, le scénario est prêt, et le tournage commence dès le début du mois de mai. 

Le troisième et dernier film d'Hitchcock avec Grace Kelly, La Main au collet (To Catch a Thief, 1955) est une comédie policière ayant pour décor la Riviera française et donne à l'actrice pour partenaire Cary Grant. John Williams fait de nouveau partie de la distribution, aux côtés notamment, couleur locale oblige, des Français Brigitte Auber et Charles Vanel (lequel ne parle pas un mot d'anglais). Grant joue le rôle de John Robie, dit « le Chat », fameux cambrioleur « à la retraite », mais qui devient le principal suspect d'une série de vols commis sur la Riviera. Une héritière américaine (Kelly) perce le mystère de sa véritable identité, tente de le séduire avec ses propres bijoux, et se propose même de l'aider dans ses projets criminels...

La première a lieu à New York, le 15 août 1955. Selon le réalisateur, La Main au collet est un « film léger ». C'est du moins le constat que fait la critique dans son ensemble ; cependant, elle souligne aussi les points forts et les charmes de cette œuvre. Le public, quant à lui, se montre très satisfait. « Malgré la différence d'âge évidente entre Grant et Kelly et une intrigue plutôt mince, le scénario plein d'esprit (truffé de doubles-sens) et l'interprétation bon enfant des acteurs, finalement, garantit au film un succès commercial. » Il s'agit de la dernière collaboration entre Hitchcock et Grace Kelly, à cause du mariage de celle-ci avec le prince Rainier de Monaco, en 1956, un statut qui l'obligeait à mettre un terme à sa carrière d'actrice. L'année 1955 marque également les débuts d'Hitchcock à la télévision américaine, avec une série d'histoires plus ou moins macabres produite pour CBS et qui portera son nom : Alfred Hitchcock présente. Hitchcock réalisera lui-même, entre l'année de création jusqu'en 1962, en tout vingt épisodes de la série. De 1962 à 1965, la série prendra le titre de Suspicion

Le réalisateur n'abandonne pas pour autant sa carrière au cinéma. En 1950, il avait lu le roman de Jack Trevor Story, The Trouble with Harry. Avant de partir tourner La Main au collet, il demande à Hayes de travailler à son adaptation. Les droits sont achetés 11 000 $, malgré le fait que, quatre ans plus tôt, le comité de lecture de la Paramount ait émis un avis défavorable concernant le roman, jugeant son humour trop fragile, un peu bizarre, et ses personnages ressemblant un peu à des extra-terrestres. Mais qui a tué Harry ? suit le parcours d'un cadavre, sur lequel tombe d'abord un petit garçon. Celui-ci court chercher sa maman. Au même moment, un vieux chasseur découvre le corps et pense l'avoir tué. Tour à tour, d'autres personnages, confrontés au mort, s'imagineront avoir quelque chose à voir avec son état ; pour divers motifs, le cadavre est enterré et déterré plusieurs fois. Occupé au tournage de La Main au collet, Hitchcock ne peut s'occuper de la distribution. C'est dès lors Herbert Coleman, son producteur associé, qui s'en charge ; ainsi donc sont choisis, pour les deux rôles principaux, Shirley MacLaine, pour qui ce sera la première apparition au grand écran, et John Forsythe. Le tournage s'effectue en partie en décor naturel dans le Vermont, et en partie en studio, à Hollywood. Harry marque par ailleurs la première collaboration à un film d'Hitchcock du compositeur Bernard Herrmann.

Hitchcock confiera à François Truffaut : « J'ai tourné ce film pour prouver que le public américain pouvait apprécier l'humour anglais et cela n'a pas trop mal marché. » Quand le film sort, le réalisateur est déjà occupé à tourner son film suivant, qui retient toute son attention. La Paramount ne sait trop quoi faire de Harry, renonçant même à le promouvoir. Dès lors, aux États-Unis, le film n'intéresse que moyennement le public. En Europe, en revanche, il est très bien accueilli, notamment en Grande-Bretagne, et en France, où il reçoit des critiques très positives et restera même six mois à l'affiche. L'humour macabre de Mais qui a tué Harry se retrouve à la télévision dans les présentations et les conclusions, données par le maître en personne, de chaque épisode de sa série, Alfred Hitchcock présente. Fin 1954, Hitchcock vient d'achever sa quatrième réalisation en dix-sept mois ; pourtant, hors de question pour lui de faire une pause. Il repense alors à l'un de ses succès de la période britannique, L'Homme qui en savait trop (1934) dont, en 1941, à l'époque où il était sous contrat avec Selznick, il avait déjà envisagé de réaliser une nouvelle version. Finalement, pour la première et ce qui sera la dernière fois de sa carrière, il se décide à tourner un remake, celui de son propre film.

Pour écrire le remake de L'Homme qui en savait trop, Hitchcock s'adresse encore une fois à Hayes. Le réalisateur, qui demande au scénariste de ne pas visionner l'original, lui en raconte simplement l'histoire : un espion est assassiné et confie à un docteur en médecine, rencontré la veille, qu'un attentat se prépare ; le médecin et sa femme se retrouvent alors embarqués dans un complot international et sont obligés de se taire pour sauver leur fils gardé en otage. Hitchcock offre le rôle principal à James Stewart, pour qui il s'agit, après La Corde et Fenêtre sur cour, de la troisième collaboration avec le réalisateur ; quant au rôle de l'épouse, ancienne chanteuse dans le film, il est confié à Doris Day, que le cinéaste avait repérée quelques années auparavant dans Storm Warning. Le film est tourné à Londres et Marrakech. Pour la musique, il est de nouveau fait appel à Herrmann ; on pourra d'ailleurs voir celui-ci diriger l'Orchestre symphonique de Londres lors de l'éprouvante scène finale, au Royal Albert Hall. Les derniers plans sont tournés dans les studios Paramount en juillet 1955. Le film se révèlera être le plus rentable de l'année 1956. La chanson Que sera, sera (Whatever Will Be, Will Be), écrite par Jay Livingston et Ray Evans, sera récompensée par l'Oscar de la meilleure chanson originale et deviendra un grand succès de Doris Day. Au sujet de la seconde version de L'Homme qui en savait trop, Hitchcock dira plus tard : « Disons que la première version est l'œuvre d'un amateur de talent et la seconde, celle d'un professionnel. »

Le Faux Coupable (The Wrong Man, 1957) est le dernier film réalisé par Hitchcock pour Warner Bros. Tourné en noir et blanc, Le Faux Coupable n'est pas un thriller mais un drame, basé sur une histoire vraie, une erreur judiciaire rapportée par Life Magazine en 1953. Le sujet est traité d'une façon réaliste, quasi documentaire. Henry Fonda y interprète un musicien du Stork Club, à New York, que l'on prend à tort pour l'auteur de plusieurs hold-up commis dans la même compagnie d'assurances. Il est arrêté pour ce crime dont il est innocent. Sa femme (Vera Miles, dont c'est la première apparition dans un film du réalisateur), le pousse à prouver son innocence avant que n'aie lieu le procès, mais elle ne peut résister au stress de la situation et, d'une façon qui semble irrémédiable, sombre dans la dépression. Le réalisateur accorde au Faux Coupable une place particulière, substituant à son habituel caméo une introduction faite par lui-même en voix off au début du film : « C'est Alfred Hitchcock qui parle. Par le passé, je vous ai donné de nombreuses sortes de films à suspense, mais cette fois, je voudrais que vous en voyiez un différent. La différence réside dans le fait que c'est une histoire vraie, dont chaque mot est véridique. Cependant, il contient des éléments plus étranges que toute la fiction figurant dans bon nombre de thrillers que j'ai faits auparavant. »

Comme dans La Loi du silence, autre film « sérieux » du réalisateur, le catholicisme est évoqué : certains plans s'attardent sur le chapelet du faux coupable, et c'est à la suite d'une prière de celui-ci devant l'image du Christ, que le vrai coupable est révélé. Le film reçoit un accueil public mitigé. Par la suite, Hitchcock racontera à Truffaut qu'il avait été poussé à faire ce film par la peur qu'il avait toujours éprouvée à l'égard de la police, et dont on trouve des traces dans de nombreuses scènes, notamment celle où le personnage joué par Fonda explique à son fils l'épreuve qu'il a subie et qui fait écho, en inversant les rôles, à un épisode traumatisant qu'aurait vécu le réalisateur durant son enfance. Quelques années auparavant, Hitchcock s'était intéressé au roman Celle qui n'était plus des Français Pierre Boileau et Thomas Narcejac, mais le livre lui avait échappé et, finalement, c'est Henri-Georges Clouzot qui l'avait porté à l'écran, sous le titre Les Diaboliques, film sorti en 1955. Après Le Faux Coupable, Hitchcock songe à tourner l'adaptation de D'entre les morts, une autre œuvre du tandem.

Pour l'écriture de ce qui deviendra Sueurs froides (Vertigo, 1958), il recourt, avant de se montrer satisfait du scénario, à pas moins de trois auteurs. Le dernier, Samuel Taylor, avouera plus tard qu'il avait travaillé sans lire ni le premier scénario, ni même le roman original, mais en se bornant à suivre les indications du réalisateur, ceci afin de se concentrer sur le personnage principal. Le réalisateur engage comme vedette masculine James Stewart. Pour l'interprète de l'obsédante jeune femme, Hitchcock souhaite d'abord engager Vera Miles, dont la prestation dans son film précédent s'était révélée excellente, mais celle-ci, qui est enceinte, est forcée de refuser. Dès lors, le studio lui trouve une remplaçante en la personne de Kim Novak, laquelle trouvera ici l'un de ses meilleurs rôles.

Bien qu'il soit centré sur un meurtre, Sueurs froides n'est pas à proprement parler un film policier, mais, selon les propres mots du réalisateur, « une histoire d'amour au climat étrange ». Stewart est « Scottie », un ancien enquêteur de la police souffrant d'acrophobie et devenant progressivement obsédé par une mystérieuse jeune femme (Novak), qu'il est amené à prendre en filature. Le vertige insurmontable et l'obsession de Scottie débouchent sur une tragédie. Par la suite, il rencontre une autre jeune femme qui ressemble étonnamment à la disparue. Le film se conclut sans happy end. La première a lieu en Espagne, lors du Festival de Saint-Sébastien, où Hitchcock remporte la concha d'argent. Bien qu'il soit de nos jours souvent considéré comme un classique, Sueurs froides se heurte toutefois, au moment de sa sortie, à des critiques négatives et à un accueil réservé de la part du public ; il marque la dernière collaboration entre James Stewart et le réalisateur. Le film, pourtant, est aujourd'hui considéré par beaucoup comme l'un des meilleurs films du réalisateur, et se retrouve notamment dans le peloton de tête du classement Sight and Sound des meilleurs films de la décennie ; il constituera par ailleurs, avec Psychose, l'un des points de référence privilégiés par Brian De Palma pour sa relecture cinématographique de l'œuvre hitchcockienne, dans les années 1970-1980.

En 1958, Hitchcock apprend que sa femme, Alma, est atteinte d'un cancer du sein. C'est ainsi qu'il apparaît l'année suivante dans Tactic, une émission de télévision consacrée à la prévention de ce type de cancer. Alma guérira grâce à un traitement expérimental. Hitchcock, alors, a filmé dans de nombreuses régions des États-Unis. À Sueurs froides109 succèdent trois autres films à succès, tous reconnus comme faisant partie de ses meilleurs longs-métrages : La Mort aux trousses (North by Northwest, 1959), Psychose (Psycho, 1960)10 et Les Oiseaux (The Birds, 1963). Le premier reprend le thème du « Monsieur Tout le monde » pris dans un engrenage, injustement poursuivi, et contraint tant bien que mal de se disculper. Dans La Mort aux trousses, Cary Grant joue le rôle de Roger Thornhill, un publicitaire de Madison Avenue qui n'a jamais eu maille à partir qu'avec sa mère excentrique, et qui, par un concours de circonstances, se trouve soudainement pris pour cible par une mystérieuse organisation. Il fait la connaissance d'une blonde séduisante, Eve Kendall (Eva Marie Saint), qui le séduit avant de le faire tomber dans un piège... L'écriture du scénario original est confiée à Ernest Lehman. Pour la scène finale, Hitchcock a l'idée d'utiliser comme cadre le Mont Rushmore, un site cependant protégé. Le 17 septembre 1958, il obtient finalement l'autorisation du Ministère de l'Intérieur des États-Unis de se servir de maquettes des fameuses sculptures représentant le visage de quatre présidents. Le générique du film (domaine dans lequel Hitchcock avait fait ses débuts), comme celui de Sueurs froides, est dû au graphiste Saul Bass, et Herrmann, qui depuis Harry est devenu le compositeur attitré d'Hitchcock, signe ici ce qui deviendra l'une de ses plus célèbres partitions. 

Alfred Hitchcock et Alma Reville

Alfred Hitchcock et Alma Reville

Les années 1960

La décennie commence avec deux films généralement considérés comme des sommets de l'art du réalisateur, Psychose (1960) et Les Oiseaux (1963). Les films qui suivront seront moins personnels, et peut-être aussi moins ambitieux. L'âge commence à se faire sentir, le cinéma est en crise à cause de l'arrivée de la télévision dans les ménages, et Hitchcock a alors perdu deux de ses plus proches collaborateurs : Bernard Herrmann, le compositeur, et Robert Burks, le directeur photo. Les films réalisés après Pas de printemps pour Marnie (1964) n'auront pas la même dimension que ceux de l'« âge d'or » du réalisateur.  Alors qu'il lit la rubrique « Livres » du New York Times, Hitchcock tombe sur une excellente critique de Psycho, un livre de Robert Bloch, fondé sur l'histoire d'Ed Gein, un tueur en série. Il achète le roman, et annonce à sa secrétaire : « Je tiens notre prochain sujet ». Ce qui motive aussi et surtout le cinéaste, c'est le défi de réaliser un film aussi efficace que possible avec des moyens restreints. Étant donné que beaucoup de mauvais films en noir et blanc et peu coûteux se révélaient malgré tout être des succès au box office, il se demande ce qui se passerait pour un film tourné dans les mêmes conditions, mais réalisé avec soin. Produit avec un budget en effet très limité — 800 000 $ —, Psychose est tourné avec l'équipe de télévision d'Alfred Hitchcock présente sur un terrain abandonné des studios Universal.

Pour écrire Psychose, qui allait devenir l'un des sommets de la filmographie du réalisateur, considéré par certains comme son chef-d'œuvre, Hitchcock s'en remet à Joseph Stefano, un scénariste débutant. Tout commence par le vol d'une certaine somme d'argent par l'employée d'une compagnie d'assurances, Marion Crane (Janet Leigh) qui, prise dans une histoire d'amour difficile, agit sur un coup de tête. Elle prend la fuite à bord de sa voiture, qu'elle échange, après avoir été arrêtée par un policier, contre une voiture d'occasion. Surprise par un orage, elle décide de passer la nuit dans un motel, que les clients semblent avoir déserté, et dont elle fait connaissance du propriétaire, Norman Bates (Anthony Perkins), jeune homme sympathique mais aux réactions un peu étranges. Ce dernier vit avec sa mère, possessive à l'extrême, dans une vieille demeure située à proximité. Sa conversation avec Norman convainc Marion de restituer l'argent dérobé. Tandis qu'elle est en train de prendre une douche, cependant, brutalement, violemment, la jeune femme est assassinée dans une scène restée célèbre. Une fois la disparition de l'argent et de la jeune femme constatée, un détective privé (Martin Balsam), ensuite l'amant et la sœur de Marion (Vera Miles), partent à sa recherche... Patricia Hitchcock, fille du réalisateur, joue ici aussi un petit rôle. Pour le film, Herrmann signe de nouveau une musique très inspirée, épousant les images (notamment les coups de couteau) et anticipant les émotions du spectateur à merveille. Pour la promotion du film, Hitchcock insiste pour que, contrairement à ce qui était auparavant une habitude, les guichets des salles ne laissent plus entrer de spectateurs une fois le film commencé, ce qui a en même temps pour effet de titiller la curiosité du public.

À sa sortie aux États-Unis, le film est mal reçu par la critique, selon laquelle il n'est pas à la hauteur de La Main au collet, Sueurs froides, La Mort aux trousses, et d'autres films d'Hitchcock. La raison probable de ces réactions est que les journalistes n'ont pas apprécié de découvrir le film au cinéma. Le public est cependant au rendez-vous et le film engrangera une recette de 40 000 000 $. Certains spectateurs, habitués à voir un Alfred Hitchcock plutôt amusant à la télévision sont sous le choc devant la violence, tout à fait inattendue, du film. Hitchcock, amené à s'expliquer, dira dans une interview que Psychose n'est « qu'une plaisanterie ». En même temps, il jubile de ce succès. En Europe, le film est acclamé aussi bien par la critique que par le public. La violence sans précédent de la scène de la douche, la disparition brutale de l'héroïne après seulement quelques scènes, les vies innocentes abrégées par un meurtrier dérangé, toutes caractéristiques de Psychose, seront par la suite copiées dans de nombreux films d'horreur. (Voir, plus bas, Influence sur le cinéma de genre). Après avoir achevé Psychose, Hitchcock part pour Universal, pour laquelle il tournera tous ses autres films. 

Hitchcock éprouve alors les plus grandes difficultés pour trouver un nouveau sujet. Il commence à travailler avec Joseph Stefano sur le scénario de Pas de printemps pour Marnie, film qui devait marquer le retour à l'écran de l'actrice fétiche du réalisateur, Grace Kelly : bien qu'elle fût devenue princesse de Monaco, celle-ci était prête à accepter dans un premier temps mais, en fin de compte, elle déclinera l'offre. Déçu mais non découragé, le réalisateur, pour son 49e long-métrage au cinéma, se tourne alors vers l'adaptation des Oiseaux, une nouvelle de Daphne du Maurier publiée en 1952 dans la revue féminine Good Housekeeping. Il pense d'abord en tirer un épisode d'Alfred Hitchcock présente mais, après avoir entendu qu'en Californie une femme avait réellement été attaquée par des oiseaux, il se décide, malgré les difficultés que cela implique et sans doute en partie à cause de celles-ci, à en faire le sujet de son prochain long-métrage.  À propos des Oiseaux, le réalisateur déclarera : « On pourrait dire que le thème des Oiseaux est l'excès d'autosatisfaction qu'on observe dans le monde : les gens sont inconscients des catastrophes qui nous menacent. »

Stefano, qui produisait alors la série Au-delà du réel, n'était pas disponible, et Hitchcock, dès lors, part à la recherche d'un autre scénariste. Après avoir envisagé plusieurs candidats, dont Ray Bradbury, le réalisateur se tourne vers Evan Hunter (qui allait devenir célèbre sous le pseudonyme d'Ed McBain), lequel accepte aussitôt. Le succès de Psychose malgré l'absence de grandes vedettes décide Hitchcock à s'en passer également pour Les Oiseaux. Pour incarner le rôle principal, après divers essais avec plusieurs actrices, son choix se porte finalement sur une inconnue, Tippi Hedren, qui viendra dès lors rejoindre notamment Ingrid Bergman et Grace Kelly dans le cercle fermé des « blondes hitchcockiennes ». Elle aura pour partenaires Rod Taylor, Suzanne Pleshette et Jessica Tandy. Le film commence dans une boutique où l'on vend des oiseaux par la rencontre fortuite et un jeu de séduction entre la fille d'un patron de presse, Melanie Daniels (Hedren), et un avocat, Mitch Brenner (Taylor). Ce dernier veut offrir à sa jeune sœur un couple d'inséparables (en anglais : lovebirds, littéralement « oiseaux d'amour »). Après l'épisode, et bien que la rencontre se fût déroulée assez mal, Melanie, impulsivement, décide de revoir l'homme qui, en fait, vit avec sa mère et sa sœur dans une maison isolée sur un petit îlot de Bodega Bay, un endroit assez éloigné de chez elle. Bientôt, l'endroit devient la cible d'attaques d'oiseaux de toutes espèces, attaques dont la cause n'est pas expliquée dans le film, « sans doute pour souligner le mystère de forces inconnues ».

Le réalisateur dispose ici d'un budget bien plus confortable que pour son film précédent, soit 2 500 000 $, argent qui sera surtout consacré aux effets spéciaux, lesquels font l'objet d'un soin tout particulier. Les séquences où l'on voit des oiseaux attaquer nécessiteront en effet des centaines de prises, mélangeant scènes réelles et scènes d'animation. Le tournage débute le 5 mars 1962 ; tout a été méticuleusement prévu car Hitchcock n'aime pas les extérieurs, du fait qu'ils impliquent des difficultés relatives au contrôle notamment de la lumière et du bruit ambiant. Pour la bande son, la musique est remplacée par des effets composés entre autres de l'enregistrement de cris d'oiseau et de battements d'ailes, dont Herrmann se charge de superviser la distribution dans les différentes scènes. Avec un gros budget et un film qu'il considérait de son propre aveu comme « le plus important », Hitchcock ne peut décevoir. Les Oiseaux est présenté pour la première fois en ouverture de l'édition 1963 du Festival de Cannes, en dehors de la sélection officielle. En sortant de la projection, le public est sous le choc : « Ce n'est pas le lâcher de quelques pigeons débonnaires, ni le charme de son interprète Tippi Hedren qui pourront atténuer l'impression d'horreur ressentie à la présentation de son film Les Oiseaux ». Aux États-Unis, le film remporte en tout 11 403 559 $, un résultat moins bon que prévu, mais qui suffit cependant à rassurer le réalisateur. Les Oiseaux figurera au 16e rang des films les plus vus de l'année 1963. Aujourd'hui, le film est considéré comme un classique du cinéma d'épouvante.

Psychose et Les Oiseaux sont particulièrement remarquables pour leur bande son inhabituelle, orchestrée dans les deux cas par Bernard Herrmann. Les cordes stridentes jouées dans la première scène de meurtre dans Psychose constituent à l'époque une innovation. Quant au film Les Oiseaux, il laisse de côté les instruments de musique conventionnels et a, au lieu de cela, recours à une bande son produite de façon électronique, uniquement agrémentée par la chanson des écoliers, sans accompagnement, juste avant l'attaque de la véritable école de Bodega Bay. On peut également noter que Santa Cruz sera par la suite cité comme étant le lieu où le phénomène des oiseaux se serait produit initialement. Ces films sont considérés comme les derniers grands films d'Hitchcock. Certains critiques, tels Robin Wood et Donald Spoto, estiment cependant que Pas de printemps pour Marnie, sorti en 1964, constitue l'une des œuvres majeures du réalisateur, et d'autres encore, comme Claude Chabrol, considèrent que Frenzy est injustement sous-estimé. Sa santé déclinant, Hitchcock est amené à réduire sa production durant les deux dernières décennies de sa carrière. Il tourne deux thrillers d'espionnage sur fond de Guerre froide. Le premier, Le Rideau déchiré (Torn Curtain, 1966), a pour vedettes Paul Newman et Julie Andrews.  Le Rideau déchiré se passe principalement en RDA, avec Paul Newman et Julie Andrews dans les rôles principaux. Il marque la fin assez triste de la collaboration, qui durait depuis douze ans, entre Hitchcock et le compositeur Bernard Herrmann. Mécontent de la partition fournie par Herrmann, Hitchcock finit par le remplacer par John Addison. Le film sort aux États-Unis le 27 juillet 1966. Le 5 novembre, Le Cinéma selon Hitchcock, publié aux Éditions Robert Laffont, sort à Paris en librairie. Dans cet ouvrage, résultat d'une série d'entretiens accordés à François Truffaut, critique et lui-même réalisateur, Hitchcock se livre sur sa manière de travailler. Le film suivant d'Hitchcock, L'Étau (Topaz), est l'adaptation d'un roman de Leon Uris (auteur d'Exodus). 

L'histoire commence au Danemark, et se poursuit aux États-Unis, à Cuba et en France. Frederick Stafford est engagé pour tenir le rôle principal ; parmi le reste de la distribution, plutôt hétéroclite, figurent John Forsythe, et les Français Dany Robin, Claude Jade, Michel Subor, Philippe Noiret et Michel Piccoli. À la fin du tournage, comme à l'habitude, des projections-tests sont effectuées, qui se révèlent désastreuses : le film est le plus souvent jugé trop long, ennuyeux et sa fin, un duel opposant Devereaux (Stafford) et Granville (Piccoli), ridicule. À la suite de cela, des scènes sont coupées, d'autres raccourcies, d'autres même accélérées, et deux fins optionnelles sont proposées : l'une montre Devereaux montant dans un avion et apercevant Granville montant dans un autre avion à destination de l'Union soviétique, et l'autre, qui tombe assez sèchement, montre, ou plutôt suggère (les acteurs ne sont plus disponibles pour tourner d'autres scènes) le suicide de Granville : on voit furtivement un homme entrer dans une maison, puis on entend un coup de feu. C'est cette dernière fin qui sera conservée pour la sortie en salle, en 1969. Le National Board of Review attribuera néanmoins la récompense du meilleur réalisateur à Hitchcock pour ce film. Comme Le Rideau déchiré, L'Étau recevra un accueil mitigé de la part de la critique.

Les années 1970

Après l'échec du Rideau déchiré et de L'Étau, Hitchcock renoue avec le succès en 1972, avec Frenzy, tourné en Grande-Bretagne. Puis Complot de famille, en 1976, reçoit les hommages de la critique. 

Dernier film britannique

En 1971, Hitchcock est fait chevalier de la Légion d'honneur. L'année suivante, il revient à Londres pour y tourner Frenzy, qui sera son dernier grand triomphe. Après les deux films d'espionnage au succès plus que modéré, l'intrigue du film marque le retour au thriller ayant un meurtre pour point de départ, un genre dans lequel Hitchcock avait beaucoup donné auparavant. Le scénario est confié à Anthony Shaffer, qui venait de connaître un certain succès au théâtre. Le tournage se trouve quelque peu bouleversé au moment où Alma, la femme et première collaboratrice d'Hitchcock, est victime d'une attaque, mais celle-ci se remettra assez rapidement. L'histoire de base recycle l'un de ses succès du muet, Les Cheveux d'or (The Lodger). Richard Blaney (Jon Finch), un serveur de bar à l'humeur changeante, prompt à la colère, devient le suspect numéro un dans l'affaire des « meurtres à la cravate », dont l'auteur réel est en fait son ami, Bob Rusk (Barry Foster), un marchand de fruits. Cette fois-ci, Hitchcock fait de l'« innocent » et du « méchant » des jumeaux plutôt qu'il ne les oppose, comme c'était le cas dans L'Inconnu du Nord-Express. Seul l'un d'eux, cependant, a franchi la barrière et est devenu meurtrier.

Pour la première fois, Hitchcock intègre dans l'un de ses films la nudité et la crudité du langage, sujets autrefois tabous. Il témoigne également d'une rare sympathie pour l'inspecteur en chef et à un aspect amusant de sa vie privée. Frenzy rencontrera un succès considérable, ses recettes dépassant même celles de Psychose. Certains biographes ont fait remarquer qu'Hitchcock avait toujours repoussé les limites de la censure, réussissant souvent à gruger l'homme qui fut, pendant longtemps, chargé de faire respecter le code Hays à Hollywood : Joseph Breen. En effet, en de nombreuses occasions, Hitchcock était parvenu à glisser dans ses films de subtiles allusions à ce que la censure, jusqu'au milieu des années 1960, condamnait. Selon Patrick McGilligan, Breen et d'autres, le plus souvent, n'étaient pas dupes au sujet de ces connotations et, en fait, ils s'en amusaient tout autant qu'ils s'alarmaient des « déductions inévitables » que l'on ne pouvait que tirer de certaines scènes. Ce n'est qu'à partir du Rideau déchiré qu'Hitchcock sera finalement en mesure d'inclure ouvertement des éléments d'intrigue auparavant interdits dans les films américains, et cela restera le cas jusqu'à la fin de sa carrière. En 1974, la même année qu'il est victime d'une crise cardiaque à la suite de laquelle il sera obligé de porter un Pacemaker, un hommage est rendu à la carrière du réalisateur, le 29 avril, par la Film Society du Lincoln Center de New York. 

Dernier film américain en clin d'œil

Complot de famille (Family Plot, 1976) sera le dernier film d'Hitchcock, alors quasi octogénaire. Le film relate les péripéties de « Madame » Blanche Tyler (Barbara Harris), une fausse voyante, et de son amant chauffeur de taxi (Bruce Dern), lequel compte tout de même tirer quelque profit de ces soi-disant pouvoirs. William Devane, Karen Black et Cathleen Nesbitt font également partie de la distribution. C'est le seul film d'Hitchcock dont John Williams ait écrit la musique. Le film, dont le scénario sans faille est signé Lehman, est d'une constante drôlerie, et donne l'impression d'être l'œuvre d'un jeune débutant, bourré de talent. D'une façon qui n'est sans doute pas anodine, Complot de famille se termine par un clin d'œil adressé, via le personnage de Blanche, aux spectateurs du film et, on s'imagine, aux spectateurs de tous les films du « Maître ». 

Dernier projet

Dès le début des années 1970, Hitchcock songeait à faire un film, The Short Night, basé sur l'histoire de l'espion George Blake qui, en 1966, s'était évadé d'une prison de Londres avant de fuir en Union soviétique. Il acquiert les droits de deux livres consacrés à cette histoire. Les relations d'Hitchcock avec James Costigan, le premier scénariste engagé pour le projet, seront assez houleuses ; le réalisateur le congédie et fait alors appel à son ancien collaborateur, Ernest Lehman, auteur des scénarios de La Mort aux trousses et Complot de famille. Celui-ci écrit plusieurs versions de l'histoire, mais aucune ne satisfait Hitchcock, et les deux amis se brouillent. Hitchcock s'adresse alors à Norman Lloyd, un autre ancien collaborateur et ami, mais cela ne fonctionne pas mieux. Après avoir travaillé quelque temps seul à l'adaptation, Hitchcock accepte de collaborer avec un quatrième scénariste, David Freeman, qui s'attelle à la tâche à la fin de l'année 1978. 

Maladie

Entre décembre 1978 et mai 1979, Hitchcock et Feeman se verront régulièrement dans les bureaux du réalisateur aux studios Universal. La santé déclinante du réalisateur rend la tâche de Feeman difficile. Hitchcock souffre d'arthrite. Elle lui cause d'intenses douleurs aux genoux. Il consomme beaucoup d'alcool, sans doute pour apaiser sa souffrance. Les difficultés morales du réalisateur sont accrues par l'inquiétude que lui donne la santé d'Alma, sa femme. Au moment où le scénario est pratiquement terminé, Hitchcock apprend que l'American Film Institute (AFI) veut le récompenser pour l'ensemble de sa carrière. Hitchcock, loin d'être flatté, perçoit la chose comme un présage de sa mort et panique. Il se rend malgré tout à la cérémonie. Le 3 janvier 1980, il reçoit la visite du consul de Grande-Bretagne, qui vient lui annoncer sa nomination au rang de Chevalier de l'Empire britannique. Après son anoblissement, Hitchcock, très mal en point, prend la décision de définitivement renoncer à tourner The Short Night ; il en avertit directement Universal, et les bureaux d'Hitchcock ferment. Le scénario de The Short Night sera finalement publié dans un livre consacré aux derniers jours du réalisateur. Hitchcock reste chez lui quelque temps, puis revient quelquefois aux studios. 

Décès

À l'âge de 80 ans, Alfred Hitchcock meurt, le 29 avril 1980, des suites d'une insuffisance rénale, dans sa maison de Bel Air, à Los Angeles, Californie. Il s'éteint dans son sommeil, entouré des siens. Il laisse sa femme, Alma Reville, leur fille unique, Patricia, et trois petites-filles, Mary Alma, Teresa et Kathleen. Le corps est incinéré. Une cérémonie, sans cercueil, a lieu en l'église catholique du Bon Berger (Good Shepherd Catholic Church) à Beverly Hills. Les cendres d'Alfred Hitchcock seront dispersées dans l'océan Pacifique. 

Filmographie
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